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Infos Business of Saturday, 18 June 2016

Source: camer.be

Fiscalité: 70% des contribuables n’aiment pas l’impôt

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Selon le Centre d’analyse et de recherche sur les politiques économiques et sociales du Cameroun, c’est la conséquence de l’inefficacité des services publics de base et de l’opulence des agents du fisc.

C’est un postulat quasiment connu que relève le Centre d’analyses des politiques économiques et sociales du Cameroun (Camercap-Parc). « D’une manière générale et au-delà de l’espace et du temps, l’impôt a souvent été perçu négativement par la plupart des chefs d’entreprises», peut-on lire dans le deuxième numéro de la Note rapide de politique économique qu’il a publié en avril 2016. En effet, le Centre placé sous l’autorité du ministère de l’Economie, de la planification et de l’aménagement du territoire (Minepat) se penche sur la relation entre les contribuables et la fiscalité.


Une réflexion qui intervient dans un contexte où le Cameroun, selon le Camercap-Parc est confronté à trois défis principaux: l’insécurité avec la guerre qu’impose la secte Boko- Haram, la mise en application dans les prochains mois des Accords de partenariat économique avec l’Union européenne et qui implique le démantèlement des barrières douanières, et la chute des cours du pétrole.

Comme palliatif à ce contexte, la Cameroun doit accroître les «ressources mobilisables par des mécanismes traditionnels et/ou innovants». Comment y parvenir dans un contexte où en 2014, «plus de 70% des chefs d’entreprises (avaient) une perception négative de la fiscalité et cela, quel que soit le secteur d’activité». Ces derniers considèrent les impôts et autres charges fiscales comme «un obstacle à la réalisation de leurs objectifs et à la croissance de leurs affaires ».

Et parmi les plus réticents aux impôts, une enquête du Minepat sur le climat des affaires indique qu’en 2014, 43,8% relevaient du secteur des industries textiles. Ils sont suivis par les promoteurs des établissements financiers, des restaurants et hôtels. Le désamour vis-à-vis de la fiscalité et de l’administration publique est aussi observé par les personnes physiques. «Cette perception négative crée un manque d’adhésion et d’engagement autour de l’impôt et de toute politique fiscale ».

Fruits de l’impôt

Au-delà de l’argent à payer, le Camercap-Parc croit savoir que c’est surtout le «déficit de visibilité et/ou d’efficacité des services publics de base, et l’opulence apparente et insolente de certains agents du fisc dans un environnement de pauvreté » qui nourrissent l’aversion manifeste vis-à-vis de l’impôt lui-même. Les contribuables s’indignent de la mauvaise qualité des services sociaux qui leur sont donnés par l’Etat, notamment dans le domaine des routes, des infrastructures de base, de l’eau, de l’énergie, de l’éducation ou de la santé.

«Comment des entreprises qui éprouvent de réelles difficultés à accéder à l’énergie ou à des voies d’accès praticables peuvent-elles être motivées à payer des milliards à l’Etat ? Ce sentiment d’une redistribution inéquitable des fruits de l’impôt entraine inexorablement la non adhésion des contribuables », remarque le Centre d’analyses des politiques économiques du Cameroun. Malgré ce rapport de méfiance vis-à-vis de l’administration fiscale, celle-ci s’est illustrée par des taux de réalisations satisfaisants ces dernières années. Entre 2012 et 2015, la Direction générale des impôts (DGI) a toujours dépassé les prévisions annuelles de collecte qui lui ont été assignées.

En 2015 par exemple, elle a collecté 1718, 9 milliards de FCFA alors qu’il était attendu d’elle 1604,3 milliards. La Direction générale des douanes (DGD) n’a pas connu le succès des années précédentes (97, 88% de réalisations en 2015). Mais entre 2012 et 2014, ses performances sont aussi allées au-delà des attentes. 692,7 milliards de F CFA étaient espérés par l’Etat en 2014. La DGD a rapporté 700,1 milliards de FCFA, soit un taux de réalisation de 109,20%.

Accompagnement fiscal

Face à de tels indicateurs, le Camercap-Parc apporte une double réflexion: les administrations fiscales sont performantes, mais «un autre angle d’analyse peut aussi interpréter ces résultats comme traduisant l’existence d’importantes niches non suffisamment explorées». Le Centre propose un accompagnement fiscal bâti autour de sept «mesures urgentes à résultats rapides» pour optimiser la fiscalité au Cameroun. La première des mesures est la création d’un régime fiscal pour les entreprises en difficulté, en s’inspirant de la pratique médicale.

Tous les contribuables n’ayant pas les mêmes besoins, profils, risques ou enjeux, il n’est pas adéquat de leur appliquer des solutions «prêt-à-porter». Pour le Camercap- Parc, cette mesure passerait donc par la mise en place d’une unité de communication opérationnelle et d’un centre de «secours». Sa mission sera de sauver les entreprises en difficulté et il sera jugé sur le nombre de contribuables sortis du naufrage économique et donc, de la cessation d’activité.

Les autres prescriptions du Camercap-Parc incluent l’assainissement du fichier des contribuables par la géo localisation pour un cadastre fiscal optimal, le renforcement du civisme fiscal, l’amélioration de l’image ou la perception qu’ont les contribuables de l’administration fiscale. Sur ce dernier point, les analystes pensent qu’«une division marketing ne serait pas superflue à la DGI ou la DGD». Aussi, il faut cultiver l’éthique des personnels de l’administration fiscale en les poussant à plus de sobriété et à une «richesse moins ostentatoire».

Les deux dernières mesures insistent sur la fonction pédagogique de l’impôt par rapport à la répression et le rôle social de redistribution de l’impôt. «L’Etat devrait pouvoir veiller à ce que les contribuables aient le sentiment que leur impôt sert à quelque chose. Le cas des servitudes et routes des zones industrielles et les bassins de productions est en soi illustratif et dissuasif», conclut l’analyse.