Opinions of Friday, 17 October 2025

Auteur: Bruno Bidjang

Chaos: comment Tchiroma a voulu semer la confusion dans les bureaux de vote

Bruno Bidjang Bruno Bidjang

Dans la première partie de cette enquête, je vous expliquais comment, une semaine avant l’élection présidentielle, une réunion secrète s’était tenue au domicile d’Issa Tchiroma Bakary à Yaoundé.

Cette rencontre nocturne, à laquelle participaient notamment Ndjeukam Tchameni, Anicet Ekane et plusieurs membres du bureau politique du FSNC, avait permis de jeter les bases d’un plan méthodique d’intoxication électorale. Il avait alors été décidé, d’une part, de fabriquer de faux procès-verbaux (PV) déjà signés, destinés à être diffusés massivement sur les réseaux sociaux dès la fermeture des urnes, et d’autre part, de détourner 90 % du budget de communication initialement prévu pour les supports traditionnels vers des influenceurs et activistes numériques. Ces derniers, grassement rémunérés, devaient entretenir la confusion, manipuler la perception de l’opinion et simuler une victoire massive du FSNC dans tout le pays.

Or, cette stratégie ne s’arrêtait pas à la manipulation de l’espace virtuel. Elle comportait aussi une dimension physique, sur le terrain, visant à donner corps au mensonge numérique. C’est ici que se met en place la seconde phase de ce dispositif. D’où cette deuxième partie…

En effet, au cours de cette réunion nocturne, une autre initiative a été décidée. Elle consistait à organiser une présence de masse dans les bureaux de vote à travers le recrutement de jeunes appelés “bados”, ne disposant ni de Carte Nationale d’Identité ni de carte d’électeur.

Ces jeunes, pour la plupart désœuvrés, ont été rémunérés à hauteur de 5 000 FCFA chacun afin de se rendre sur les sites de vote et d’y jouer un rôle d’animation et de perturbation. Leur mission était simple : créer artificiellement une impression d’affluence, scander le nom d’Issa Tchiroma Bakary à intervalles réguliers et prétendre “surveiller le bon déroulement du scrutin”.

Ainsi, dès les premières heures du vote, plusieurs bureaux ont été envahis par des attroupements bruyants, provoquant des bousculades, des tensions et parfois des interventions des forces de l’ordre. Cette agitation, loin d’être spontanée, relevait d’un scénario préétabli : il s’agissait de donner l’illusion d’une mobilisation populaire spectaculaire en faveur du FSNC, tout en perturbant la sérénité du vote.

De surcroît, cette mise en scène devait servir de support visuel à la stratégie numérique. Les vidéos tournées sur les lieux de vote, soigneusement montées et relayées sur les réseaux sociaux par les lanceurs d’alertes de Tchiroma , venaient alimenter la narration d’un FSNC triomphant, acclamé par les foules et prétendument victime d’une “manipulation du système”.

De toute évidence, ce plan reposait sur une logique de confusion parfaitement pensée. D’un côté, la désinformation numérique devait inonder les réseaux de faux PV, de vidéos trompeuses et de messages coordonnés.

De l’autre, la désorganisation du terrain devait offrir des images spectaculaires pour accréditer la thèse d’un peuple acquis à la cause d’Issa Tchiroma et frustré par une supposée fraude.

Autrement dit, le mensonge numérique et le désordre physique se nourrissaient mutuellement. L’un servait à justifier l’autre, créant une boucle de manipulation où les fausses informations amplifiaient les incidents, et où les incidents, à leur tour, validaient les intoxications diffusées en ligne.

En fin de compte, l’équipe de Tchiroma n’a pas seulement cherché à remporter une élection : elle a voulu imposer une perception, celle d’un parti victime d’un système, d’un peuple trahi, d’une victoire volée. Or, cette perception, savamment construite, visait à fragiliser la confiance du citoyen dans le processus électoral et à installer durablement le doute dans les esprits.

C’est dans cette optique qu’il faut comprendre la stratégie du FSNC : une opération d’ingénierie du chaos, où chaque action, chaque publication, chaque attroupement avait un but précis : brouiller la vérité, manipuler l’opinion et préparer le terrain à la contestation post-électorale…