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Actualités of Monday, 28 May 2018

Source: camer.be

Prison: vif débat sur le port de l’uniforme des détenus camerounais

Au sein de l’opinion, le débat sur la réinstauration des uniformes enfle. Mais certains considèrent cela comme une atteinte à la dignité du prisonnier.

Comme on les voit dans les prisons de ces grands pays qui nous inspirent souvent tant, imaginons nos prisonniers en tunique orange, salopette kaki ou en t-shirt rose et pantalon ligné jaune et blanc. Assurément, ce serait cette révolution, voire une avancée que certains appellent de leur vœu. Surtout que l’uniforme a déjà existé dans les prisons camerounaises et a disparu au début des années 80.

Et que cela trouve son fondement juridique lorsqu’on lit l’article 30 alinéa 1 du décret N°92-052 du 27 mars 1992 portant régime pénitentiaire au Cameroun. Celui-ci dispose en effet que « tout détenu condamné reçoit un uniforme qu’il est tenu de porter en public». En prolongeant la réflexion, les sociologues en rajoutent à ces aménagements juridiques. En effet, pour beaucoup d’analystes de phénomènes sociaux, dans un milieu où la perte de repères contribue dans une large mesure à l’émergence et à la pérennisation de comportements déviants, le port de l’uniforme symbolise d’abord une référence à des normes sociales communément admises.

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Normes auxquelles la personne incarcérée doit apprendre à ne pas déroger. Par ailleurs, l’on pense que l’uniforme est également l’expression de la nécessaire solidarité, de l’équité et la justice entre personnes privées de liberté. Surtout que ce qui a motivé son apparition vers la fin du 18e siècle dans les prisons, c’était l’amélioration des conditions pénitentiaires déplorables, en évitant que les prisonniers ne portent les vêtements avec lesquels ils avaient été arrêtés.

Mais cette impression de révolution est éphémère et faible, lorsque des défenseurs de droits de l’Homme se lèvent. Dans leur plaidoirie, des avocats par exemple pensent que « l’association de l’image du détenu au port d’une tenue particulière contribue à l’affubler de stigmates ». Or, le détenu, à l’exception de la restriction à sa liberté d’aller et de venir, conserve tous les droits puisés dans sa qualité de citoyen. Droits qu’il n’a pas perdus du fait de sa condamnation. Bien plus, ces défenseurs ne postulent pour un traitement humain et digne des prisonniers.

Une affirmation encadrée par l’ensemble des règles minimales pour le traitement des détenus, adoptées par les Nations unies en 1955, qui traitent des principaux aspects de la vie quotidienne en prison. Or, aujourd’hui dans l’opinion, certains intègrent mal de voir des « prisonniers de luxe » dans leur costume de grand jour, cravates bien nouées, ou dans leurs gandouras immaculées. Cette bonne mise somme toute légitime frise au goût de certains la « pro- vocation ».

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Le débat est donc ouvert. Celui de réinstaurer le port de l’uniforme par les prisonniers au Cameroun. Il est vif et virulent au sein de l’opinion. Si les uns reconnaissent la pertinence de l’idée selon laquelle tout détenu reçoit de l’Etat une tenue, celle-ci doit être, néanmoins, soumise à la critique de la réalité de certaines prisons camerounaises surpeuplées. Ici, certains détenus et condamnés parfois les plus nombreux ne sont pas habillés, faisant courir le risque de tourner en dérision le sens et la portée des droits à la dignité et de la présomption d’innocence en jeu.