Actualités of Friday, 5 December 2025
Source: www.camerounweb.com
L'ignorance peut tuer. La toile est en émoi, l'épouse de l'artiste ivoirien Ariel Sheney vient de perdre son combat contre cette saleté qu'on nomme cancer. Comme il est de coutume lorsque quelqu'un de populaire décède, Facebook passe ses productions en boucle.
Hier soir, avant de me coucher, je suis tombé par sérendipité sur son interview avec son mari. Ce qui m'a choqué, c'est de constaté à quel point certaines personnes jouent avec leur santé. Je ne sais pas si c'est de l'ignorance ou de la désinvolture. Elle dit qu'elle avait senti une boule dans son sein et immédiatement a alerté son mari qui l'a rassurée que ce n'est rien, c'est sûrement les hormones et que ça va passer.
Elle n'est pas allée faire les examens malgré les conseils de son médecin. Il a fallu qu'elle ressente des douleurs plus tard dans sa cuisse pour aller se faire consulter et découvrir qu'elle était atteinte d'un cancer. Son histoire me rappelle celle de mon épouse qui a succombé à la même maladie il y a de cela 10 ans. Une nuit, lors de nos moments intimes, j'ai remarqué la présence d'une boule dans son sein gauche. J'ai sursauté et lui disant qu'il y a quelque chose d'anormal dans son sein.
Elle m'a répondu que ce n'est rien, c'est le lait maternel coagulé dû au récent sevrage de notre fils, sa mère lui a dit d'y appliquer le menthol tous les soirs avant de se coucher. Son regard impassible était la preuve qu'elle n'était pas surprise par ma découverte. La boule était présente depuis un moment déjà.
J'ai rétorqué en disant que ça peut être un cancer. C'est ce qu'il ne fallait pas dire. Ce jour, elle m'a traité de tous les noms d'oiseau. Elle m'a dit comment je n'ai que des pensées diaboliques, que je veux qu'elle meure afin que j'épouse ma sœur camerounaise (elle était Nigériane).
Je me suis tu et c'est l'erreur que j'avais commise. Jusqu'aujourd'hui, je me demande pourquoi je n'avais pas insisté et l'obliger à aller faire des examens. J'aurais mis cela sur le compte de l'ignorance et l'obliger coûte que vaille à aller faire une biopsie.
Un an plus tard, lorsqu'elle presse son téton, le sang coule. Directement elle va voir le médecin qui l'oriente vers l'hôpital. Après les examens, la mauvaise nouvelle est tombée : cancer du sein de stade 3 avec les ganglions touchés. Une tâche sur le poumon qu'on n'arrive pas à identifier.
Ce jour-là, je ne suis pas allé au travail, car je voulais absolument l'accompagner. Elle s'est mise à pleurer en me disant qu'elle va mourir bientôt. J'ai poussé un cri à l'hôpital comme si le monde venait de nous tomber sur la tête. Après le traitement (chimiothérapie et radiothérapie), elle s'est remise (s'agissant du cancer, on parle de rémission et non de guérison) au bout d'une année et deux ans plus tard, son cancer s'est généralisé.
Quelques jours avant sa mort, ne sachant pas qu'elle venait d'être transférée en soins palliatifs, j'ai crié sur elle en lui disant que si elle m'avait écouté cette nuit de 2012, elle ne serait pas là où elle est. Elle m'a répondu : « Si tu savais ce qui se passe ici actuellement, tu ne parlerais pas comme ça ». Je suis allé la voir, lorsque j'ai donné son nom à l'accueil de l'hôpital, on m'a orienté vers le pavillon où chacun attend son jour. J'ai compris que la messe était dite. Elle est partie en me laissant avec nos enfants de 4 et 8 ans. C'était en juillet 2015.
Le rôle d'un(e) conjoint(e) n'est pas seulement de rassurer quand l'autre est inquiet. L'amour, ce ne sont pas seulement les mots doux, l'amour c'est aussi pouvoir dire les vérités à l'autre, peu importe la réaction attendue. Quitte même à perdre cette personne. Nadiya et Toyin (mon épouse) seraient peut-être encore en vie si la prise en charge avait été faite au début de la maladie.
Thierry Pat