Après l'enlèvement de 14 personnes par des séparatistes, les forces de sécurité procèdent à l'arrestation de sept civils, dont deux bébés de 2 et 3 mois, dans ce qui s'apparente à des représailles collectives.
Ndop, 27 juin 2025 - La ville de Ndop, dans la région du Nord-Ouest du Cameroun, a été le théâtre mardi d'une nouvelle escalade de violence qui illustre tragiquement l'enlisement de la crise anglophone. En l'espace de quelques heures, enlèvements par des groupes séparatistes et arrestations arbitraires par les forces de sécurité ont plongé la population civile dans une spirale de terreur.
Les événements du 24 juin 2025 ont débuté aux premières heures de la matinée. Vers 7 heures, des combattants séparatistes placés sous le commandement du dénommé général "A Nova Die" ont pris en otage 14 civils dans le village de Sabga Hill, subdivision de Tubah. Les ravisseurs ont exigé le paiement d'une rançon pour la libération des captifs.
Treize otages ont été relâchés après versement de la somme demandée, mais un gendarme en poste à Ndop demeure aux mains des séparatistes ambazoniens. Cette détention a déclenché une réaction en chaîne aux conséquences dramatiques pour la population locale.
Quatre heures plus tard, vers 11 heures, les forces de défense et de sécurité ont mené une opération dans le quartier Muftuo à Bamessing. Sept personnes ont été arrêtées, parmi lesquelles figurent des cas particulièrement préoccupants :
Seraph Woh, 68 ans
Julius Weyang, mécanicien de 39 ans employé à l'UNVDA
Joycelyn Ndum, 22 ans, accompagnée de son bébé de trois mois
Blanche Yocneth, 22 ans, avec son nourrisson de deux mois
Justine Bechu, 24 ans
Ces arrestations, qui visent apparemment des civils sans lien établi avec les enlèvements, s'apparentent selon les observateurs à une logique de responsabilité collective contraire aux principes du droit.
Les sept détenus ont été transférés à la brigade de gendarmerie de Ndop où ils seraient soumis à des conditions particulièrement difficiles. Selon des sources locales citées par l'ONG Conscience Africaine, les deux nourrissons et leurs mères montrent déjà des signes de détérioration de leur état de santé en raison de l'insalubrité des lieux de détention et du manque de soins appropriés.
La présence de bébés de 2 et 3 mois dans une cellule de gendarmerie soulève des questions graves sur le respect des droits de l'enfant et des standards humanitaires minimaux.
La situation a pris une tournure encore plus inquiétante avec les déclarations attribuées au préfet du département de la Ngoketunjia, Kongeh Handerson Qwetong. Ce dernier aurait publiquement menacé de faire exécuter les civils détenus si le gendarme captif n'était pas libéré par les séparatistes.
Ces menaces interviennent dans un contexte où plusieurs cas d'exécutions extrajudiciaires ont déjà été documentés dans la région, notamment au cours du mois de mai 2025, alimentant les craintes des organisations de défense des droits humains.
L'ONG Conscience Africaine a publié un communiqué condamnant fermement ces arrestations. L'organisation dénonce plusieurs violations graves :
Le non-respect des procédures judiciaires régulières, la détention illégale de civils non armés incluant des personnes particulièrement vulnérables, et l'application d'une logique de responsabilité collective contraire au principe fondamental de responsabilité pénale individuelle.
L'ONG rappelle que ces pratiques violent à la fois le droit camerounais et les engagements internationaux du pays en matière de droits humains. Elle exige la libération immédiate des détenus et l'ouverture d'une enquête indépendante sur ces événements.
Cet épisode s'inscrit dans une escalade de violence préoccupante qui frappe les régions anglophones du Cameroun depuis 2016. Alors que les groupes séparatistes multiplient leurs actions contre les symboles de l'État, les forces de sécurité répondent souvent par des mesures disproportionnées qui touchent principalement les populations civiles.
Les organisations humanitaires s'alarment de cette dérive qui voit les civils pris en étau entre les belligérants. La détention de nourrissons, cas particulièrement choquant, illustre jusqu'où peut mener cette logique de guerre totale où les innocents paient le prix fort.
Dans ce contexte d'enlisement, la communauté internationale appelle régulièrement les parties au conflit à privilégier le dialogue et à épargner les populations civiles. Les événements de Ndop montrent que cet appel reste largement lettre morte sur le terrain, où la violence engendre la violence dans un cycle apparemment sans fin.