Opinions of Tuesday, 29 July 2025

Auteur: Hervé Nzouabet

Le régime est à bout de souffle: 'sa survie ne tient plus qu’à l’absence d’une pression sociale'

Même la plus petite manifestation peut mettre fin au régime Biya Même la plus petite manifestation peut mettre fin au régime Biya

Le Cameroun traverse une impasse politique profonde, marquée par l'inertie des institutions, la confiscation de l’État et d’un climat d’épuisement généralisé. Face à ce blocage systémique, il devient clair que le seul consensus politique ne suffira pas. Il est temps d'en appeler à une mobilisation de la société civile pour élargir le socle du sursaut national à venir.

Dans notre appel au consensus politique pour sauver la nation camerounaise du péril qui advient, nous avons expliqué comment notre pays, depuis l’indépendance, est prisonnier de pactes politiques fragiles. Ces derniers ont souvent été noués sur des logiques ethno-régionalistes et opportunistes, au détriment d’un véritable projet national. Ce système, hérité des alliances de 1958, reconduit à travers le schisme de 1983 puis consolidé dans les années 1990, a conduit à une confiscation durable de l’État par une élite verrouillée. Pour nous éviter ces crises interminables, Ruben UM NYOBE nous prévenait déjà du fond de son maquis le 30 mai 1957 « Il y aurait donc lieu d’entreprendre une vaste campagne de ce que l’on pourrait appeler : Le Relèvement National. Une telle campagne pourrait être placée sous le patronage d’un large comité comprenant les représentants du pouvoir public, de tous les cultes, de tous les secteurs d’opinion et de tous les bras d’activité. Ce comité aurait pour tâche d’organiser des conférences, des rencontres, des manifestations populaires, etc. C’est ce que l’on pourrait appeler la Réconciliation Nationale fondée sur une réelle détente des cœurs ».

Aujourd’hui, le pays est dans une impasse politique et des cœurs sont meurtris : un régime pris en otage, une jeunesse abandonnée, des institutions manipulées. Le consensus politique, recommandé par nos soins, ne pourra à lui seul sortir le Cameroun de cette paralysie. Il doit être élargi à un Consensus citoyen et générationnel, porté par la société civile dans sa diversité — religieux, syndicats, mouvements sociaux, diasporas — et par les générations marginalisées depuis les années 90. C’est à cette condition que pourra émerger une transition crédible vers une République refondée et partagée.

Car si l'histoire politique du Cameroun s’est souvent écrite par des combinaisons d’élites, les véritables ruptures, elles, ne peuvent advenir sans l’engagement du peuple. Un consensus citoyen, enraciné dans la légitimité populaire, est aujourd’hui indispensable. Il doit s’exprimer par la voix des syndicats, des églises, des imams, des ONG, des associations professionnelles, des mouvements de femmes, des collectifs de jeunes et des diasporas. Ces forces sociales, souvent tenues à l’écart ou instrumentalisées, doivent reprendre leur place dans la fabrique du destin national. Nous devons toujours rappeler qu’en 1990 la mobilisation de la jeunesse estudiantine avait pavé la voie vers la liberté et la mobilisation politique jamais égalée de nos jours.

L’Église, les confessions religieuses, les leaders coutumiers et spirituels, souvent détenteurs d’une autorité morale, doivent rompre le silence, nommer les blocages, et appeler sans détour à la refondation. L’église catholique qui s’est prononcée, à travers ses évêques, doit prendre position à présent que les candidatures aient été déposées. Elle a matière se positionner légitimement sur les candidatures qui remplissent ou pas le portrait du candidat défini par ses soins. Ses fidèles en attendent moins que cela sinon plus. Il en va de la paix, de la justice sociale, et de la dignité du peuple camerounais. À quoi sert la foi, si elle ne libère pas les opprimés ni ne défend les sans-voix ?

Mais cette interpellation ne saurait se limiter à une simple participation institutionnelle. Elle appelle également à un consensus générationnel. Trop longtemps, la génération de leaders des années 1992 a monopolisé les leviers politiques sans offrir d'alternatives crédibles. Aujourd’hui, on la voit revenir sur scène et, par-là, elle nous montre qu’elle a gardé la mainmise sur l’initiative politique.

Or, les générations abandonnées — celles nées dans la débâcle des années 90, livrées au chômage, à la migration forcée, à la désillusion, celles des années 2000 qui s’est faite écrasée violemment en février 2008 et celles des années 2010 déboussolées et en manque d’espérance — exigent à juste titre d’avoir voix au chapitre. Elles ne peuvent être réduites à des figurants dans une pièce écrite par d’autres. Leur énergie, leur créativité, leur connaissance du monde globalisé doivent nourrir la transition. C’est en écoutant ces générations que le pays pourra bâtir une nouvelle République qui ne soit pas une répétition du passé. Cela permettrait de tirer les leçons de notre passé. 2025 ne peut être 1992.

Le temps est donc venu de joindre le consensus politique au consensus citoyen et générationnel. Seule une telle convergence peut briser l’inertie actuelle et dessiner les contours d’un avenir commun. Il ne s’agit pas d’unir pour unir, mais de construire un accord historique autour de principes clairs : souveraineté populaire, justice sociale, équité territoriale, transparence démocratique.

Le régime est à bout de souffle. Sa survie ne tient plus qu’à l’absence d’une pression sociale unifiée. C’est précisément cette pression qu’il faut organiser. La société civile ne doit plus attendre les mots d’ordre venus d’en haut. Elle doit parler, agir, proposer. Elle doit pousser les portes, bousculer les lignes et faire émerger une transition légitime et inclusive.

Le Cameroun ne manque ni de forces vives, ni de lucidité. Il manque d’un élan collectif pour redonner du sens à la République. Ce moment est peut-être notre dernière chance. Ne le laissons pas passer. Citoyen de toutes les contrées du Kamerun, Levez-vous !