Opinions of Friday, 21 November 2025

Auteur: Jacques Kisito Ndongo Bitye

CAMTEL: 700 millions pour un projet estimé à 20 millions

Le récent communiqué de CAMTEL annonçant l’attribution d’un marché public de 699 340 188 FCFA pour la mise en place d’une solution de supervision, de workflow et de pilotage des équipes a suscité de vives interrogations. La somme, proche de 700 millions, paraît démesurée pour un projet dont le coût réel, sur le marché, oscille généralement entre 10 et 50 millions FCFA.

En 2025, les solutions de gestion et de supervision ne sont plus des innovations coûteuses. Elles existent déjà, elles sont éprouvées et elles sont utilisées par des milliers d’entreprises à travers le monde. Des plateformes comme ServiceNow, Jira, Odoo, Freshservice, GLPI, Zabbix ou OpenProject offrent des fonctionnalités robustes, modernes et adaptées aux besoins des organisations. Leur mise en place, même lorsqu’elle inclut des licences haut de gamme, des serveurs dédiés, une formation approfondie et des dispositifs de sécurité renforcés, ne dépasse jamais les standards internationaux qui se situent entre 20 et 50 millions FCFA. Autrement dit, le montant annoncé par CAMTEL est vingt à trente fois supérieur aux pratiques observées ailleurs.

Au-delà du chiffre, plusieurs zones d’ombre apparaissent. Pourquoi un tel montant pour un projet simple, réalisable en trois mois ? Pourquoi un appel d’offres où une seule offre est reçue ? Pourquoi un projet courant se transforme-t-il en gouffre financier ? Ces interrogations révèlent un malaise profond et mettent en lumière un problème récurrent : la gestion publique semble céder la place à une prédation organisée.

Ce cas illustre une dérive inquiétante. Les marchés publics deviennent le terrain de pratiques opaques où la surfacturation systématique, les commissions occultes et le mépris total pour l’argent du contribuable s’imposent comme des habitudes. À force de fermer les yeux, le pays s’enfonce sous le poids de ces abus, au détriment de son développement et de la confiance des citoyens dans leurs institutions.

Le Cameroun ne peut pas avancer lorsqu’il dépense 700 millions pour résoudre un problème qui ailleurs se règle avec 20 millions et du sérieux. Cette affaire révèle une fracture entre les besoins réels du pays et la manière dont ses ressources sont utilisées. Le Cameroun mérite une gestion publique transparente, rigoureuse et respectueuse de l’intérêt général. Tant que l’argent du contribuable sera détourné vers des projets surfacturés, le progrès restera un mirage.