Dans un article poignant publié récemment dans Jeune Afrique, Bakang ba Tonjé, cadre historique de l'Union des populations du Cameroun (UPC) depuis 1969, livre un témoignage exclusif sur les circonstances de l'assassinat de Ruben Um Nyobè, figure emblématique de l'indépendance camerounaise. Ce récit, publié sous le titre "Le jour où j'ai appris l'assassinat de Ruben Um Nyobè", offre un éclairage nouveau sur cet événement tragique qui a marqué l'histoire du pays.
"J'avais 15 ans et demi et j'étais alors élève au lycée Général-Leclerc, à Yaoundé", raconte Bakang ba Tonjé dans les colonnes de Jeune Afrique. Son témoignage, recueilli par le journaliste Yves Plumey Bobo, nous plonge dans l'atmosphère oppressante des dernières années de la période coloniale au Cameroun.
Selon ce témoin privilégié, les populations vivaient alors dans des conditions extrêmement difficiles : "Nous vivions dans des camps d'internement, derrière des clôtures surveillées de près par l'armée coloniale. Il arrivait qu'on nous autorise à aller aux champs une à deux fois par semaine, toujours sous encadrement militaire", révèle-t-il à Jeune Afrique.
Le récit publié par le magazine panafricain dévoile des détails jusqu'alors méconnus sur les heures précédant la mort de Ruben Um Nyobè. Dans la nuit du 12 au 13 septembre 1958, une agitation inhabituelle avait été remarquée dans le village de Makak. "La voiture de Simon-Pierre Njock Bot, chef supérieur du canton et maire de Makak, faisait sans cesse des allers-retours entre son domicile et la mairie", rapporte Bakang ba Tonjé.
Ce détail, apparemment anodin, prend une importance considérable à la lumière des événements qui suivront. Comme le souligne Jeune Afrique, ces mouvements nocturnes inhabituels laissaient présager que "Ruben Um Nyobè se trouvait déjà entre les mains des forces militaires françaises et camerounaises".
Les révélations les plus troublantes concernent les circonstances exactes de la mort du leader indépendantiste. Contrairement à la version officielle longtemps défendue, Um Nyobè n'aurait pas été tué lors d'une simple opération militaire dans la forêt.
"Ruben Um Nyobè avait été conduit au camp militaire d'Eseka après son arrestation dans la forêt où il se cachait", affirme le témoin dans l'article de Jeune Afrique. "Les troupes coloniales françaises, qui l'avaient localisé, ont tenté de le faire fléchir, mais il a refusé de se renier."
Plus surprenant encore, le leader aurait été conduit à Nachtigal, chez le futur président Ahmadou Ahidjo, dans une tentative de négociation avortée. "Il est resté ferme et a refusé de transformer le dialogue entre l'UPC et les autorités en une affaire personnelle", précise le magazine.
La conclusion du témoignage publié par Jeune Afrique est glaçante : Um Nyobè n'aurait pas été tué au combat, mais froidement exécuté. "C'est en route, alors qu'on le ramenait vers le camp militaire, qu'il a été abattu. Les militaires lui ont tiré en plein visage, juste au-dessus du sourcil gauche", révèle Bakang ba Tonjé.
Ces révélations, si elles étaient confirmées par d'autres sources, pourraient conduire à une réévaluation complète de cet épisode crucial de l'histoire camerounaise. Elles soulèvent également des questions sur l'implication des autorités locales et coloniales dans ce qui apparaît désormais comme une exécution planifiée plutôt qu'une opération militaire ordinaire.
Soixante-sept ans après sa disparition, la figure de Ruben Um Nyobè continue de fasciner et d'inspirer de nombreux Camerounais. Leader charismatique et intellectuel brillant, il avait notamment marqué les esprits par son discours à l'ONU en 1952, plaidant pour l'indépendance de son pays.
Comme le rappelle Jeune Afrique dans son article, le contexte dans lequel évoluait Um Nyobè était particulièrement difficile. "C'était une époque dure, marquée par l'austérité", témoigne Bakang ba Tonjé, ajoutant que les représailles contre les sympathisants de l'UPC étaient fréquentes et brutales.
Ces nouveaux éléments sur les circonstances de la mort de Ruben Um Nyobè contribuent à enrichir la compréhension d'une période trouble de l'histoire camerounaise, longtemps occultée par le récit officiel hérité de l'époque coloniale.