Le défunt opposant avait prêté son parti, le Manidem, à l'ancien leader du MRC dans une manœuvre juridique risquée
La mort d'Anicet Ekane en détention le 1er décembre a bouleversé l'opposition camerounaise. Mais son rôle dans les préparatifs de la présidentielle du 12 octobre reste méconnu. Des révélations de Jeune Afrique éclairent d'un jour nouveau sa collaboration avec Maurice Kamto et les raisons de sa disqualification.
Selon Jeune Afrique, Maurice Kamto avait déposé son dossier de candidature le 18 juillet non pas sous la bannière de son propre parti, le MRC, mais sous celle du Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (Manidem) d'Anicet Ekane.
Cette manœuvre révélée par le magazine panafricain visait à contourner une exigence de taille : avoir des élus locaux ou à l'Assemblée nationale. Le MRC de Kamto ne remplissant pas cette condition, l'ancien candidat de 2018 avait besoin d'un "véhicule électoral" pour accéder au scrutin. Anicet Ekane lui a prêté le sien.
Jeune Afrique dévoile que cette collaboration entre Kamto et Ekane s'inscrivait dans une stratégie plus large de "pluralité d'investitures". En multipliant les parrainages et les soutiens de différentes formations, l'équipe de Maurice Kamto espérait sécuriser sa participation au scrutin et rendre plus difficile une éventuelle disqualification.
Mais c'est précisément cette multiplication des investitures qui a causé la perte du candidat. Le Conseil constitutionnel a finalement déclaré son dossier irrecevable pour "pluralité d'investitures", retournant l'arme juridique contre celui qui pensait l'utiliser à son avantage.
Le choix d'Anicet Ekane comme partenaire n'était pas anodin. Figure de l'opposition radicale camerounaise, Ekane incarnait une ligne dure face au pouvoir de Paul Biya. Son parti, le Manidem, bien que modeste en termes d'implantation, remplissait les critères légaux nécessaires.
Selon Jeune Afrique, cette alliance a scellé le destin tragique d'Ekane. Après la présidentielle, il sera arrêté pour avoir cosigné un communiqué félicitant Issa Tchiroma Bakary. Privé de son extracteur d'oxygène pendant près d'un mois en détention, il décédera le 1er décembre, poursuivi pour des chefs d'accusation passibles de la peine de mort.
Jeune Afrique note un détail troublant : après l'arrestation d'Anicet Ekane, Maurice Kamto n'a pas publiquement défendu celui qui lui avait prêté son parti pour concourir. Cette discrétion contraste avec les déclarations fracassantes dont l'ancien leader du MRC est coutumier.
Le magazine panafricain révèle qu'après le scrutin, alors que plusieurs candidats reconnaissaient la victoire d'Issa Tchiroma Bakary, Kamto est resté d'une grande prudence. Il s'est contenté d'un communiqué sans félicitations explicites ni reconnaissance formelle du vainqueur autoproclamé, aujourd'hui exilé en Gambie.
Les révélations de Jeune Afrique sur les manœuvres de Maurice Kamto montrent une opposition camerounaise convaincue de pouvoir contourner les règles électorales par l'ingénierie juridique. Des juristes proches de Kamto estimaient que la loi laissait suffisamment de marges d'interprétation pour permettre ces substitutions et investitures multiples.
Cette confiance excessive dans les subtilités juridiques a finalement coûté cher. Non seulement Maurice Kamto a été écarté du scrutin, mais son alliance avec Anicet Ekane a exposé ce dernier à la vindicte du pouvoir. Le communiqué cosigné par Ekane félicitant Tchiroma Bakary est devenu le prétexte de son arrestation et, indirectement, de sa mort en détention.
La mort d'Anicet Ekane pose désormais une question dérangeante à Maurice Kamto et à ses stratèges : jusqu'où peut-on aller dans les manœuvres politiques sans mettre en danger ceux qui nous aident ?
Jeune Afrique rappelle que le MRC a finalement choisi de ne formuler aucune consigne de vote pour la présidentielle du 12 octobre, laissant ses militants "libres de voter selon leur conscience", selon les mots de Maurice Kamto. Une neutralité qui sonne aujourd'hui comme un désaveu de tous les efforts consentis, y compris par Anicet Ekane, pour permettre à l'ancien leader du MRC de participer au scrutin.
Les révélations du magazine panafricain dessinent le portrait d'une opposition camerounaise fragmentée, où les ambitions personnelles l'emportent souvent sur la solidarité. Anicet Ekane en aura payé le prix ultime.









