Actualités of Friday, 12 December 2025

Source: www.camerounweb.com

Ferdinand Ngoh Ngoh, l'art de conquérir et de conserver la confiance de Paul Biya

Comment un diplomate discret est-il devenu l'homme le plus puissant du Cameroun après Paul Biya ? L'itinéraire de Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général de la présidence depuis 14 ans, offre un cas d'école de survie politique dans un régime où tant d'autres ont sombré. Selon les révélations de Jeune Afrique, son maintien en poste après l'entretien du 7 décembre avec le président Biya confirme une recette gagnante faite de loyauté, de discrétion et d'un soutien précieux : celui de la première dame Chantal Biya.




Dans un système où les prédécesseurs de Ngoh Ngoh – Titus Edzoa, Marafa Hamidou Yaya et Jean Marie Atangana Mebara – se sont "brûlé les ailes" selon l'expression de Jeune Afrique, le secret de sa survie réside dans plusieurs facteurs stratégiques. Originaire comme la première dame de Dimako, dans la région du Haut-Nyong, Ferdinand Ngoh Ngoh a su cultiver cette proximité géographique et ethnique sans jamais l'afficher ostensiblement.


Son prédécesseur, Martin Belinga Eboutou, a été "brutalement remercié après qu'il soit devenu 'Chantal incompatible'", révèle Jeune Afrique. Une leçon que Ngoh Ngoh a parfaitement intégrée : dans l'entourage présidentiel camerounais, la grâce de la première dame peut faire ou défaire une carrière. Le 7 décembre 2025, lorsque des "vents contraires soufflaient à Yaoundé", c'est précisément l'intervention de Chantal Biya qui a scellé le destin du secrétaire général.


Depuis sa nomination le 9 décembre 2011, Ferdinand Ngoh Ngoh a développé un profil qui contraste radicalement avec l'image habituelle du haut fonctionnaire africain. Selon les observateurs cités dans les médias camerounais, il arrive le premier au bureau et repart le dernier, parfois à des heures tardives. Même les weekends, on le voit au travail. "Très rare dehors", comme le décrivent ses collaborateurs, il a fait du travail et de la disponibilité totale au président ses marques de fabrique.


Cette assiduité s'accompagne d'une autre vertu cardinale : ne jamais afficher d'ambition personnelle. Jeune Afrique souligne que malgré sa position de "vice-président" de facto du Cameroun, Ngoh Ngoh "prend soin de n'afficher aucune ambition". Dans un pays où Paul Biya a éliminé tous ceux qui semblaient convoiter sa place, cette prudence est vitale. Le diplomate de formation a compris qu'au Cameroun, le pouvoir se gère dans l'ombre, jamais sous les projecteurs.


L'une des innovations de Ferdinand Ngoh Ngoh réside dans la systématisation de ce que Jeune Afrique et d'autres sources appellent le système des "très hautes instructions du chef de l'État". Détenteur d'une délégation permanente de signature présidentielle, le secrétaire général peut faire exécuter des mesures en invoquant l'autorité de Paul Biya sans que personne ne puisse vérifier leur authenticité, puisque nul autre que Chantal Biya n'a véritablement accès au président.


Ce mécanisme, révélé par plusieurs enquêtes, a transformé Ngoh Ngoh en véritable "régent du Cameroun", selon l'expression de certains analystes. À 92 ans, Paul Biya n'a plus toutes ses capacités physiques pour diriger le pays au quotidien. C'est donc le secrétaire général qui, par lettres circulaires, obtient des ministres et hauts fonctionnaires l'exécution des mesures. Un pouvoir immense qui suscite forcément des jalousies.


Jeune Afrique révèle que Ferdinand Ngoh Ngoh a "reçu des tonnes de coups tordus" durant ses 14 années à la présidence. Mais contrairement à d'autres qui auraient riposté violemment, il a adopté la méthode de Paul Biya : "tolérance, tolérance et tolérance". Cette capacité à "digérer les coups sans en rembourser" lui a permis de désarmer progressivement ses adversaires sans créer de martyrs.
Cependant, cette tolérance apparente ne signifie pas passivité. Les révélations de Jeune Afrique sur ses plans de remaniement montrent un homme qui, une fois sa position consolidée, compte régler ses comptes. Laurent Esso, René Emmanuel Sadi, Paul Atanga Nji : tous ces poids lourds qui lui ont "tenu tête" figurent désormais sur sa liste de départs souhaités. La patience, dans le système Ngoh Ngoh, n'est pas de la faiblesse mais une stratégie de long terme.


Malgré toute son habileté, Ferdinand Ngoh Ngoh n'est pas infaillible. Jeune Afrique rapporte qu'il a tenté à deux reprises, les 17 et 24 juillet 2024, de renverser Adolphe Moudiki, administrateur-directeur général de la Société nationale des hydrocarbures (SNH). Paul Biya avait même donné son accord avant de se raviser, probablement après avoir parlé "nuitamment pendant des heures" avec Moudiki, comme le révèle Jeune Afrique.


Le plus humiliant pour le secrétaire général ? Quand Moudiki a purement et simplement ignoré un décret présidentiel signé par Biya le 4 juillet 2025, visant à remplacer le doyen du conseil d'administration de la SNH. "Pour oser ainsi jeter un décret à la poubelle, Moudiki agit avec l'assentiment de Paul Biya", analyse une source de Jeune Afrique. Un camouflet majeur qui montre que même Ngoh Ngoh a ses limites.
Les leçons d'une carrière exceptionnelle
L'itinéraire de Ferdinand Ngoh Ngoh offre plusieurs enseignements sur la nature du pouvoir au Cameroun et, plus largement, dans les régimes personnalisés africains. Premier enseignement : la loyauté prime sur la compétence. Deuxième enseignement : le soutien de l'entourage familial du chef (en l'occurrence la première dame) est déterminant. Troisième enseignement : afficher l'humilité et la discrétion tout en exerçant un pouvoir réel dans l'ombre est la stratégie gagnante.

Quatrième enseignement, révélé par les enquêtes de Jeune Afrique : même le plus puissant des collaborateurs doit respecter certaines lignes rouges. L'échec de Ngoh Ngoh face à Moudiki dans le secteur pétrolier montre que Paul Biya, malgré son grand âge, conserve des zones de pouvoir intouchables et des fidèles auxquels personne ne peut s'attaquer.


Alors que le Cameroun attend un remaniement ministériel qui pourrait redessiner la carte du pouvoir, Ferdinand Ngoh Ngoh apparaît plus fort que jamais. Mais les révélations de Jeune Afrique montrent aussi qu'il n'est pas omnipotent. Dans un système où tout dépend de la volonté d'un homme de 92 ans et de l'influence de son épouse, chaque jour peut apporter son lot de surprises. Pour l'instant, le "vice-président" camerounais a su, mieux que quiconque, maîtriser l'art périlleux de servir sans effrayer, de diriger sans gouverner officiellement.