Deux jours de tensions et d'accusations de corruption ont bouleversé l'élection à la tête du Conseil Régional
Après un psychodrame politique de quarante-huit heures, c'est finalement Gervais Eric Ndo qui a été élu président du Conseil Régional du Sud ce mercredi 17 décembre 2025. Cette issue met fin à une crise interne au Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) qui a révélé les profondes fractures au sein du parti au pouvoir dans cette région stratégique, terre natale du président Paul Biya.
Le mardi 16 décembre au matin, tout semblait réglé. Antoine Bikoro Alo'o avait été élu à la présidence du Conseil Régional du Sud, succédant ainsi à Emmanuel Mve Elemva, tandis que Cathy Meba prenait place comme secrétaire du bureau exécutif. Mais la célébration aura été de courte durée.
Dès l'annonce des résultats, des voix discordantes se sont élevées au sein du RDPC, dénonçant des « violations de la discipline du parti » et ressuscitant de vieilles affaires. Les critiques ont notamment visé la gestion par M. Bikoro du Chantier naval et industriel du Cameroun (CNIC) en 2008, période qu'il dirigeait en tant que directeur général adjoint.
La tension a atteint son paroxysme lors d'un affrontement direct entre Gervais Eric Ndo et Antoine Bikoro Alo'o. Le premier, qui deviendra finalement président, a ouvertement accusé son rival de « trafic d'influence et d'achat de voix », des allégations explosives dans un contexte déjà électrique.
Ces accusations ont suffi à faire basculer la situation. Réunis en présence du gouverneur de la région du Sud, les acteurs du scrutin ont été contraints de suspendre les travaux mardi soir et d'annuler les résultats qui portaient Antoine Bikoro à la présidence. Une décision rarissime qui témoigne de l'ampleur de la crise interne au parti.
Cette bataille pour le contrôle du Conseil Régional du Sud s'inscrit dans un contexte plus large de tensions au sein de la famille politique et biologique du chef de l'État. Evrard Eyinga Meba'a, présenté comme le neveu de Paul Biya, avait récemment menacé de rejoindre l'opposition dans une vidéo devenue virale.
Dans cette intervention remarquée, il dénonçait des « comportements hostiles envers la famille présidentielle » et affirmait que « les nominations signées par Paul Biya relevaient du 'mérite et du parcours scolaire' et ne justifiaient en rien des 'attaques contre la famille présidentielle ni une remise en cause de la loyauté envers le chef de l'État' ».
Ces déclarations ont jeté une lumière crue sur les rivalités qui traversent le RDPC dans le Sud, région considérée comme le fief historique du président Biya et où les enjeux de pouvoir sont particulièrement sensibles.
L'éviction d'Antoine Bikoro Alo'o surprend d'autant plus que son parcours professionnel affiche une solide expérience dans l'administration publique. Inspecteur des régies financières, il a intégré la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH) en 1985 avant de gravir les échelons jusqu'au poste de directeur général adjoint du Chantier naval et industriel du Cameroun (CNIC).
Malgré cette trajectoire, « la chèvre broute là où elle est attachée », rappelle un proverbe local cité par les observateurs. Dans ce cas précis, « les attaches de la discipline partisane semblent rompues », constate le site Lebledparle.com qui couvre l'événement.
La reprise du scrutin s'est déroulée ce mercredi après-midi à Ebolowa, dans un climat de méfiance et sous l'œil vigilant du gouverneur. L'objectif affiché était de « respecter le souhait démocratique du Chef de l'État Paul Biya pour que le plus compétent dirige son Sud natal ».
C'est finalement Gervais Eric Ndo, celui-là même qui avait dénoncé les « irrégularités » du premier scrutin, qui l'a emporté. Sa victoire, obtenue après deux jours de conclave houleux, pose néanmoins question : s'agit-il d'une victoire de la compétence ou du résultat d'une guerre d'influence interne au RDPC ?
Au-delà des personnes, c'est l'image même du Conseil Régional du Sud qui sort écornée de cet épisode. L'annulation d'un scrutin déjà validé, les accusations croisées de corruption, les menaces de défection vers l'opposition : autant d'éléments qui fragilisent une institution censée incarner la gouvernance locale.
Les observateurs scrutent désormais la capacité du nouveau président Gervais Eric Ndo à restaurer la sérénité et l'unité au sein d'un Conseil Régional profondément divisé. Sa légitimité, acquise dans la controverse, sera mise à l'épreuve dès ses premiers actes.
Pour certains analystes, cette crise au Sud préfigure les tensions à venir dans d'autres régions du pays. Si même dans le fief historique du président Biya les élections régionales donnent lieu à de tels déchirements, qu'en sera-t-il dans les zones politiquement plus contestées ?
La reprise du scrutin aura finalement permis d'éviter une paralysie prolongée de l'institution régionale, mais les cicatrices de ces deux jours de turbulences risquent de peser longtemps sur la cohésion du RDPC dans le Sud.









