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Opinions of Jeudi, 25 Octobre 2018

Auteur: Beyoncé Atangana

'Paul Biya ne mourra jamais'

Le poste est occupé par un fantôme Le poste est occupé par un fantôme

Je rêve qu'au pays ou les revenants prennent le taxi et les défunts se rendent aux urnes, une nouvelle circule enfin : le président est mort et cela depuis longtemps.

Le poste est occupé par un fantôme. Les habitants du cru racontent qu'il est tout le temps en voyage en Suisse ou qu'il se mure dans son palais mais à vrai dire je vous le dis : personne ne l'a vu. On dit qu'il bloque des rues entières, en paralyse une ville à chaque fois qu'il la traverse mais personne ne l'a aperçu. Les vitres tintées de son carrosse sont toujours relevées.

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Même ses ministres ne l'ont jamais vu. De drôles d'histoires ésotériques sont entretenues afin de les tenir éloignés. De toute façon de conseils de ministres il n'y en a pas, ce qui explique peut-être pourquoi le pays semble en absence de gestion. Ça les arrange même, paraît-il. Ils ont d'autres choses à faire et de toute façon n'ont sollicité les postes que pour le prestige et s'en mettre plein les poches. Et les photos et la télé et la campagne alors ? L'explication est très simple : un hologramme. Les images sont un peu datées forcément. C'est pour ça qu'il a l'air si jeune.

Et quand et comment est-il alors mort exactement ? Je ne sais pas. Je ne sais pas si les personnes qui sont au courant le savent. Je crois que tout le monde s'en fiche. Ce qui compte c'est de le maintenir en place. Mais comment a-t-on pu cacher ça ? Je crois que la situation les intéresse bien trop que pour qu'ils s'en rendent compte. Beaucoup de gens ont trop à perdre...

Et qui bénéficie d'une fonction politique du plus haut ministre au plus petit président de local … des femmes retraitées du sous-quartier. Et qui de son emploi de gratte-papier, pose tampon, accole signature toujours absent de l'administration pléthorique. Et qui espère être l'élu de l'une ou l'autre promotion de recrutement public de campagne (électorale) à défaut de bénéficier de l'un ou l'autre passe-droit. Et qui fait dans les marchés publiques. Sans oublier tous les petits et grands intermédiaires. Cela représente quand même pas mal d'emplois directs et indirects.

Et ça génère pas mal d'argent tout ça. Pas seulement les salaires, d'ailleurs pas souvent très généreux mais surtout tous les à-cotés. Bac chiche, petite bière, grosse enveloppe, détournement et commission, il y en a pour tous les styles et toutes les occasions. Les stratagèmes sont variés et nombreux. Une grande imagination, une véritable ingénieurerie. Le petit prend un peu. C'est le cadeau, le pour-boire, quoi. Le moyen, il te met déjà un peu plus de pression. Il te fait comprendre que c'est compliqué, que ça prendra pas mal de temps ou que t'est pas tout à fait dans tes droits, bref qu'il te faut rémunérer son assistance pour éviter le blocage. Tout travail mérite salaire. Le gros lui, c'est la total si pour une chose ou une autre tu dois un jour passer dans son bureau, avec lui ça rigole pas, c'est du haut vol, ça casque.

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Faut comprendre, le prix est proportionnel à la fonction. Il y aurait même, dans certains services, un système de corruption pyramidale. Tu vois le flic, il te prend un billet. Toi, tu crois qu'il le met tout droit dans sa poche, le rapiat. Mais non. C'est qu'une partie revient au petit chef, qui lui-même doit en remettre une au moyen, qui lui aussi doit fournir sa commission au plus grand. Et comme on connaît le sens de la hiérarchie camerounais, ça doit en faire des échelons. Et la caisse se remplit d'autant plus difficilement, qu'outre ces fonctionnaires qui confondent leurs poches et celle de leur service, il y a aussi ceux, grands manitous, qui viennent ponctionner ce qui a réussi à y atterrir. Il parait même que les banques seraient soumisses au même régime. Il y aurait même un tarif régulier, des grosses enveloppes direction … ?

Et l'opération épervier alors ? C'est que tout ça ne plaît pas à tout le monde forcément. Le peuple râle (bande de râleurs !). Il fallait donc donner quand même l'impression qu'on y fait quelque chose. On prend 2 ou 3 gros bonnets, de préférence des dérangeants, des gens qui prennent trop de place, à grand renfort médiatique. Et voilà, le tour est joué. D'une pierre, deux coups. On donne l'apparence de lutter contre le fléau et l'on se débarrasse des dérangeants. Tout un peuple mystifie et craint un président qui n'est plus là alors ? Oui. Je viens d'apprendre que le fantôme a été réélu et proclamé. Vive le Cameroun ! Vive le RDPC éternel !