Opinions of Friday, 17 October 2025
Auteur: www.camerounweb.com
Il faut bien le dire, certains éditorialistes semblent avoir pris goût à la déformation des faits dès lors que les résultats électoraux ne correspondent pas à leurs attentes. Le texte de Haman Mana, publié sous le titre « Du respect simple du verdict des urnes », s’inscrit exactement dans cette logique de travestissement. Sous couvert d’un plaidoyer pour la démocratie, il cache mal une entreprise de discrédit systématique du processus électoral et des institutions républicaines.
En réalité, derrière les mots choisis et les formules accusatrices, se profile une intention claire : délégitimer l’élection avant même la proclamation des résultats officiels.
D’abord, il faut rappeler une évidence que certains feignent d’oublier : dans une République organisée, le seul verdict valable est celui que rendent les organes compétents, à savoir les commissions électorales, puis le Conseil constitutionnel. Tout le reste les rumeurs, les supposées tendances, les chiffres sortis de nulle part n’est que spéculation et agitation médiatique. Or, en affirmant que « ce qui sort des urnes explose en pleine figure du pouvoir », Haman Mana choisit de se substituer aux institutions légalement mandatées. Ce glissement dangereux relève moins de la liberté d’expression que de la manipulation consciente de l’opinion.
Ensuite, il est pour le moins malhonnête de faire croire que le peuple camerounais aurait exprimé une sorte de « vomissement collectif » contre un groupe au pouvoir. Ce langage excessif ne traduit pas une réalité politique, mais une émotion partisane. Le 12 octobre, les Camerounais ont voté dans le calme, avec discipline et sens civique. Ils ont exprimé leurs choix, divers et parfois contrastés, selon leurs convictions et leurs intérêts. C’est cela, la démocratie : une pluralité d’opinions, pas une insurrection déguisée en élection. Pourtant, certains persistent à vouloir transformer une compétition électorale en croisade morale contre un système, oubliant que la majorité silencieuse, elle, choisit la stabilité avant les slogans.
Par ailleurs, il est devenu trop facile de rendre les institutions responsables de chaque défaite. Dès qu’un camp se retrouve en difficulté, il invoque aussitôt la fraude, le verrouillage, la confiscation. Or, les représentants de tous les partis, y compris ceux de l’opposition, participent aux différentes étapes du processus électoral : de l’inscription sur les listes au dépouillement des bulletins. Mettre en cause ELECAM sans apporter la moindre preuve concrète revient simplement à préparer psychologiquement l’opinion à contester la défaite. Cette attitude n’est pas démocratique, elle est dangereuse, car elle installe le soupçon permanent et fragilise la confiance collective.
En outre, prétendre que les tensions postélectorales naissent du pouvoir en place, c’est refuser de voir que les véritables instigateurs de la confusion sont souvent ceux qui refusent d’attendre sereinement les résultats légaux. Le Cameroun a déjà connu les dégâts que peut provoquer la politique de la rue. Faut-il donc recommencer les mêmes erreurs, sous prétexte que certains journalistes, devenus militants, se prennent pour des prophètes de la vérité électorale ? La responsabilité morale des médias est d’apaiser, d’éclairer, d’expliquer. Or, quand ils s’érigent en juges avant la justice, ils cessent de servir la démocratie pour devenir ses fossoyeurs.
Ainsi, le respect du verdict des urnes commence d’abord par le respect des règles du jeu. On ne peut pas réclamer la transparence d’un processus dont on rejette à l’avance le résultat. La vraie honnêteté démocratique consiste à accepter le choix du peuple, quel qu’il soit, et non à hurler à la trahison parce que ce choix ne correspond pas à ses préférences. La légitimité ne se décrète pas au stylo ni à la une d’un journal ; elle s’acquiert par la voie légale, dans le cadre prévu par la Constitution. Ce n’est pas une émotion, c’est une institution.
En définitive, la posture d’Haman Mana n’a rien de courageux. Elle est au contraire symptomatique d’une élite médiatique qui préfère l’indignation théâtrale à l’analyse lucide.
Il n’existe pas de démocratie sans institutions fortes ; il n’existe pas de République sans respect de la loi. Le Cameroun n’a pas besoin de fauteurs de troubles qui travestissent le scrutin en révolte populaire. Il a besoin de citoyens responsables, capables d’attendre la vérité des urnes dans le calme, et de l’accepter sans rancune.
La démocratie, la vraie, ne se construit pas sur le ressentiment, mais sur la maturité. Et de ce point de vue, ce ne sont pas les électeurs camerounais qu’il faut instruire, mais bien certains journalistes qui ont oublié qu’entre informer et influencer, il y a une frontière morale qu’il n’est jamais trop tard de retrouver.