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Actualités of Tuesday, 2 October 2018

Source: Integration N°340

L’étrange parcours de Ndifor Afanwi, le messi qui veut siéger à Etoudi

Ndifor Frankline Afanwi est candidat à la présidentielle Ndifor Frankline Afanwi est candidat à la présidentielle

Pasteur, avec grade de «prophète», le candidat à la présidentielle dit s’être engagé après avoir reçu un appel de Dieu. Le «Tout puissant» lui aurait confié une mission : devenir président de la République pour sauver le Cameroun. Alléluia…

Allez, et libérez la nation du Cameroun qui est en train de souffrir». C’est le message bref, mais précis, que Dieu aurait fait parvenir à son «prophète», Ndifor Frankline Afanwi. Nous ne sommes pas ici dans les Saintes écritures. Encore moins dans «les premiers temps» selon la Bible. Mais Ndifor Frankline Afanwi se persuade à penser qu’il a reçu ce message divin, «il y a quelques mois». Dans la lignée de Moïse, choisi par Dieu pour sauver son peuple d’Egypte ; ou encore de la Pucelle d’Orléans qui dans un bois reçût l’appel des Cieux pour délivrer la France de l’occupation anglaise ; le prophète Frankline Ndifor assure être investi de la mission divine de «sauver le Cameroun».

« [La candidature à la présidentielle], n’est pas de moi. Dieu m’a demandé de venir en aide à cette nation qui est en train de pourrir», répète-t-il inlassablement. L’homme se garde cependant de dévoiler le canal par lequel il a été contacté par la divinité, « pour que les gens ne l’interprètent pas mal ». Il rassure toutefois: « Dieu n’a jamais eu une voix grave, parce que c’est un Dieu d’amour». Soit…

Premier appel de Dieu

Ce serait la deuxième fois, en 38 ans de présence terrestre, que Frankline Ndifor reçoit un appel de Dieu. Originaire de Bafut (département de la Mezam, région du Nord-ouest) où il est né un jour de novembre 1980, le futur pasteur y passe une partie de sa scolarité. Il migre par la suite à Douala, la capitale économique, où il y poursuit ses études et en ressort nanti d’un diplôme d’ingénieur en informatique. Alors qu’il dirige une petite entreprise de prestation de travaux d’ingénierie informatique, sous contrat avec les Nations unies, Ndifor Frankline Afanwi dit avoir reçu «l’appel du Seigneur à commencer l’œuvre de Dieu». Il troque dès lors le clavier pour la Bible. Son champ lexical passe de circuits et programmes informatiques à versets, parole de Dieu et délivrances.

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L’homme commence à prêcher dans des églises pentecôtistes et en 2010, il se met à son propre compte. Il crée la Kingship International Ministry et en dévient le «prophète». Cette église basée au quartier Bonaberi à Douala revendique aujourd’hui un peu plus de 10 000 fidèles. À l’instar de ses pairs dans l’industrie de la foi, «prophète Frank», dote la Kingship International Ministry d’une télévision, la Kingship TV. Elle rend compte de ses enseignements et donne à voir «ses miracles».

Entrepreneur de la foi

La deuxième révélation, «prophète Frank» la reçoit il y a quelques mois. Dieu lui demande alors de faire acte de candidature à l’élection présidentielle d’octobre 2018 afin de devenir président de la République et «délivrer le pays». En septembre 2017, l’homme de Dieu crée un parti politique: le National Programme for Peace in Cameroun (NPPC). Il le fait aussitôt légalisé.

N’ayant pas d’élus local, condition sine qua non pour se présenter à la présidentielle, Ndifor Frankline Afanwi s’attache les services de Jean Monthe Nkouobité. Ce dernier est un ancien député à l’Assemblée nationale, leader du parti politique Mouvement citoyen national Camerounais (MCNC) qui dispose d’élus locaux dans la ville de Bafang, département du Haut Nkam, région de l’Ouest.

«Ndifor cherchait un parti politique qui pourrait l’investir pour être candidat à la présidentielle. On lui a parlé de Jean Monthe. Ils se sont rencontrés à plusieurs reprises. Monthe a accepté, en faisant savoir à Ndifor que c’est à lui que revenait la charge matérielle de cette candidature», explique un membre de l’équipe de campagne du candidat Ndifor. Le mariage est annoncé en mai 2018. Ndifor Frankline Afanwi se lance officiellement dans la course à la magistrature suprême sous les couleurs du MCNC. «Prophète Frank» est en effet présenté comme un entrepreneur prospère dans le domaine de la foi. «Malgré sa jeunesse, il est le père spirituel de beaucoup de personnes.

Il a fait beaucoup de choses pour des gens qui lui sont encore reconnaissants aujourd’hui. Lorsqu’il a reçu la révélation de se présenter à la présidentielle, les fidèles se sont spontanément proposés de l’accompagner dans cette mission. Il a reçu de l’argent venant de partout dans le monde pour payer sa caution et pour financer sa campagne, des Etats-Unis, de l’Angleterre et de la Belgique, etc. Des gens pour qui il avait prié et qui ont reçu beaucoup de grâces ont décidé de l’aider», explique un fidèle de la Kingship International Ministry pour justifier les moyens dont dispose le candidat-prophète.

Equipe de campagne

Le candidat s’entoure alors d’une équipe de campagne hétéroclite au sein de laquelle beaucoup ignorent jusqu’à ici leurs missions. «On nous a pris comme ça», explique l’un d’eux précisant que «c’est Ernest Pekeuho qui est son directeur de campagne ». Ernest Peukeho est homme politique au parcours controversé. Président du parti Bric, il investit Esther Dang comme candidate à l’élection présidentielle de 2011. Dans la foulée, il est accusé d’escroquerie par certains de ses militants et séjourne même derrière les barreaux. Le journaliste Sam Séverin Ango, qui porte la parole du candidat, vient de l’équipe de campagne d’Akere Muna. Et Moh Walters, également dans cette équipe, est un transfuge du SDF.

Jusqu’ici au service d’un député du RDPC, le parti de Paul Biya, il dit soutenir le « prophète Frank » car « c’est un homme de Dieu qui est juste ». Avec cette équipe, le candidat mène une campagne évangélique. Dans les meetings, le prophète, à la façon du prédicateur évangélique qu’il est, prêche davantage. Il apparaît en effet comme pasteur en croisade d’évangélisation et beaucoup moins comme un candidat en campagne électorale. Cela se confirme d’ailleurs à l’agacement manifesté par les membres de son staff lorsqu’on leur demande une mouture du projet de société et du programme du «prophète». La culture de l’oralité domine ici. Il faut donc scruter les sorties médiatiques du pasteur pour songer la direction vers laquelle le néo-évangéliste veut conduire le Cameroun.

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Baguette magique

Pour l’essentiel, et à part «délivrer et sauver le Cameroun», Franfkline Ndifor compte : réduire le nombre de départements ministériels à 20, passer à l’Etat fédéral (le nombre d’Etats reste à déterminer), passer à un mandat présidentiel de six ans, pardonner au chef de l’Etat actuel ainsi qu’à toutes les personnalités incarcérées dans le cadre de la lutte contre la corruption, «industrialiser le Cameroun», digitaliser toute l’administration publique, booster le secteur privé, réduire les impôts, mécaniser l’agriculture, etc. Rien que cela… Interpellé sur sa solution de sortie de crise dans les régions anglophones, Ndifor pose : «Il y a d’abord des éléments qu’il faut réunir, parce que ce n’est pas un problème qui a commencé aujourd’hui. On va travailler dessus et voir d’ici quelques jours ce que cela peut donner».

À ceux qui lui reprochent de tirer des plans sur la comète, le «prophète» répond : «je ne suis pas un politicien, je viens avec la réalité». Il ajoute, «la personne qui peut bien gérer le Cameroun est cette personne qui a un cœur universel. La plus part des Camerounais se plaignent parce qu’il n’y a pas de travail». Mais avant de faire du Cameroun ce pays où la manne tombe du ciel, l’«élu de Dieu» averti: «les Camerounais doivent apprendre à travailler [et] cela nécessite un homme de vérité pour redresser le Cameroun et lui donner une force pour le développement».

Pour lui, il faut « rectifier la mentalité camerounaise », et il n’y aurait pas mieux que lui pour accomplir cette tâche divine. «Je suis un expert dans la moralité. Je suis un pasteur. Cela veut dire que je peux éduquer les gens à bien vivre », revendique-t-il. Pour le 7 octobre prochain, le candidat est confiant : «gagner une élection ne dépend pas d’un budget, mais d’une personnalité qui est aimable».