Actualités of Wednesday, 19 November 2025
Source: www.camerounweb.com
L'accord de rachat des 51% d'Actis sera signé ce mercredi lors d'un conseil d'administration extraordinaire. Une opération saluée par le pouvoir comme une victoire de la souveraineté économique, mais qui intervient dans un secteur plombé par près de 500 milliards de dettes.
Le secteur énergétique camerounais s'apprête à tourner une page historique. Ce mercredi 20 novembre 2025, l'État camerounais finalisera officiellement la reprise du contrôle majoritaire d'Eneo, concessionnaire de l'électricité, en rachetant les 51% détenus par le fonds britannique Actis pour un montant de 78 milliards de francs CFA.
La transaction, qui marque la sortie définitive du fonds londonien entré au capital en 2014, sera actée lors d'un conseil d'administration extraordinaire d'Eneo prévu dans l'après-midi, après une rencontre ministérielle programmée à 10h au ministère des Finances.
Pour les partisans du régime, cette reprise constitue une étape majeure dans le renforcement de la souveraineté économique nationale. "À partir de demain, le secteur de l'énergie au Cameroun franchira une étape historique", s'est réjoui le journaliste Bruno Bidjang, proche du pouvoir, qualifiant la décision de manifestation de "la vision éclairée du Chef de l'État, Son Excellence Paul Biya".
Selon cette lecture, la renationalisation d'Eneo s'inscrit dans "le septennat de la grandeur et de l'espérance" et vise à "moderniser le réseau, rehausser la qualité du service et assurer une meilleure maîtrise des investissements énergétiques". À l'issue de l'opération, l'État détiendra 95% du capital d'Eneo, les 5% restants revenant aux employés.
Le chemin vers cette reprise n'aura pas été simple. Les négociations entre Yaoundé, accompagné des cabinets KPMG et Chazai Wamba, et Actis, conseillé par Financia Capital et Amadagana & Partners, se sont étalées sur plus de deux ans.
Le comité ministériel de mercredi réunira le ministre des Finances Louis Paul Motaze, son homologue de l'Eau et de l'Énergie Gaston Eloundou Essomba, ainsi qu'une délégation d'Actis. La signature de l'accord interviendra à l'issue de cette séance, consacrant l'aboutissement d'un processus complexe marqué par plusieurs points de friction.
Les discussions ont notamment achoppé sur le traitement des dettes réciproques entre l'État et Eneo. Actis exigeait le règlement préalable de ses créances, évaluées à 66,8 milliards FCFA au 31 décembre 2023 pour les seules entités publiques. De son côté, Yaoundé fait valoir une créance globale d'environ 328 milliards FCFA sur l'opérateur.
Le secteur énergétique camerounais est en effet marqué par un enchevêtrement de dettes croisées impliquant Eneo, Sonatrel, SNH, EDC, Globeleq, Camwater et Alucam. Au total, l'opérateur accumulait une dette globale estimée à 489 milliards FCFA envers le Trésor à fin 2024.
Les pourparlers ont également été ralentis par un différend autour d'un portefeuille de plus de 60 milliards FCFA d'investissements non validés par le régulateur, l'Agence de régulation du secteur de l'électricité (Arsel). Ce désaccord avait conduit la présidence de la République à réviser à la baisse une première contre-proposition de l'État, poussant Actis à saisir en février 2025 la Chambre de commerce internationale de Paris pour arbitrage.
Selon plusieurs sources proches du dossier, le rachat sera financé via le budget de l'État et devrait être intégré dans la loi de finances 2026, attendue au Parlement dans les prochains jours. L'accord prévoit un délai maximal de trois mois pour que Yaoundé règle l'intégralité du montant dû à Actis. Aucun détail officiel n'a filtré sur un éventuel pool bancaire ou un mécanisme de financement relais.
Si la reprise d'Eneo est présentée comme une victoire politique, elle intervient dans un contexte difficile pour le secteur énergétique camerounais, miné par les coupures récurrentes et le sous-investissement chronique.
Le gouvernement devra désormais relever plusieurs défis majeurs : moderniser un réseau vétuste, améliorer la qualité du service pour les ménages et entreprises, assainir la situation financière plombée par des centaines de milliards de dettes, et attirer de nouveaux investissements dans un secteur stratégique pour le développement économique du pays.
Cette renationalisation marque ainsi le début d'une nouvelle phase pour Eneo, dont le succès dépendra de la capacité de l'État à transformer l'entreprise et à tenir ses promesses d'amélioration du service public de l'électricité.