Le secrétaire général de la présidence s'impose comme le véritable stratège électoral, alimentant les spéculations sur l'état de santé du chef de l'État
Les révélations exclusives de Jeune Afrique sur la montée en puissance de Ferdinand Ngoh Ngoh relancent les interrogations sur la capacité d'action de Paul Biya à quelques mois de la présidentielle.

Dans les coulisses du pouvoir camerounais, un homme tire désormais les ficelles de la campagne présidentielle : Ferdinand Ngoh Ngoh. Le secrétaire général de la présidence a créé, selon les révélations de Jeune Afrique, un "Comité stratégique de préparation de la campagne de Paul Biya" qui échappe à tout organigramme officiel.

Cette initiative, dévoilée le 1er juillet par Ferdinand Ngoh Ngoh lui-même, marque une rupture dans l'organisation traditionnelle des campagnes électorales du RDPC. Contrairement aux précédents scrutins où les instances du parti prenaient en charge l'organisation, c'est désormais la présidence qui pilote directement les opérations.

Le choix du palais de l'Unité pour accueillir les consultations avec les délégations régionales a d'ailleurs "provoqué quelques remous en interne", révèle Jeune Afrique, certains y voyant "une mise à l'écart du parti au profit du secrétariat général".

Cette centralisation du pouvoir électoral entre les mains de Ngoh Ngoh s'accompagne d'une marginalisation progressive des instances du RDPC. Paul Biya a ainsi décidé de se "passer de l'aval du bureau politique du RDPC" pour annoncer sa candidature, selon les indiscrétions recueillies par Jeune Afrique.
Le président s'apprêterait à officialiser sa candidature par une simple "lettre adressée à ses compatriotes", court-circuitant ainsi les mécanismes traditionnels de désignation. Une méthode qui fait grincer des dents au sein même du parti au pouvoir.

L'autoritarisme croissant du système transparaît dans le traitement réservé aux voix discordantes. L'élu local Léon Theiller Onana, qui réclamait la tenue d'un congrès du RDPC - le dernier remonte à 2011 - et qui s'est déclaré candidat sous les couleurs du parti, a été ignoré par la hiérarchie.
Selon les révélations de Jeune Afrique, Ferdinand Ngoh Ngoh a recommandé à ses invités "une mobilisation sans faille sur le terrain" pour "faire taire les voix discordantes", confirmant l'intolérance du pouvoir face à toute forme de contestation interne.

L'émergence de Ferdinand Ngoh Ngoh au premier plan de la campagne relance inévitablement les interrogations sur l'état de santé de Paul Biya. L'homme fort du régime, âgé de 92 ans, se fait de plus en plus discret, laissant son secrétaire général gérer les aspects opérationnels du pouvoir.
Cette "gouvernance par procuration", comme l'analyse Jeune Afrique, alimente depuis des années "les craintes et les discours de l'opposition" sur la capacité réelle du chef de l'État à exercer ses fonctions.

La montée en puissance de Ngoh Ngoh pose la question de la transmission du pouvoir au Cameroun. Sans jamais l'avouer officiellement, le régime semble s'organiser autour d'une figure alternative, capable de maintenir la continuité du système en cas de défaillance du chef de l'État.

Cette stratégie de l'ombre, révélée par Jeune Afrique, pourrait préfigurer une transition en douceur vers une nouvelle génération de dirigeants, tout en préservant l'architecture du pouvoir mise en place depuis plus de quatre décennies.

La capacité de Ferdinand Ngoh Ngoh à mobiliser l'électorat traditionnel du RDPC et à faire élire Paul Biya pour un nouveau mandat constituera le test ultime de son influence. Un succès confirmerait son statut d'homme fort du régime, tandis qu'un échec pourrait précipiter une recomposition politique majeure.
Les révélations de Jeune Afrique sur cette reconfiguration du pouvoir camerounais annoncent ainsi une présidentielle d'octobre aux enjeux multiples, où se joueront à la fois l'avenir de Paul Biya et celui de son système politique.