Les révélations de Jeune Afrique sur un pouvoir qui s’exerce dans l’ombre, entre absence présidentielle et luttes de clans
Depuis des années, les Camerounais vivent sous l’emprise d’un président qu’ils ne voient presque plus. Jeune Afrique révèle comment Paul Biya, 92 ans, a progressivement délégué son autorité à un cercle restreint de collaborateurs, transformant la gouvernance du pays en un système de « hautes instructions » opaques, souvent contestées même au sein de son propre gouvernement.
Selon les informations exclusives de Jeune Afrique, Paul Biya n’a plus de contact régulier avec ses ministres depuis 2019, et encore moins depuis la pandémie de Covid-19. Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général de la présidence, et une poignée de proches agissent en son nom, mais leurs décisions sont de plus en plus remises en question. « Les instructions qu’on nous transmet ne viennent même plus de lui, mais de son entourage, et personne ne sait vraiment qui les valide », confie un haut fonctionnaire sous couvert d’anonymat. Cette opacité a provoqué des tensions au sommet de l’État, comme en témoignent les récentes démissions d’Issa Tchiroma Bakary et de Bello Bouba Maïgari, frustrés par l’absence de dialogue avec le chef de l’État.
Les révélations de Jeune Afrique montrent que cette gouvernance par procuration a paralysé l’administration. « On attend des arbitrages qui ne viennent jamais, et pendant ce temps, les dossiers s’accumulent », explique un cadre du RDPC. Résultat : des projets majeurs, comme l’aménagement du lac de Yaoundé ou la gestion de la crise anglophone, sont à l’arrêt, faute de décisions claires. « Le pays est en pilotage automatique, et tout le monde le sait », résume un homme d’affaires.
La question de la succession hante les couloirs du pouvoir. « Biya ne prépare rien, il ne pense même pas à l’après », analyse un proche du régime. « Son système l’a déifié, mais un dieu ne meurt pas, il disparaît ». Pour les Camerounais, l’attente se prolonge, et l’incertitude grandit : que reste-t-il d’un État quand son leader n’est plus qu’une ombre ?