Actualités of Friday, 31 October 2025

Source: www.camerounweb.com

CAMEROUN : Arrestation d'une influenceuse accusée d'incitation à l'insurrection

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Geneviève Timma Ella, alias "Reine des bois", interpellée à Bafoussam en pleine crise post-électorale


Dans le contexte tendu de la crise post-électorale camerounaise, les autorités ont procédé à l'arrestation d'une activiste accusée de propager de fausses informations et d'appeler à l'insurrection sur les réseaux sociaux. Geneviève Timma Ella, 41 ans, connue sous le pseudonyme "Reine des bois", a été interpellée le 29 octobre 2025 à Bafoussam, chef-lieu de la région de l'Ouest.


L'arrestation de cette influenceuse survient deux jours après l'annonce officielle de la réélection de Paul Biya à la présidentielle camerounaise, un scrutin dont les résultats sont contestés par l'opposition et qui a déclenché une vague de violences, particulièrement à Douala, la capitale économique du pays.
Selon les services de gendarmerie, Geneviève Timma Ella aurait utilisé diverses plateformes numériques et services de messagerie en ligne pour diffuser des contenus jugés séditieux. Elle est notamment accusée d'avoir appelé les populations "à la révolte, au banditisme et à l'insurrection".


Les charges retenues contre la présumée activiste sont particulièrement lourdes. Au-delà de la diffusion de fausses nouvelles, elle est soupçonnée d'avoir incité "au renversement des institutions républicaines et à l'élimination des autorités publiques", selon les termes employés par les autorités.
Ces accusations interviennent dans un contexte où le gouvernement camerounais multiplie les mises en garde contre les appels à la violence sur les réseaux sociaux, rendus responsables par les autorités d'avoir amplifié les tensions post-électorales.


Sur les réseaux sociaux, Geneviève Timma Ella s'était bâti une certaine notoriété sous le pseudonyme évocateur de "Reine des bois". Cette appellation, qui fait référence à une figure de résistance et d'indépendance, était devenue son identité numérique, lui permettant de fédérer une communauté de followers.
Selon les premières informations, la quadragénaire aurait intensifié ses publications durant la période électorale et particulièrement après l'annonce des résultats officiels le 27 octobre. Ses messages, qui circulaient via plusieurs plateformes et applications de messagerie, auraient contribué, selon les autorités, à attiser les tensions dans certaines localités.


Le choix de Bafoussam pour cette interpellation n'est pas anodin. La région de l'Ouest, dont Bafoussam est le chef-lieu, a été l'un des bastions électoraux d'Issa Tchiroma Bakary, le principal opposant à Paul Biya lors de la présidentielle. Cette zone, historiquement acquise à l'opposition, a également connu des manifestations de protestation suite à l'annonce des résultats.
L'arrestation d'une activiste locale dans ce contexte pourrait être interprétée comme un message adressé aux populations de cette région et, plus largement, à tous ceux qui utilisent les réseaux sociaux pour contester les résultats électoraux.


Cette interpellation relance le débat sur les limites de la liberté d'expression sur les réseaux sociaux au Cameroun. Si les autorités se défendent de protéger l'ordre public et les institutions républicaines, les organisations de défense des droits humains dénoncent régulièrement ce qu'elles considèrent comme une répression de la liberté d'expression, particulièrement en période électorale.
La notion de "fausses nouvelles" elle-même fait l'objet de controverses, certains observateurs estimant qu'elle est parfois utilisée de manière extensive pour réduire au silence les voix critiques du pouvoir en place.

L'arrestation de Geneviève Timma Ella s'inscrit dans une stratégie plus large des autorités camerounaises visant à contrôler le narratif sur les réseaux sociaux. Depuis le début de la crise post-électorale, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer des coupures intermittentes d'Internet dans certaines zones et un ralentissement de la connexion aux réseaux sociaux.
Cette interpellation pourrait également servir d'avertissement à d'autres influenceurs et activistes en ligne qui se sont illustrés par leurs critiques virulentes du processus électoral et leurs appels à la mobilisation populaire.


Au moment de la rédaction de cet article, on ignore encore si Geneviève Timma Ella a été présentée à un magistrat et quelles sont exactement les charges juridiques retenues contre elle. Les infractions présumées, notamment l'incitation à l'insurrection et les menaces contre les institutions, sont passibles de peines de prison ferme en vertu du Code pénal camerounais.
Ses éventuels avocats n'ont pas encore pu s'exprimer publiquement sur cette affaire. La présumée activiste bénéficie, comme tout prévenu, de la présomption d'innocence tant que sa culpabilité n'a pas été établie par un tribunal.


Cette arrestation intervient dans un climat général de tensions au Cameroun. Outre les violences urbaines qui ont touché Douala et d'autres villes, la paralysie économique qui en résulte inquiète les acteurs économiques et la population. Le transport est à l'arrêt, les commerces fermés, et la peur d'une pénurie de produits de première nécessité grandit.

Dans ce contexte inflammable, chaque action des forces de l'ordre, chaque arrestation, chaque déclaration officielle est scrutée et peut potentiellement alimenter davantage les tensions. L'interpellation de la "Reine des bois" ne fait pas exception à cette règle.