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Opinions of Mercredi, 21 Février 2018

Auteur: Mutations

Donatien Koagne, le 'feyman' le plus aimé des Camerounais

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Les signes de détresse sont perceptibles à la maison parentale, située en contrebas de l’agence d’Aes Sonel de Njemoum à Bafoussam. Des femmes aux âges variés sont assises à même le sol. De temps en temps, elles frottent le fessier contre le ciment de la véranda. La douleur y était encore profonde hier, 7 février. Quelques hommes y ont pris place, sur des pierres déposées le long de la bretelle qui dessert le coin. Dans la coutume de cette région, c’est la manière de rendre hommage à un disparu. D’après des informations glanées ça et là, il n’y a pas de doute. Donatien Nguidjeu Koagne, alias ‘‘The King of Cameroon’’ est passé de vie à trépas.

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Personne dans l’entourage ne peut dire avec exactitude de quoi est décédé Donatien Koagne. Ceux qui ont la force d’en parler indiquent tout simplement qu’un appel téléphonique est tombé samedi dernier, faisant état de ce que ‘‘Donatien’’ était décédé. «Il était malade. Il souffrait des tortures administrées en prison», témoigne, au passage, une dame suffisamment éplorée. Rien de plus. Qui était le disparu ? C’est vrai que les usages voudraient qu’on ne tire pas sur le corbillard, mais au début des années 90, celui qui était jusque-là inconnu, débarque au Cameroun d’une façon insolite. La majorité des chefs traditionnels à l’Ouest l’accueillent au tarmac de l’aéroport de Bafoussam/Bamougoum. Le fils du village vient d’acquérir un avion privé. Il est béni de tous avec l’‘‘arbre de paix’’. Il est salué par les gouvernants, sans qu’on s’interroge sur l’origine de sa fortune colossale.

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La société Transair, à la quelle il venait de louer cet aéronef n’a perçu aucun sou. Elle finira même par se battre pour venir récupérer son Falcon sur place. Lors de l’‘‘Opération coup de cœur’’, organisée en 1994 pour soutenir les Lions indomptables à la Coupe du monde de football aux Usa, Donatien Koagne verse 10 millions Fcfa. Le Camerounais ordinaire ne savait point que Donatien Koagne traînait derrière lui la réputation de feyman. A l’international, il était très connu pour sa capacité à transformer du papier simple en billet de banque. Il était également spécialisé dans le trafic d’armes et de drogue, des salles de jeux, d’arnaque etc. Ses «fey» d’armes étaient nombreux. Beaucoup de hommes d’Etat y ont laissé des plumes, à l’instar de Mobutu Sesse Seko de la Rd Congo (15 millions de dollars), Blaise Compaoré du Burkina Faso (40 millions de dollars), Nelson Mandela, Gnassingbé Eyadema du Togo. Son escroquerie a atteint les sommets. La chasse à l’homme est ouverte.

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L’histoire rapporte que Donatien Koagne notait les noms de ses victimes dans un ‘‘carnet’’. Et que ce ‘‘carnet’’ a fait l’objet des convoitises de la part des Services secrets israéliens, la Division de la surveillance du territoire en France et Interpol. En début 1995, les renseignements yéménites avaient été les premiers à lui mettre la main dessus. Donatien Koagne dont on situe l’âge dans la cinquantaine, fut arrêté et écroué dans une prison au Yémen. Des sources disent qu’il avait les deux mains amputées, en application de la charia qui prévoit ce genre de châtiment pour les bandits de grand chemin.

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Entre-temps, sa famille en a souffert. Donatien Koagne quitte la scène sans avoir assisté aux obsèques de son père David Koagne, de sa mère Denise Memdjofang en 2008, de son frère Gutenberg et sa sœur Jeanne, égorgée à Yaoundé en novembre 2005. ‘‘Donatien’’ était le second d’une famille de neuf enfants dont quatre filles. Il en reste six aujourd’hui.