Actualités of Thursday, 2 October 2025

Source: Le Messager n°8609 du 29 septembre 2025

Secret d'État : l'ancien ministre Garga Haman Adji révèle des choses cachées à la population

Confidences faites Confidences faites

C’est à son domicile au quartier Essos dans l’arrondissement de Yaoundé IV, que le président général de l’Alliance pour la démocratie et le développement (ADD) a reçu la presse jeudi 25 septembre dernier pour plus de deux heures d’échanges, ponctués d’un mélange d’aveux, de mises au point et de confidences.

Garga Haman Adji a pris place dans son bureau, vêtu d’une gandoura en popeline trois pièces rose pastel et coiffé d’une chéchia beige. Dans un décor familier, il a reçu les questions avec une froideur presque cérémonielle, fidèle à sa réputation d’impassible. Le sujet central n’a pas surpris : l’élection présidentielle du 12 octobre prochain. « Beaucoup de personnes s’interrogent avec raison sur mon silence et mon absence », a-t-il lancé d’entrée, avant d’expliquer, d’une voix ferme, qu’il ne participerait pas à cette échéance.

« La raison de mon absence est exactement la même que celle qui sous-tend le rejet de la candidature de Maurice Kamto », a-t-il précisé, rappelant les exigences du code électoral qui impose à tout candidat d’avoir au moins un élu dans une instance parlementaire, régionale ou municipale. Pour lui, il ne s’agissait pas d’un renoncement mais d’une fidélité à la règle. « Je me suis abstenu de m’aventurer à tenter de contourner l’ordre juridique établi », a-t-il insisté, comme pour marquer qu’à 81 ans, il n’a rien perdu de cette rigueur qui lui vaut depuis longtemps le surnom de « Monsieur Propre » de la politique camerounaise.

Le combat d’une vie

L’ancienne figure de l’administration ne s’est pas contentée d’égrener les raisons de son retrait. La conférence s’est muée en une rétrospective de carrière, où Garga Haman Adji a rappelé son attachement viscéral au Cameroun et sa connaissance intime de ses rouages. « Personne ne connaît ce pays mieux que moi », a-t-il clamé avec un orgueil tranquille, convoquant ses passages successifs dans les hautes sphères de l’État, du contrôle supérieur des finances à la Fonction publique, en passant par ses missions spéciales dans les régions les plus reculées.

Né en 1940 à Maroua, dans l’Extrême-Nord, il a grandi dans un Cameroun en construction. Après des études brillantes à l’École nationale d’administration et de magistrature, il est vite propulsé dans l’appareil d’État où il s’illustre par son intransigeance face à la corruption. Son départ fracassant du gouvernement en 1990, sous la présidence de Paul Biya, a marqué un tournant. Garga Haman a choisi la démission plutôt que le compromis, dénonçant un système qui, selon lui, dévoyait les idéaux de la République. C’est dans ce contexte qu’il fonde l’Alliance pour la démocratie et le développement (ADD), avec laquelle il se présente à plusieurs élections présidentielles.

Son itinéraire est celui d’un homme en marge mais jamais absent, d’un acteur politique qui a préféré la cohérence à la compromission. « Ce n’est pas à travers des passions ou des psychoses collectives que l’on choisit un Chef d’État », a-t-il rappelé jeudi, critiquant les « manifestations fort passionnées » de cette période préélectorale. Pour lui, l’enjeu n’est pas de s’enliser dans les querelles de personnes mais d’examiner « l’aptitude générale et la maîtrise intrinsèque des problèmes de l’État par chacun des candidats ». Concernant l’éventualité d’une alliance entre les deux candidats du septentrion (Issa Tchiroma Bakary et Bello Bouba Maigari), l’ancien ministre n’a pas voulu tirer le débat de long en large. Pour lui « Si vous êtes explicités par le peuple, vous n’avez pas besoin d’une coalition ».

Le temps de l’écriture

Âgé mais solide, le patriarche apparaît aujourd’hui comme un homme en retrait, qui consacre désormais ses journées à la lecture et à l’écriture. Dans son salon, il évoque les manuscrits qui s’empilent sur son bureau. « J’écris beaucoup », confie-t-il, presque avec malice. Ses livres, pour l’heure inédits pour la plupart, s’annoncent comme une fresque sur l’histoire politique du Cameroun, des indépendances à nos jours. Déjà auteur de quelques essais publiés au cours de la dernière décennie, Garga rêve désormais de laisser une bibliothèque derrière lui, « une œuvre utile aux générations futures ». Lui qui a toujours manié le verbe comme une arme continue d’user de ses mots pour tracer une route. On le devine en train de compiler ses souvenirs de fonctionnaire incorruptible, ses batailles électorales souvent solitaires, ses analyses sur l’économie et la gouvernance. Chaque chapitre semble prolonger le combat d’une vie.

« Les véritables enjeux auxquels les électeurs doivent apporter des réponses par leur vote sont la paix sociale et le bien-être des citoyens », a-t-il résumé, comme une conclusion qui sonne davantage comme une maxime qu’une déclaration politique. Ce retrait apparent ne signifie pas une abdication. Bien au contraire, Garga Haman Adji demeure une référence. Il observe, il critique, il alerte. « Il n’est pas question d’imputer les défaillances des uns pour ternir l’image de tel ou tel autre candidat », a-t-il insisté, rappelant aux électeurs de juger sur les compétences et non sur les passions. Une mise en garde qui, dans la fièvre de l’échéance du 12 octobre, prend des allures de prophétie.