De proche collaborateur d'Ahmadou Ahidjo à opposant déclaré de Paul Biya, Victor Ayissi Mvodo incarne le destin tumultueux de ces figures politiques camerounaises tombées en disgrâce. Réputé pour son tempérament explosif qui lui aurait coûté la succession d'Ahidjo, il s'est lancé dans une opposition frontale au Renouveau avant de disparaître progressivement de l'échiquier politique national. Retour sur le parcours d'un homme qui n'hésitait pas à qualifier Paul Biya d'"être mou, hypocrite, fourbe" alors qu'ils furent jadis amis d'enfance
Du temps de son séjour parisien, Victor Ayissi Mvodo n’avait de cesse de décrire Paul Biya, le désormais nouveau leader camerounais, comme un être «mou, hypocrite, fourbe, ingrat, timoré et sans ambitions ». Mis au ban du Renouveau, il voit son passeport de service retiré par la police des frontières.
Pour se rendre en France, le couple avait reçu des billets d’avion en mode prepaid, envoyés par une entreprise basée au Canada. L’on apprendra, plus tard, que ces titres de voyage leur furent procurés par le milliardaire Henri Damase Omgba, homme d’affaires sulfureux, soutien connu et reconnu de Paul Biya, mais qui réside à Paris.
On disait alors le trafiquant d’armes en disgrâce et, chuchotait-on dans les salons huppés de la capitale, qu’il s’était aligné derrière la candidature de M. Ayissi Mvodo. Ce soutien affiché était-il sincère ou un attrape-nigaud, ainsi que le subodoreront certains observateurs ?
Fidèle d’Ahmadou Ahidjo, autant que Samuel Eboua, le ci-devant (1963- 1967) fonctionnaire international de 1ère catégorie au Tribunal international du travail, à Genève, aurait pu hériter de la magistrature suprême après la démission de son mentor. Mais l’ex-président le trouvait un tantinet sanguin.
En tout cas, pas assez posé pour tenir le rênes d’un État à la constitution sociologique aussi complexe que le Cameroun.
Dans des confidences au journaliste Alain Foka, l’ex-first lady, Germaine Ahidjo, ne cachera pas s’être opposée à la désignation de Paul Biya comme successeur constitutionnel. « As-tu pensé à Ayissi Mvodo Victor ou même à ton fidèle secrétaire général, Samuel Eboua ?
Je les trouve tout à fait capables et même davantage charismatiques que Paul Biya », plaidera-t-elle auprès d’Ahidjo. Ce à quoi elle recevra cette cinglante explication : « Ayissi est un ami et un homme loyal qui se jetterait dans la Bénoué pour moi si je le lui demandais ; et, à cet égard, il représente le choix le plus commode… Mais il est, par tempérament et par nature, très belliqueux et serait capable, à lui tout seul, de provoquer une guerre civile qui embraserait tout le Cameroun, réduisant ainsi à néant tous les efforts de l’unité nationale.
Quant à Eboua, il a la phobie des Bamilékés, qu’il déteste foncièrement, et au sujet desquels il est incapable de la moindre nuance ; or, personne ne peut gouverner cet
immense pays sans l’apport des Bamilékés. »
Pour confirmer le tempérament éruptif de l’homme, il circule dans le sérail cette anecdote, jamais démentie et qui remonte à 1975, au lendemain du congrès, à Douala, de l’Union nationale camerounaise (UNC, parti unique)dont Ayissi fut membre du comité central, du bureau politique, puis secrétaire politique du comité central. Une empoignade physique, en pleine réunion dans le cabinet présidentiel, aurait opposé les ministres Biya et Ayissi lorsque Ahidjo, qui vient d’annoncer le retour du poste de Premier ministre,demande à ses cadres béti de lui proposer un candidat. S’ensuivra un violent échange verbal entre les deux hommes, anciens amis d’enfance et qui s’y voient chacun, puis une gifle d’Ayissi Mvodo à Paul Biya, qui encaissera lecoup sans broncher. Cette savoureuse histoire, qu’on se passe de génération en génération à travers le pays, n’a jamais été confirmée ni démentie aussi bien par les protagonistes que par les témoins.
L’ancien procureur de la république près du tribunal de Douala (1961-1963),
ne cachera point son opposition, lorsque le même Biya est nommé Premier ministre.
[...]
En fin 1996, le candidat déclaré à la présidence de la République Victor Ayissi Mvodo fait publier son message à la nation, dans lequel il tient à « attirer l’attention de tous ceux qui aiment vraiment ce pays et sur l’urgence et la nécessité de faire échec aux prétentions de ceux qui, par leur inconscience, leur cupidité et leur incompétence ont fait du Cameroun un pays, hier respecté et écouté, une véritable république bananière ».
S’agissant spécifiquement de l’action du Renouveau, il dénonce « une économie mise à mal par 14 ans de bricolage et d’improvisation ». Et de lâcher : « Pour ce qui me concerne, je n’ai pas de rêve millénaire, mais un double souci : revenir aux règles de l’État de droit et créer les conditions juridiques, politiques, économiques et sociales pour que le Cameroun redevienne à nouveau un pays d’espoir pour tous ses fils, un pays derrière ses gouvernants, travailleur, paisible, prospère, ambitieux et fier de lui-même. »
Lors du congrès ordinaire du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir) de décembre 1996, son président national, Paul Biya, tacle sévèrement « ces ambitieux qui retrouvent sur le tard une virginité politique ». Si Victor Ayissi Mvodo ne dispose pas d’appareil politique, il peut néanmoins compter sur les bonnes dispositions à l’adouber de Bello Bouba Maïgari et de son parti, l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP)
Au début du mois de mai suivant, à l’hôtel Hilton de Yaoundé, il est la guest-
star de la cérémonie de lancement de la campagne des législatives de cette
formation de l’opposition.
Dans une lettre ouverte aux membres du deuxième congrès ordinaire du
RDPC, il dénonce l’institutionnalisation de la pensée unique au sein du parti,
mais aussi « l’accaparement par le président de la République du destin de
notre parti et, partant, de celui de l’État et de la Nation toute entière ».
La réponse en lisant « les années BIYA »
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