Actualités of Monday, 4 August 2025

Source: www.camerounweb.com

Incroyable : voici l'histoire derrière le concours avorté du recrutement des cadres de la Beac

Banque des États de l’Afrique centrale Banque des États de l’Afrique centrale

Un concours de recrutement a été avorté. Il était destiné aux cadres supérieurs de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac). Le lanceur d’alerte Boris Bertolt dévoile la véritable histoire.

Il y a quelques jours, un rapport d’audit d’un cabinet français, RSM, a fait le tour des réseaux sociaux, révélant les fraudes orchestrées par la gouvernance de la Beac en 2022. Peu après, le Comité Ministériel de la CEMAC a décidé d’annuler le concours et a ordonné au nouveau gouvernement de la Beac de préparer un nouveau processus de recrutement dans des conditions plus transparentes. Cet événement marque la conclusion d’un long feuilleton qui a débuté en réalité en 2020, en plein cœur de la gestion des neveux Tolli et Evou. Le gouvernement, à cette époque, est complété par Guédon, ancien ministre gabonais et proche d’Ali Bongo, qui occupe le poste de SG, Femonazui Marius, centrafricain et DG de l’audit interne, Ondaye Cédric, congolais et membre de la famille Sassou, qui est DG de l’exploitation, et Bacale Yvan, guinéen et DG des Finances.

ABBAS Tolli avait passé trop de temps à nommer des membres de sa famille et à recruter ses proches dans des postes de cadres moyens, n’organisant qu’un seul concours interne pour les cadres supérieurs. Les lauréats étaient reconnus comme incapables de remplir les exigences de cadre supérieur. Pour remédier à cela, ABBAS Tolli fait appel à Boncanca, alors directeur des ressources humaines, qui avait largement dépassé l’âge de la retraite. Tolli apprécie de travailler avec Boncanca, car ce dernier accepte de mépriser l’autorité de son supérieur, Ondaye, qui préfère se retirer dans son bureau plutôt que de gérer les affaires de sa direction générale.

Après la crise du COVID, tous les acteurs sont prêts, et le spectacle peut commencer. Tolli prend la décision d'intégrer une dizaine de ses proches parmi les cadres supérieurs, dont certains sont déjà en poste comme cadres moyens. Avec l’échéance de son mandat qui se profile dans trois ans, il se concerte avec Evou MEKOU pour faire recruter le fils de celui-ci, jusqu’alors résidant aux États-Unis, ainsi qu’une autre personne. Ils sollicitent également l’aide de Guédon, qui désire placer son propre fils. Étant donné la réputation d’Ondaye, il est convenu qu'il propose une candidate : la fille d’un très haut dignitaire congolais, l’une des personnalités les plus influentes de Brazzaville. Tolli, en confiance avec Bacale, n’inclut pas Femonazui dans le plan, le jugeant trop imprévisible. Un alibi centrafricain est donc nécessaire ; Boncanca propose alors de faire entrer dans le projet Sana Bangui, ce dernier recommandant l'une de ses petites amies. Le cadre est dressé, et le processus peut débuter.

Pour s'assurer que seuls leurs candidats passent, les neveux verrouillent la procédure en choisissant de confronter un cabinet français, habitué aux recrutements à la beac (APAVE), à un cabinet togolais jusqu’alors inconnu, AFRICSEARCH. Ils manipulent la commission chargée de sélectionner le cabinet, en y intégrant Goro, un acolyte de Tolli, reconnu sans scrupules et d’une moralité douteuse. Evou place également Obouh Fegue Emmanuelle, connue à la BEAC comme étant sa petite amie, en tant que membre de cette commission. Il est étrange de constater que les dirigeants de la beac favorisent souvent leurs compagnes pour des postes de direction, une tradition qui se perpétue avec la nomination future de la petite amie de Sana à la direction des marchés. Le rapport du cabinet RSM souligne comment cette commission biaisée a manipulé le processus pour écarter APAVE afin de favoriser AFRICSEARCH.

Le concours est donc organisé, mais, comme tout crime n’est jamais parfait, se déroule dans des conditions cauchemardesques. Femonazui, chargé des contrôles, estime que l'organisation défaillante du concours ne peut satisfaire la Beac. Quelques semaines plus tard, il écrit une note au gouvernement pour souligner les lacunes dans l'organisation et plaide pour des mesures correctives, y compris l'annulation du concours ou sa reprise dans des conditions plus acceptables. Cette initiative provoque la colère de Tolli, qui refuse de laisser ses candidats en dehors du processus, ainsi que la frustration de Sana, qui a promis à sa petite amie une place à la Beac, dans laquelle son épouse occupe déjà un poste de secrétaire. Femonazui aurait dû saisir le conseil d’administration pour relayer ses préoccupations, mais il choisit de temporiser, conscient que certains membres du conseil, dont un représentant camerounais et actuel DG de la CAA, ont déjà activement participé à cette mascarade.

Plus de six mois s'écoulent avant que les résultats ne soient publiés, comprenant tous les candidats favorisés (famille et maîtresses de Tolli, fils et proches d’Evou, fils de Guédon, fille du dignitaire congolais, maîtresse de Sana Bangui, etc.). Cette révélation engendre une réaction virulente sur les réseaux sociaux tchadiens, accusant Tolli d'avoir « collectivisé » le contingent tchadien. Le bruit est tel que le président du Comité Ministériel, le centrafricain Ndoba, demande au gouverneur, avec le soutien de ses pairs, de suspendre le processus et d'effectuer un audit préalable. Cependant, Tolli, neveu influent, refuse d’obéir et s'entoure d'alliés. L'un d'eux, ancien juriste nommé Gako, lui suggère d'obtenir un jugement de la cour de justice de la CEMAC. Par une manipulation rapide, cette cour lui délivre un simple avis stipulant que le Comité Ministériel n'a pas le droit de s'immiscer dans la gestion courante de la Beac. Le faux juriste a réussi à préserver les intérêts de Sana Bangui et sera nommé conseiller spécial de ce dernier dès qu'il accède à la gouvernance de la Beac.

Malgré cet avis, les ministres continuent d’exiger que Tolli ne publie pas les résultats définitifs du concours. Tolli estime que le pouvoir du Comité Ministériel ne saurait entraver celui d'un neveu, et il publie les résultats définitifs, incluant tous les pistonnés contestés.

Les rebondissements de cette affaire prolongent le processus, entraînant un remaniement du gouvernement de la Beac. Avec l’aide de Chumo Mata, nouvelle directrice des ressources humaines, désireuse de marcher sur les traces de feu Boncanca, Tolli décide de convoquer les lauréats pour leur intégration dans les effectifs. Cependant, Chumo est placée sous l’autorité d’Otoumou Jean Clary, le nouveau DGE, qui a bien l'intention de suivre les directives des ministres en ordonnant un audit. Pendant près de 72 heures, la Beac est totalement bloquée, les directeurs opérationnels recevant des instructions contradictoires de Tolli et d'Otoumou. C'est ainsi qu’Otoumou sera confronté à la haie tenace de Sana Bangui, qui lui reprochera de ne pas avoir permis à sa maîtresse d'intégrer les effectifs des cadres supérieurs de la BEAC. Il lui fera payer ça par son éviction incompréhensible du gouvernement de la Beac.

Durant cette impasse, Tolli est remplacé par Sana Bangui, qui, en tant que neveu, souhaite faire aboutir le concours. Il accepte de faire réaliser un audit de celui-ci, en utilisant les mêmes méthodes que son prédécesseur. Deux cabinets, PWC et RSM, sont présélectionnés pour cet audit. Malgré les manigances de Goro, ancien chien de garde de Tolli devenu serviteur servile de Sana, la commission attribue le contrat à PWC. En réunion du gouvernement de la Beac, Sana, défiant les règles, rejette les conclusions de la commission, souhaitant influencer les résultats de RSM, un cabinet occupant la place de 6ème mondial, plutôt que de PWC, deuxième cabinet d’audit mondial, qui a le défaut de bien connaître la Beac. Sana parie que RSM se prêtera plus facilement à ses manœuvres car moins prestigieux que PWC et n’ayant jamais travaillé, auparavant, avec la Beac.

Au terme de son audit, RSM confirme les allégations de Femonazui : ce concours n'était qu'une mascarade. Au moment de la restitution des résultats, Sana BANGUI s'étant volontairement absenté, laisse présider la réunion de restitution à dzombala, qui espérait flatter le père très influent de l'une des lauréates. Dzombala demande alors au cabinet d’adoucir ses conclusions pour sauver le concours, mais RSM refuse catégoriquement. C’est à ce moment que le calcul de Sana BANGUI échoue. RSM, bien qu'étant le N°6 mondial, reste ferme et ne se compromettra pas dans de telles manœuvres. Dzombala appelle Sana BANGUI et lui propose d'accélérer l’intégration des lauréats en cachant les résultats de l’audit aux ministres. Ils souhaitent une fois de plus tirer parti des conseils de Gako, qui leur suggère de justifier leur décision illégale en raison des retombées financières possiblement néfastes sur la compensation des candidats, en cas de litiges judiciaires.

Sana BANGUI et Dzombala acceptent ce montage et prévoient de convoquer les lauréats. Malheureusement, des ministres apprennent cette manœuvre et avertissent Sana des implications illégales de son action prévue. Face à cette pression, Sana BANGUI est contraint de suspendre son plan et de transmettre le rapport d’audit au Comité Ministériel. Logiquement, celui-ci annule le concours et demande qu’un nouveau processus d'organisation soit entrepris dans de meilleures conditions. Ainsi, sa maîtresse et la fille du puissant congolais redouté par Dzombala attendront en vain.

Cette histoire, tragique pour la Beac, expose la corruption, la concussion et le népotisme qui caractérisent les gouvernances de Tolli et Sana. Elle a également entraîné des conséquences pour Otoumou, le seul responsable, qui a été mis à l’écart du gouvernement de Sana BANGUI. Femonazui a souffert d'un traitement préjudiciable, relégué au poste de conseiller de Nkoa Ayissi, Directeur national et ancien collaborateur à la Beac Cameroun, tandis que ses anciens collaborateurs, dont la compétence est largement reconnue, sont dispersés à travers les villes de la CEMAC sans raison valable.

Les ministres, en prenant cette décision, ont pris leurs responsabilités et ont sauvé la réputation de la Beac. Toutefois, les agents se demandent s'ils ne sont pas naïfs. Les agents de la Beac affirment qu'aucun changement ne surviendra tant que la gouvernance demeure soumise à des critères familiaux ou proches.

En fin de compte, ce ne sont pas les lauréats de ce concours injuste qui devraient porter plainte. Il peut s’avérer que certains des 66 personnes admises puissent avoir réussies ce concours, mais dans des conditions inacceptables. Mais, ce sont l’ensemble des citoyens de la CEMAC, des enfants de pauvres, qui ont été manipulés en participant à un concours où il leur avait été promis qu’ils auraient toutes leurs chances, qui doivent en réalité porter plainte et ils sont très nombreux. Ils doivent vraiment se faire entendre afin que les chefs d’États et leurs ministres répondent à cette question cruciale : qui sont les responsables de ce fiasco, et quelles seront les conséquences de leurs actes ?