Actualités of Tuesday, 16 December 2025
Source: www.camerounweb.com
Une déclaration de Martial Owona sur Vision 4 relance le débat sur les responsabilités collectives dans la crise de gouvernance au Cameroun
"Le vrai problème du Cameroun, ce ne sont ni les ministres ni le président de la République. Ce sont les Camerounais d'en bas. Dès qu'on donne un petit pouvoir à l'un de nous on se croit tout permis." Cette déclaration de Martial Owona dans l'émission Tour d'Horizon sur Vision 4 a le mérite de soulever une question rarement abordée dans les débats sur la gouvernance camerounaise : celle de la responsabilité individuelle et collective des citoyens ordinaires dans la perpétuation des dysfonctionnements du système.
Alors que le discours dominant pointe généralement du doigt les élites politiques et les hauts responsables de l'État, Owona inverse la perspective. Pour lui, le problème se situe à la base même de la pyramide sociale. Le citoyen lambda, une fois investi d'une parcelle d'autorité, aussi minime soit-elle, reproduirait les mêmes travers que ceux qu'il dénonce chez les dirigeants.
Cette analyse touche à un phénomène bien connu : l'abus de pouvoir ne serait pas l'apanage des hautes sphères, mais une tentation humaine qui se manifeste à tous les échelons de la société. Le policier de quartier qui rançonne, le chef de service qui exige des pots-de-vin, le gardien d'immeuble qui abuse de son autorité, l'agent municipal qui se comporte en petit tyran - autant d'exemples quotidiens qui semblent valider cette thèse.
La réflexion de Martial Owona met en lumière l'existence d'une véritable culture du pouvoir au Cameroun, où l'autorité, même limitée, est souvent perçue comme un privilège personnel plutôt que comme une responsabilité au service de la collectivité. Cette mentalité se manifeste dans l'administration publique, les entreprises, les établissements scolaires et même les associations de quartier.
Le sentiment d'impunité qui accompagne l'exercice du pouvoir, quel que soit son niveau, crée un cercle vicieux. Chacun subit les abus de ceux qui sont au-dessus de lui, tout en se promettant d'en faire autant dès qu'il obtiendra une position d'autorité. Cette logique gangrène le tissu social et normalise des comportements qui devraient être sanctionnés.
Si l'analyse d'Owona a le mérite de pointer une réalité souvent occultée, elle soulève néanmoins des questions. Peut-on vraiment dédouaner les dirigeants politiques de leur responsabilité dans la mise en place et le maintien d'un système qui favorise ces dérives ? N'est-ce pas précisément le rôle du leadership politique d'établir des règles claires, de faire respecter la loi et de sanctionner les abus, quelle que soit l'échelle à laquelle ils se produisent ?
Les institutions faibles, l'absence de mécanismes de contrôle efficaces, l'impunité généralisée et le mauvais exemple venant du sommet de l'État créent un environnement propice à la corruption à tous les niveaux. Blâmer uniquement "les Camerounais d'en bas" pourrait être perçu comme une manière de détourner l'attention des véritables responsabilités politiques.
Au-delà de la polémique, la déclaration de Martial Owona a le mérite d'appeler à une introspection collective. Si le changement doit venir d'en haut par la mise en place d'institutions fortes et d'un État de droit effectif, il doit également venir d'en bas par un changement des mentalités et des comportements individuels.
Le Cameroun ne se transformera pas uniquement par le remplacement de ses dirigeants, mais aussi par l'émergence d'une nouvelle culture citoyenne où chaque individu, quel que soit son niveau de responsabilité, comprend que le pouvoir est un service et non un privilège. Cette prise de conscience collective est sans doute l'une des conditions essentielles pour sortir du cercle vicieux de la mauvaise gouvernance.