À moins d’un mois du scrutin présidentiel prévu le 12 octobre 2025, le ministre camerounais de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a réuni ce lundi 15 septembre les autorités administratives et les forces de sécurité de la région du Centre à l’Hôtel de Ville de Yaoundé. L’objectif affiché : garantir un « scrutin serein, apaisé et sécurisé ». Pourtant, cette mobilisation ciblée sur la capitale, traditionnellement acquise au parti au pouvoir, interroge sur les véritables priorités du gouvernement en matière de sécurité électorale.
Réunis en présence du gouverneur du Centre, Naseri Paul Bea, les préfets, sous-préfets et responsables des forces de l’ordre ont reçu des instructions claires : « rendre compte fidèlement au Chef de l’État des évolutions du processus électoral » et assurer l’acheminement du matériel de vote dans les délais impartis. Selon les propos rapportés par Journal du Cameroun, Paul Atanga Nji a insisté sur la nécessité d’une « vigilance accrue » et d’un « renseignement prévisionnel en temps réel », afin d’anticiper toute perturbation du scrutinfr.
Cette concentration des efforts sécuritaires sur la région du Centre, où se trouvent les principales institutions de l’État, contraste avec la situation dans d’autres parties du pays, notamment les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, où les tensions et les violences liées à la crise séparatiste persistent. Pour certains observateurs, cette approche révèle une stratégie politique visant à sécuriser avant tout le bastion du pouvoir, plutôt qu’à garantir une sécurité équitable sur l’ensemble du territoire national.
Un message politique à peine voilé
Paul Atanga Nji, connu pour son ton martial et son intransigeance, a profité de cette réunion pour rappeler aux « acteurs du processus électoral » la nécessité de « respecter les règles du jeu » et de faire preuve de « responsabilité dans leur prise de parole ». Ces déclarations, qui s’apparentent à un avertissement adressé à l’opposition, s’inscrivent dans une série de mises en garde répétées depuis le début de l’année.
Dès mars 2025, le ministre avait tenu une conférence de presse à Yaoundé, où il avait menacé les « fauteurs de troubles » et ciblé implicitement Maurice Kamto, leader du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), en l’accusant de vouloir perturber le processus électoral. Atanga Nji avait alors promis une « réponse ferme » à toute tentative de déstabilisation, affirmant que « ceux qui ne peuvent pas participer à cette élection présidentielle de 2025 n’ont qu’à attendre 2032 ».
La stratégie sécuritaire de Paul Atanga Nji ne se limite pas au terrain. En juillet 2025, le ministre avait annoncé une « traque des discours séditieux » sur les réseaux sociaux et dans les médias, en collaboration avec le Conseil national de la Communication (CNC). « Les discours de haine, les fake news et les appels à l’insurrection ne seront plus tolérés », avait-il déclaré, s’adressant directement aux journalistes, animateurs de talk-shows et influenceurs.
Cette posture, qualifiée de « répressive » par certains médias locaux, vise à contrôler l’espace public et à limiter les critiques à l’égard du gouvernement et de l’organe électoral, Elections Cameroon (Elecam). Pour les défenseurs des droits humains, ces mesures risquent d’étouffer le débat démocratique et de restreindre les libertés d’expression, déjà mises à mal dans un contexte électoral tendu.
Alors que Yaoundé bénéficie d’un renforcement exceptionnel des dispositifs sécuritaires, d’autres régions du Cameroun, notamment celles en proie à des conflits armés ou à des tensions politiques, semblent reléguées au second plan. Les régions anglophones, où la crise séparatiste a fait des milliers de morts depuis 2017, restent des zones à haut risque, où l’organisation d’un scrutin pacifique relève du défi.
Pourtant, Paul Atanga Nji a principalement axé ses instructions sur la capitale, où le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), parti au pouvoir, jouit d’un soutien historique. Cette approche a suscité des interrogations sur l’équité du processus électoral et sur la volonté réelle des autorités de garantir un scrutin libre, transparent et sécurisé pour tous les Camerounais, où qu’ils se trouvent.
Des observateurs nationaux et internationaux sous surveillance
Le ministre a par ailleurs annoncé le déploiement de « nombreux observateurs électoraux nationaux et internationaux », tout en les exhortant à « utiliser leur mandat de manière responsable »fr.journalducameroun.com. Une déclaration qui a été interprétée comme un avertissement indirect à ceux qui pourraient être tentés de critiquer le déroulement du scrutin.
Cette posture a été dénoncée par plusieurs organisations de la société civile, qui y voient une volonté de contrôler le récit électoral et de minimiser les éventuelles irrégularités. « L’administration est à court de patience », avait prévenu Atanga Nji en mars, un ton qui résonne comme une menace pour ceux qui oseraient contester les résultats ou dénoncer des dysfonctionnements.