Dans une escalade symbolique remarquée, Issa Tchiroma Bakary franchit un nouveau cap dans sa contestation du pouvoir de Paul Biya. Selon des informations exclusives de Jeune Afrique, l'opposant utilise désormais les attributs officiels de la présidence camerounaise pour légitimer sa revendication de victoire à la présidentielle d'octobre dernier.
Jeune Afrique révèle que la note de nomination d'Alice Nkom comme porte-parole officielle d'Issa Tchiroma Bakary, publiée le 17 novembre sur les réseaux sociaux, comporte des éléments hautement symboliques : un sceau de l'État, les armoiries du Cameroun et une signature accompagnée de la mention "Président élu". Cette utilisation des symboles républicains constitue un défi direct au régime de Paul Biya et une tentative de construire une légitimité parallèle.
Cette stratégie n'est pas anodine. Elle vise à installer dans l'esprit des Camerounais l'idée qu'il existe bel et bien un "président élu" distinct du pouvoir en place. Alice Nkom, fraîchement nommée, n'a d'ailleurs pas tardé à enfoncer le clou dans sa première prise de parole, rapportée par Jeune Afrique : "Beaucoup de gens se demandent s'il y a deux présidents au Cameroun. La réponse est non. Il y a un président élu : Issa Tchiroma Bakary, et un dictateur entouré d'une équipe qui gère, protège et profite de la dictature."
Retranché au Nigeria depuis la présidentielle contestée, Issa Tchiroma Bakary n'en finit pas de défier le régime Biya. Jeune Afrique rapporte que l'opposant, pressé par ses soutiens d'organiser une cérémonie de prestation de serment et de nommer son propre gouvernement, choisit pour l'instant une approche plus mesurée mais tout aussi subversive.
La nomination d'Alice Nkom comme porte-parole officielle, avec des prérogatives clairement définies, constitue la première pierre d'une architecture institutionnelle parallèle. Le document publié par Tchiroma Bakary précise qu'elle est "habilitée à s'exprimer au nom du président élu, à représenter ses positions dans les échanges institutionnels, diplomatiques et médiatiques, et à coordonner la communication de la présidence élue".
Cette formulation, relevée par Jeune Afrique, suggère l'intention de mettre en place une véritable structure de pouvoir alternative, capable d'interagir avec les instances diplomatiques et médiatiques. La question du "gouvernement parallèle", réclamé par certains partisans, reste en suspens mais n'est manifestement pas écartée.
Dans sa lettre aux Camerounais diffusée le 17 novembre, dont Jeune Afrique a obtenu la teneur, Issa Tchiroma Bakary dévoile sa ligne de conduite : "Calme, discipline et non-violence". Cette posture stratégique vise à éviter de tomber dans ce qu'il appelle lui-même "le piège de la violence", terrain sur lequel le régime aurait l'avantage.
"Ne tombez pas dans le piège de la violence. C'est leur terrain. Le nôtre est celui de la justice, de la lumière, du courage pacifique. L'heure vient. Et quand elle sonnera, ce sera la vôtre", écrit l'opposant. Cette approche de la résistance pacifique, si elle est respectée par ses partisans, pourrait compliquer la tâche du régime qui mise traditionnellement sur la répression pour étouffer toute contestation.
Jeune Afrique note que Tchiroma Bakary semble engagé dans une guerre d'usure contre le pouvoir en place. Plutôt que de précipiter les événements par une prestation de serment symbolique qui pourrait être interprétée comme une provocation majeure, l'opposant choisit de construire progressivement une architecture de pouvoir parallèle, tout en maintenant la pression sur le régime Biya.
Cette stratégie pose néanmoins plusieurs questions. Combien de temps l'opposant pourra-t-il maintenir la mobilisation de ses partisans depuis son exil nigérian ? Le régime Biya, fort de ses décennies au pouvoir, n'a-t-il pas l'expérience et les moyens de résister à cette guerre d'usure ? Et surtout, la communauté internationale, qui reste pour l'heure silencieuse, finira-t-elle par s'exprimer sur cette crise qui s'enlise ?
L'utilisation des armoiries et du sceau de l'État camerounais, révélée par Jeune Afrique, ne manquera pas de provoquer une réaction du pouvoir en place. Ces symboles, protégés par la loi, sont l'apanage exclusif des institutions officielles. Leur usage par un opposant, même convaincu de sa victoire électorale, pourrait être qualifié d'usurpation de fonctions ou d'atteinte aux symboles de l'État.
Cependant, comme le souligne un observateur interrogé par Jeune Afrique, toute action en justice contre Tchiroma Bakary risquerait de renforcer sa posture de "président élu" persécuté par un "dictateur". Le régime Biya se trouve ainsi dans une situation délicate : réagir trop fortement renforcerait la légitimité de son adversaire, ne rien faire pourrait être interprété comme une forme de faiblesse.
Dans tous les cas, cette escalade symbolique marque un tournant dans la crise postélectorale camerounaise. Issa Tchiroma Bakary ne se contente plus de contester les résultats : il construit méthodiquement, depuis l'exil, les fondations d'un pouvoir parallèle qui défie ouvertement l'autorité de Paul Biya.









