Actualités of Tuesday, 9 December 2025

Source: www.camerounweb.com

EXCLUSIF : 94 postes de contrôle entre Douala et Kousseri - Le système de racket routier qui asphyxie l'économie camerounaise

Selon une révélation exclusive de Jeune Afrique, près de 94 postes de contrôle jalonnent l'axe stratégique reliant Douala à Kousseri, transformant cette route vitale pour l'économie régionale en véritable parcours du combattant pour les 35 000 camions qui l'empruntent. Chaque chauffeur y laisse entre 1 000 et 20 000 FCFA par contrôle, alimentant un système parallèle de collecte de ressources dont les autorités camerounaises ne parviennent plus à se départir. Cette situation explosive a déclenché début décembre une grève des transporteurs qui paralyse le corridor Douala-N'Djamena, vital pour le Cameroun, le Tchad et la Centrafrique. Enquête sur un racket institutionnalisé qui menace l'économie de toute une région.


Les chiffres sont accablants. Selon des observateurs indépendants cités par Jeune Afrique, pas moins de 94 postes de contrôle parsèment le trajet entre Douala, principale ville portuaire du Cameroun, et Kousseri, dernière localité avant la frontière tchadienne. Une densité de contrôles qui transforme chaque voyage en cauchemar pour les transporteurs routiers.


Jeune Afrique révèle que ce dispositif a donné naissance à un véritable système de racket institutionnalisé. "À chaque contrôle, chaque chauffeur laisse entre 1 000 et 2 000 FCFA, qui ne correspondent à aucune taxe", confie à Jeune Afrique un conducteur sous couvert d'anonymat. Les montants peuvent grimper de façon vertigineuse : "S'il ne dispose pas de ses papiers au complet, ce montant peut aller jusqu'à 10 000, voire 20 000 FCFA."

Ces sommes, multipliées par le nombre de contrôles et par les 35 000 camions qui empruntent régulièrement cet axe, représentent des dizaines de millions de FCFA qui s'évaporent quotidiennement dans les poches de policiers et gendarmes peu scrupuleux.



Le syndicat des transporteurs, cité par Jeune Afrique, dénonce un système bien rodé : les 35 000 camions qui approvisionnent le nord du Cameroun, le Tchad et la Centrafrique voisins alimentent "un système de collecte de ressources parallèle, dont les responsables camerounais n'arrivent plus à se départir".
Cette économie souterraine pèse lourdement sur la compétitivité de l'axe Douala-N'Djamena, corridor essentiel pour les pays enclavés de la région. Les surcoûts engendrés par ces prélèvements illégaux se répercutent inévitablement sur le prix des marchandises, fragilisant l'économie de toute la sous-région.


Selon les informations de Jeune Afrique, le ministère camerounais des Transports s'était engagé en novembre à alléger la pression sur les transporteurs. "Une baisse des difficultés a bel et bien été observée, mais celle-ci n'a été que de courte durée, et le système a repris de plus belle ces dernières semaines", rapporte le média panafricain.


Les chauffeurs ne cachent pas leur amertume. "C'était une entourloupe, ils n'ont jamais eu l'intention de prendre des mesures en notre faveur", confie l'un d'eux à Jeune Afrique. Cette désillusion explique en grande partie la détermination des grévistes qui ont paralysé l'axe début décembre.

Jeune Afrique révèle également l'existence de dissensions au sein même de l'exécutif camerounais. Dans une note datée du 13 novembre, le ministre des Transports Jean Ernest Massena Ngalle Bibehe appelait le secrétaire d'État à la gendarmerie, Galax Yves Landry Etoga, à "renforcer la synergie d'actions gouvernementales" sur ce dossier explosif.
Cet appel à la coordination témoigne des difficultés du pouvoir à maîtriser un système qui échappe désormais à tout contrôle. Les forces de sécurité semblent avoir développé une autonomie financière qui leur permet de résister aux injonctions de l'autorité politique.

L'enjeu dépasse largement les frontières camerounaises. Le Tchad et la Centrafrique, pays enclavés, dépendent vitalement de cet axe pour leur approvisionnement. Toute perturbation prolongée de ce corridor menace leur stabilité économique et sociale.

Selon Jeune Afrique, le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra suit la situation "avec attention", tout en faisant confiance aux autorités camerounaises pour trouver des solutions. Mais cette confiance pourrait s'éroder si la crise perdure.

La grève des camionneurs a mis en lumière un dysfonctionnement systémique que les autorités camerounaises ne peuvent plus ignorer. Le démantèlement de ce réseau de racket routier est devenu une urgence économique et politique.
Mais la tâche s'annonce ardue. Comment réformer un système qui profite à des milliers de policiers et gendarmes ? Comment rétablir l'autorité de l'État sur des forces de sécurité devenues financièrement autonomes ? Ce sont les défis auxquels le pouvoir camerounais doit désormais faire face.

L'annonce de la fermeture de deux postes de contrôle dans le département du Mbéré, révélée par Jeune Afrique, apparaît dérisoire face à l'ampleur du problème. Les 92 autres postes continuent de fonctionner, perpétuant un système qui asphyxie l'économie camerounaise et régionale.

La reprise de la circulation sur l'axe Ngaoundéré-Meiganga après l'intervention de l'armée ne règle rien sur le fond. Tant que le système de racket perdure, la colère des transporteurs couvera, prête à ressurgir à tout moment.