L'opposant camerounais déclare avoir quitté Garoua et être "en lieu sûr" sous protection militaire
 La crise post-électorale camerounaise a franchi un nouveau cap ce jeudi 31 octobre. Dans un message publié sur sa page Facebook, Issa Tchiroma Bakary, candidat arrivé deuxième à la présidentielle du 6 octobre avec 35,19 % des voix selon les résultats officiels, affirme être désormais sous la protection d'éléments de "l'armée loyaliste" et annonce une "adresse solennelle" imminente.
"Je remercie l'armée loyaliste qui a montré son patriotisme en me conduisant dans un lieu sûr et assure ma protection actuellement", écrit Issa Tchiroma Bakary dans une publication qui a immédiatement enflammé les réseaux sociaux camerounais. L'ancien ministre, qui se présente comme le "troisième président du Cameroun" et conteste la victoire de Paul Biya, affirme avoir quitté son domicile de Garoua pour rejoindre une destination non précisée.
Cette déclaration intervient au cinquième jour d'une crise post-électorale marquée par des violences à Douala et dans plusieurs autres villes du pays, où des manifestants contestent la réélection de Paul Biya à 53,66 % des suffrages.
Dans son message bilingue français-anglais, Issa Tchiroma Bakary évoque des "arrestations arbitraires" et des "membres de sa famille kidnappés". "Je demande à tous ceux qui ont été arrêtés arbitrairement, aux membres de ma famille kidnappés, tenez bon, je ne me reposerai pas jusqu'à ce que ce régime vous donne votre victoire", lance-t-il dans un ton qui ne laisse aucune ambiguïté sur son intention de poursuivre la contestation.
Ces accusations graves n'ont pour l'instant fait l'objet d'aucune confirmation indépendante. Les autorités camerounaises n'ont pas encore réagi officiellement à ces allégations au moment de la publication de cet article.
L'énigme de "l'armée loyaliste"
L'expression "armée loyaliste" utilisée par Issa Tchiroma Bakary soulève de nombreuses interrogations. L'opposant suggère implicitement qu'une partie des forces armées camerounaises se serait détachée du commandement officiel pour assurer sa protection personnelle.
Cette affirmation, si elle devait être confirmée, constituerait un tournant majeur dans la crise camerounaise. Elle impliquerait une fracture au sein de l'institution militaire, traditionnellement considérée comme l'un des piliers du régime de Paul Biya.
Selon des sources non vérifiées citées par des comptes pro-Tchiroma sur les réseaux sociaux, "plusieurs responsables militaires, accompagnés de leurs troupes, auraient décidé de se désolidariser du régime" et assureraient désormais "la protection du président élu Issa Tchiroma, en lieu sûr". Ces informations, qui n'ont pu être confirmées de manière indépendante, doivent être prises avec la plus grande prudence.
"Je ferai une adresse solennelle dans quelques instants", conclut Issa Tchiroma Bakary dans son message, accompagné du hashtag #phase3inAction. Cette annonce laisse présager une escalade dans la stratégie de contestation de l'opposant.
Le terme "phase 3" fait référence au plan de contestation annoncé par Issa Tchiroma Bakary avant même la proclamation des résultats officiels. Après une première phase de mobilisation populaire et une deuxième phase de contestation juridique devant le Conseil constitutionnel, cette hypothétique "phase 3" pourrait marquer un durcissement de la position de l'opposant.
Cette nouvelle annonce intervient dans un contexte déjà très tendu. Depuis l'annonce de la réélection de Paul Biya le lundi 27 octobre, le Cameroun, et particulièrement Douala, sa capitale économique, est le théâtre de violences qui ont causé d'importants dégâts matériels.
Des stations-service, des agences bancaires, des boutiques et des entrepôts ont été pillés et vandalisés. Le transport interurbain est paralysé, et de nombreuses entreprises ont suspendu leurs activités. Le corridor commercial Douala-Ndjamena-Bangui, vital pour l'économie de l'Afrique centrale, fonctionne au ralenti.
Au moment de la publication de cet article, ni le gouvernement camerounais, ni l'état-major des forces armées n'ont réagi aux déclarations d'Issa Tchiroma Bakary. Le silence des autorités face à ces allégations, particulièrement celle concernant une supposée défection d'une partie de l'armée, est pour le moins surprenant.
La communauté internationale observe également avec attention l'évolution de la situation. Plusieurs chancelleries occidentales ont déjà appelé au calme et au respect des résultats proclamés par le Conseil constitutionnel, tout en encourageant le dialogue entre les différents acteurs politiques camerounais.
La publication d'Issa Tchiroma Bakary s'inscrit dans une bataille de communication intense entre le pouvoir et l'opposition. En affirmant bénéficier du soutien d'une partie de l'armée, l'opposant cherche manifestement à créer un rapport de force psychologique favorable.
Cependant, en l'absence de preuves tangibles de cette protection militaire et de l'identité des officiers concernés, ces déclarations pourraient également être interprétées comme une stratégie de communication destinée à maintenir la mobilisation de ses partisans et à semer le doute au sein de l'appareil sécuritaire du régime.
Qu'elles soient fondées ou non, ces déclarations témoignent de la profondeur de la crise que traverse le Cameroun. Depuis l'accession de Paul Biya au pouvoir en 1982, soit 43 ans, le pays n'avait jamais connu une telle remise en cause post-électorale de l'autorité présidentielle.
L'annonce d'une "adresse solennelle" imminente par Issa Tchiroma Bakary laisse présager de nouveaux développements dans les heures à venir. Les Camerounais et les observateurs internationaux restent suspendus aux prochaines déclarations de l'opposant et, surtout, à la réaction des autorités face à ces allégations de défection militaire.
 
            
        


 
 








