La crise postélectorale camerounaise prend une tournure de plus en plus inquiétante avec une vague de répression massive contre les partisans d'Issa Tchiroma Bakary. Selon des révélations exclusives de Jeune Afrique, près d'un demi-millier de personnes ont été arrêtées depuis la présidentielle d'octobre dernier, dans un contexte où l'opposant continue de revendiquer sa victoire face au régime de Paul Biya.
Les organisations de défense des droits de l'homme ont confirmé à Jeune Afrique l'arrestation de près de 500 personnes dans le cadre de la crise qui secoue le Cameroun depuis la présidentielle contestée. Ces interpellations visent principalement les militants et sympathisants d'Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre de la Communication de Paul Biya devenu son adversaire le plus redoutable.
Le ministre de l'Administration territoriale, Paul Atanga Nji, à la pointe de cette opération de répression, assure avoir libéré une bonne partie des personnes arrêtées. Toutefois, comme le révèle Jeune Afrique, un flou total demeure sur le nombre exact de détenus encore en garde à vue ou emprisonnés, ainsi que sur leur localisation. Cette opacité alimente les inquiétudes des familles et des organisations de défense des droits humains qui dénoncent des arrestations arbitraires.
Malgré cette répression, l'opposition ne semble pas prête à céder. Retranché au Nigeria, Issa Tchiroma Bakary a diffusé le 17 novembre une lettre aux Camerounais dans laquelle il dévoile sa stratégie : "Calme, discipline et non-violence". "Je vous demande de résister. Mais de résister avec grandeur. Ne tombez pas dans le piège de la violence. C'est leur terrain. Le nôtre est celui de la justice, de la lumière, du courage pacifique", écrit l'opposant qui semble engagé dans une guerre d'usure contre le pouvoir en place.
Cette stratégie de résistance pacifique intervient alors que Tchiroma Bakary vient de nommer Alice Nkom, avocate et activiste des droits de l'homme de 80 ans, comme sa porte-parole officielle. La nomination de cette figure respectée de la société civile camerounaise constitue un signal fort adressé au régime Biya.
Jeune Afrique rappelle que la répression ne date pas d'hier. En décembre 2024, le même Paul Atanga Nji avait décidé de suspendre plusieurs organisations de la société civile, dont le Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (Redhac), au motif qu'elles financeraient des réseaux dits terroristes. Alice Nkom, qui copréside le conseil d'administration du Redhac, avait même fait l'objet d'une plainte devant le tribunal militaire de Yaoundé pour financement d'organisations terroristes, une plainte déposée par une obscure association.
Ces méthodes d'intimidation visent clairement à museler toute forme de contestation et à dissuader les acteurs de la société civile de s'engager aux côtés de l'opposition. Cependant, comme le souligne un observateur contacté par Jeune Afrique, "Alice Nkom a l'avantage d'être non seulement une matriarche, mais aussi de connaître les subtilités du droit et d'avoir une aura internationale. La prendre à défaut sur le plan légal est difficile et l'arrêter de manière arbitraire l'est tout autant."
Le 18 novembre, des lanceurs d'alerte ont signalé une importante présence policière autour de la résidence d'Alice Nkom à Douala. Toutefois, l'entourage de l'avocate a confirmé à Jeune Afrique qu'elle n'a pas été inquiétée, du moins pour le moment. Cette surveillance rapprochée illustre néanmoins la nervosité du régime face à cette nouvelle alliance entre Tchiroma Bakary et l'une des voix les plus écoutées de l'opposition camerounaise.
La question qui se pose désormais est de savoir jusqu'où le régime Biya est prêt à aller dans la répression. Avec près de 500 arrestations déjà enregistrées et un flou persistant sur les libérations promises, le Cameroun s'enfonce dans une crise dont l'issue reste incertaine. L'appel à la résistance pacifique lancé par Tchiroma Bakary sera-t-il entendu par ses partisans face à l'intensification de la répression ? Les prochaines semaines seront déterminantes pour l'avenir politique du pays.









