À quelques mois de l'élection présidentielle du 12 octobre 2025, l'intellectuel camerounais Jean-Bruno Tagne livre une analyse sans concession sur les stratégies de l'opposition, remettant en question l'efficacité d'une coalition tout en plaidant pour une refonte du système électoral.

Alors que la convocation du corps électoral par le président Paul Biya ravive les discussions sur une éventuelle union de l'opposition, le journaliste et écrivain Jean-Bruno Tagne adopte une posture critique. Pour lui, l'idée d'une coalition de l'opposition relève du "faux débat", une position qui tranche avec le discours dominant dans les milieux politiques camerounais.

"L'hypothétique coalition de l'opposition. Tous opposants qu'ils sont, ils n'ont cependant pas les mêmes desseins", analyse-t-il avec lucidité. Cette observation met en lumière une réalité souvent occultée : derrière l'étiquette commune d'opposition se cachent des projets politiques parfois antagonistes et des motivations diverses.

L'analyse de Tagne révèle les failles structurelles de l'opposition camerounaise. "Il y en a qui veulent sérieusement conquérir le pouvoir et s'en donnent les moyens dans un environnement difficile, alors que d'autres sont simplement des faire-valoir ou des chevaux de Troie du RDPC", déclare-t-il, pointant du doigt l'hétérogénéité des acteurs politiques rangés sous la bannière oppositionnelle.
Cette distinction entre opposants "authentiques" et "faire-valoir" soulève des questions fondamentales sur la crédibilité et l'efficacité d'une coalition globale. L'intellectuel suggère plutôt des "alliances stratégiques" entre "quelques leaders volontaires", une approche plus pragmatique qui reconnaît les limites d'une union forcée.

Au-delà de la critique de la coalition, Jean-Bruno Tagne oriente le débat vers une dimension plus structurelle. "Au lieu de passer le temps à demander à des gens que tout oppose de s'unir, on serait bien inspiré d'exiger l'organisation au Cameroun des élections à deux tours", affirme-t-il, déplaçant la focale vers une réforme du système électoral.

Cette proposition n'est pas anodine. Le système à deux tours, pratiqué dans de nombreuses démocraties, permet une meilleure représentation de la volonté populaire en offrant aux électeurs la possibilité de se prononcer dans un second temps entre les deux candidats les mieux placés. Une telle réforme pourrait, selon Tagne, constituer une alternative plus viable à la problématique coalition d'opposition.

L'approche de Jean-Bruno Tagne révèle une compréhension différente des mécanismes démocratiques. Plutôt que de miser sur une convergence forcée des antagonismes politiques, il prône une modification structurelle du processus électoral. Cette vision suppose que la clé d'une véritable alternance ne réside pas dans l'union artificielle des opposants, mais dans l'instauration d'un mécanisme électoral favorisant pleinement l'expression de la volonté populaire.
Cette position intellectuelle invite à repenser les stratégies politiques traditionnelles et à questionner les présupposés sur lesquels repose le débat politique camerounais. En remettant en cause l'efficacité de la coalition d'opposition, Tagne ouvre une réflexion sur les conditions réelles d'une alternance démocratique au Cameroun.

L'intervention de Jean-Bruno Tagne s'inscrit dans un contexte politique tendu où chaque prise de position résonne avec une intensité particulière. Ses propos, qui contrastent avec les appels récurrents à l'union de l'opposition, alimentent un débat plus large sur les stratégies à adopter face au parti au pouvoir.
Cette analyse critique pourrait influencer les réflexions des acteurs politiques et des observateurs de la scène camerounaise, notamment dans leur évaluation des chances réelles d'alternance lors de la présidentielle d'octobre 2025.