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Infos Business of Thursday, 12 April 2018

Source: Barometre

La dette intérieure ne semble pas être une priorité pour l’Etat

Avec le droit Ohada, les personnes publiques ne risquent ni pénalités ni intérêts de retard Avec le droit Ohada, les personnes publiques ne risquent ni pénalités ni intérêts de retard

Si tout se passe bien, 670 milliards devraient être payés aux entreprises locales cette année, au titre de la dette intérieure. Une belle somme, pourrait-on dire. Mais en début d’année, la Caisse autonome d'amortissement (CAA), organisme public en charge de la gestion de la dette publique, a annoncé que l'Etat a prévu de mobiliser 560 milliards de FCFA pour solder sa dette intérieure au cours de cette année 2018. C’est dire que les arriérés représentent jusqu’à 83,5% de l’enveloppe de la dette intérieure mise en paiement cette année. Un chiffre proche de celui indiqué dans le Mémorandum de politiques économiques et financières pour 2017-2019 signé avec le Fonds monétaire lnternational (FMI) en juin 2017.

Dans ce document, le gouvernement indique que «les arriérés de paiement domestiques de la dette publique sont estimés à 3,5 % du PIB (plus de 530 milliards de FCFA à fin 2016) dont 0,5 % du PIB pour la dette de la Sonara envers ses fournisseurs.» Dans une Lettre de réforme adressée au président de la République en janvier 2015, l’ingénieur financier, Babissakana révèle que l’Etat, solvable, accumule des impayés sans pénalités ni intérêts de retard. «Suivant les statistiques publiées en juillet 2014 par le FMI, l’Etat du Cameroun accumule de plus en plus les arriérés et autres obligations de paiement dus aux agents économiques locaux dont le montant est passé de 585 milliards de FCFA en 2010 soit 5% du PIB à 668 milliards de FCFA en 2013 soit 4,6% du PIB», souligne-t-il. Outre la répression financière et l’expropriation illégale de revenus (dé- lais de paiement long et sans contrepartie), «ces arriérés sont à l’origine d’un freinage substantiel d’activité économique avec des conséquences né- fastes notamment en termes de fermeture des plusieurs petites et moyennes entreprises et de destruction de nombreux emplois», explique l’analyste. Paradoxalement, s’étonne Babissakana, «le même Etat du Cameroun applique du côté des recettes publiques, une législation stricte et rigoureuse des délais de paiement concernant le recouvrement des impôts et taxes y compris des pénalités et des intérêts de retard pour les mêmes agents économiques.»

Entre insolvabilité et Impunité

Côté gouvernement, on explique qu’étant donné le volume des ressources internes et externes disponibles et qui laisse apparaitre un besoin de financement important, le gouvernement compte sur les appuis budgétaires promis par les partenaires techniques et financiers pour rembourser le stock des impayés, entre autres. En effet, le Programme de réformes économiques et financières signé avec le FMI est accompagné d’une facilité élargie de crédit d’une durée de trois ans (2017-2019). La FEC permet au Cameroun de recevoir des appuis budgétaires d’un montant total de près de 2,3 milliards de dollars (1300 milliards de FCFA), à la fois de la part du FMI et d’autres partenaires internationaux tels que la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAD), l’Union européenne ou encore l’Agence française de développement (AFD).

A cette aide ponctuelle, Babissakana propose des mesures structurelles à travers la formulation, l’adoption et l’implémentation d’une législation et une réglementation sur les délais de paiement aussi bien pour l’Etat que pour le crédit inter-entreprises. Ce serait mieux si l’Etat pouvait être «puni» en cas de non-respect de ses engagements en matière de paiement de sa dette.

Mais le droit Ohada a institué une «immunité d’exécution» qui constitue un obstacle qui empêche le créancier d’atteindre le patrimoine publique (l’Etat). Selon le magistrat gabonais Ulrich Armel Ibono, «le législateur Ohada range les personnes morales de droit public originaires et les entreprises publiques parmi les bénéficiaires de l’immunité d’exécution. Somme toute, l’immunité d’exécution est une sorte d’insécurité juridique de nature à fragiliser des relations d’affaires entretenues avec les personnes publiques. La compensation ne peut à elle seule résoudre les difficultés de recouvrement causées par l’immunité d’exécution.»