Depuis quelques années, une série de publications en ligne prétendent dénoncer les “dépenses personnelles” du président Paul Biya à l’étranger, notamment en Suisse. Mais au-delà des chiffres spectaculaires et des récits sensationnalistes, que nous dit réellement cette polémique ? À l’épreuve des faits, beaucoup d’affirmations relèvent davantage de l’agitation politique que de l’information rigoureuse.
Une publication relayée par certains médias et activistes, notamment Le TGV de l’Info ou des plateformes comme DW Afrique, affirme que le président Paul Biya aurait dépensé plus de 104 milliards de FCFA (soit environ 177 millions USD) dans ses séjours privés en Suisse, entre 1982 et 2018. Le chiffre, aussi spectaculaire soit-il, mérite d’être interrogé à la lumière du contexte diplomatique, des usages protocolaires et des réalités du pouvoir.
D’abord, il faut rappeler que les déplacements d’un chef d’État, même dits « privés », ne peuvent être comparés à ceux d’un citoyen lambda. Le président Biya, comme ses homologues ailleurs, voyage avec un cortège présidentiel, une sécurité rapprochée, et une infrastructure mobile qui obéit aux exigences régaliennes de l’État. Ces voyages, qu’ils aient lieu à Genève, à New York ou à Paris, engendrent des frais que supportent naturellement les finances publiques, comme cela se fait dans toutes les démocraties. Brandir ces chiffres en les sortant de leur contexte revient à jouer sur l’émotion et l’ignorance du public, sans faire œuvre d’information.
Par ailleurs, l’étude citée par l’OCCRP elle-même ne fournit aucun document officiel ou preuve de détournement. Il s’agit d’estimations basées sur le nombre supposé de jours passés à l’étranger et le prix moyen d’une suite à l’hôtel Intercontinental. Une méthodologie floue et approximative, où l’accusation est extrapolée sans preuve directe. Aucune juridiction suisse ou camerounaise, ni aucun audit international n’a jamais condamné ou même mis en cause le président Biya pour détournement lié à ses séjours à l’étranger.
Quant à la question de Brenda Biya, souvent utilisée comme symbole de “gaspillage d’État”, il convient de séparer le privé de l’officiel. Brenda Biya n’exerce aucune fonction publique au Cameroun. Elle est majeure et libre de ses déplacements. La polémique sur son séjour à Genève et sa condamnation pour diffamation relèvent du domaine privé. La volonté de lier son comportement personnel à une prétendue dilapidation des fonds publics trahit une intention politicienne plus que journalistique.
Enfin, on peut légitimement interroger les priorités de certains activistes : le Cameroun est confronté à des défis sécuritaires majeurs, à des pressions économiques globales, à la transition numérique et à la réforme de son appareil productif. Se focaliser de façon obsessionnelle sur les voyages présidentiels relève moins de l’information citoyenne que de la diversion militante.
Dans un climat où la manipulation de l’opinion est facilitée par les réseaux sociaux, il est plus que jamais nécessaire d’exercer un journalisme rigoureux, fondé sur les faits et la nuance. Les attaques contre le président Paul Biya, souvent fondées sur des extrapolations sensationnalistes, participent d’une campagne de dénigrement qui dessert le débat démocratique. Informer ne doit jamais être confondu avec agiter.