Actualités of Sunday, 29 June 2025
Source: www.camerounweb.com
Le politologue livre une analyse critique des candidatures de Bello Bouba et Issa Tchiroma, y voyant la persistance de pratiques politiques datant des années 1950.
Invité de l'émission Libre Expression sur Info TV, le politologue Mathias Éric Owona Nguini a proposé une lecture sévère des récentes candidatures à l'élection présidentielle camerounaise d'octobre 2025. L'universitaire s'est particulièrement penché sur les cas de Bello Bouba Maïgari et d'Issa Tchiroma Bakary, dénonçant ce qu'il considère comme des pratiques politiques archaïques.
Pour Owona Nguini, les deux candidats ne peuvent échapper à leur bilan gouvernemental. "Bello Bouba et Issa Tchiroma ne peuvent pas s'exclure des périodes au cours desquelles ils ont été associées au mécanisme gouvernant", a-t-il déclaré, rappelant ainsi l'implication de longue date de ces figures politiques dans la gestion du pays.
Cette observation souligne le paradoxe de candidats qui, après avoir participé au système qu'ils critiquent aujourd'hui, se présentent comme des alternatives crédibles. Le politologue suggère ainsi une forme de contradiction entre leurs discours actuels et leur parcours politique antérieur.
L'analyse d'Owona Nguini va plus loin en situant ces candidatures dans une perspective historique. "Tout ceci est la manifestation de vieilles tendances politiques qui existent dans l'espace politique camerounais depuis 1950", affirme-t-il, inscrivant les démarches actuelles dans une continuité de pratiques politiques qu'il juge dépassées.
Cette référence aux années 1950 n'est pas anodine : elle renvoie aux débuts de la vie politique moderne du Cameroun, marquée par l'émergence des premiers partis politiques et des premières rivalités ethniques et régionales. Pour le politologue, les candidatures actuelles reproduiraient ces schémas anciens.
Le constat de Mathias Éric Owona Nguini est particulièrement pessimiste concernant l'état de la démocratie camerounaise. "Pour le futur de la démocratie camerounaise, ce sont de très mauvais signaux", prévient-il, exprimant ses inquiétudes quant à l'impact de ces candidatures sur l'évolution du système politique national.
Cette évaluation suggère que, loin de représenter un renouveau démocratique, ces nouvelles candidatures perpétueraient des pratiques néfastes pour la consolidation démocratique du pays.
Le politologue identifie deux principales dérives dans les pratiques politiques actuelles. La première concerne "une politique d'abord basée sur le prophétisme et le messianisme", un phénomène qu'il illustre par une référence explicite au Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC).
"Dont on a déjà vu une expression avec un parti politique que Monsieur Elimbi Lobe aime beaucoup, le MRC", précise-t-il, faisant ainsi le lien entre les candidatures actuelles et les pratiques déjà observées dans l'opposition. Cette allusion au journaliste Elimbi Lobe, connu pour ses positions favorables au MRC de Maurice Kamto, élargit la critique aux médias et à leur rôle dans la promotion de ces tendances.
La seconde dérive identifiée par Owona Nguini concerne "la politique des équations politico-clientélistes". Cette expression désigne les calculs politiques basés sur les équilibres ethniques, régionaux ou communautaires, ainsi que sur les réseaux de patronage et de redistribution des ressources.
Cette critique vise directement les stratégies électorales qui privilégient les logiques d'appartenance communautaire aux dépens des programmes politiques et des compétences individuelles. Pour le politologue, ces pratiques maintiennent le système politique dans des logiques archaïques.
L'analyse d'Owona Nguini révèle une vision pessimiste de l'évolution de la classe politique camerounaise. En situant les candidatures actuelles dans la continuité de pratiques vieilles de plusieurs décennies, il suggère que le renouvellement générationnel et programmatique tant attendu n'est pas au rendez-vous.
Cette lecture académique contraste avec les discours de rupture et de changement portés par les candidats eux-mêmes, offrant ainsi une grille de lecture alternative aux électeurs camerounais à l'approche du scrutin présidentiel.
Les propos du politologue alimentent un débat plus large sur la nature du changement politique au Cameroun. La question centrale reste de savoir si l'alternance au sommet de l'État suffit à transformer les pratiques politiques, ou si elle ne fait que reproduire les mêmes logiques avec de nouveaux acteurs.