Actualités of Saturday, 22 November 2025

Source: www.camerounweb.com

Cameroun-France: les termes d'un accord de coopération suscite indignation

Après la décolonisation, la plupart des colonies françaises ont signé des accords de coopération avec leurs anciens maîtres. Ces accords qui sont une autre forme de dépendance ont été rompues par plusieurs dirigeants africains. Paul Biya, d'après certains activistes camerounais, avait rompu ce contrat scandaleux. Mais c'est faux.

La vérité récemment découverte est que l'accord qui lie le pays d'Ahidjo et celui de Mitterrand n'a jamais été rompu par Paul Biya.

Une plongée dans les coulisses d'un accord de défense qui façonne la coopération entre Paris et Yaoundé depuis plus d'une décennie.

Un document longtemps dans l'ombre

Obtenu par nos soins, un ensemble de documents officiels – incluant le projet de loi, l'accord-cadre et son décret de publication – lève le voile sur les détails concrets du partenariat de défense liant la France et le Cameroun. Signé en 2009 mais entré en vigueur seulement en 2012, cet accord jette les bases juridiques d'une collaboration militaire étroite, allant de la formation des armées au soutien logistique crucial pour les opérations françaises en Afrique centrale.
Voici ce que révèle l'analyse de ces textes.

Chapitre 1 : Les Fondements et les Objectifs d'une Alliance

Un partenariat ancré dans l'histoire et la stratégie

L'accord ne naît pas dans un vide politique. Son préambule invoque les "liens d'amitié anciens et profonds" unissant les deux pays. Plus concrètement, il s'inscrit dans la stratégie de l'Union européenne visant à construire une "paix et une sécurité durables en Afrique", telle que définie lors du sommet de Lisbonne de 2007.
L'objectif principal est clair : "concourir à une paix et une sécurité durables" sur le territoire des deux pays et "dans leur environnement régional respectif". En clair, il s'agit de stabiliser la région, et en particulier l'Afrique centrale, une zone d'intérêt stratégique pour la France.

Une ouverture régionale et européenne

L'accord prévoit explicitement la possibilité d'associer d'autres acteurs. Les contingents d'autres pays africains ou d'organisations régionales (comme la CEEAC ou la CEMAC) peuvent être intégrés à des activités communes. Mieux encore, l'Union européenne et ses États membres peuvent être "invités" à se joindre aux projets, via des accords spécifiques. Cela démontre une volonté de multilatéraliser la coopération de défense, au-delà du cadre strictement bilatéral.

Chapitre 2 : Les Domaines Concrets de la Coopération

L'article 4 de l'accord détaille le cœur opérationnel du partenariat. Les deux pays s'engagent à collaborer dans plusieurs domaines clés :

1. Le renseignement : "Échanges de vues et d'informations relatifs aux risques et menaces à la sécurité nationale et régionale".

2. L'entraînement et l'équipement : Organisation, équipement et entraînement des forces, incluant des exercices conjoints et un soutien logistique.

3. La logistique et les escales : Organisation de "transits, de stationnements temporaires, d'escales aériennes et maritimes". C'est un point crucial pour la projection de force française dans la région.

4. La formation : Les militaires camerounais peuvent être formés dans les écoles militaires françaises. Des "coopérants militaires techniques" français peuvent être envoyés au Cameroun.

5. La flexibilité : Toute autre activité décidée d'un commun accord est possible, laissant la porte ouverte à une coopération évolutive.

Chapitre 3 : Le Statut des Militaires Français au Cameroun

C'est souvent le point le plus sensible des accords de défense. Ici, le texte est très détaillé.

· Entrée et séjour : Les militaires français et leurs familles bénéficient de facilités pour obtenir visas et titres de séjour, gratuitement et "dans les meilleurs délais". Ils peuvent importer leurs effets personnels et un véhicule en franchise de droits de douane.

· Port d'armes : Les militaires français sont autorisés à porter et utiliser leurs armes de dotation "dans le strict cadre du service" et en conformité avec la loi camerounaise.

· Justice et discipline : C'est le point le plus complexe. En cas d'infraction :
· Les autorités camerounaises sont compétentes en priorité.
· Cependant, la France a la priorité juridictionnelle si l'infraction concerne la sécurité française, un autre militaire français, ou des biens français, ou si elle a été commise "dans l'exercice des fonctions officielles".
· Les deux pays s'engagent à une entraide judiciaire et à se remettre les militaires accusés. Fait notable : les Parties s'engagent à ce que la peine de mort "ne soit ni requise ni prononcée" contre un membre du personnel de l'autre Partie.

· Santé : Les militaires français et leurs familles sont soignés gratuitement dans les hôpitaux militaires camerounais, au même titre que les militaires locaux.

Chapitre 4 : La Clé de Voûte Logistique : L'Annexe Secrète

L'accord est accompagné d'une annexe, présentée comme faisant "partie intégrante" du texte. Elle est consacrée aux "facilités opérationnelles nécessaires aux opérations de transit et d'achats réalisées au Cameroun au profit des forces françaises".

· La "Mission Logistique" : Une cellule permanente de 15 personnes maximum, installée dans l'enceinte de l'Ambassade de France à Yaoundé, est créée. Ses locaux, archives et moyens de communication sont déclarés "inviolables".
· Ses missions : Cette petite équipe a un rôle immense :

· Organiser tous les transits (aériens, maritimes, terrestres) du matériel et du personnel militaire français via le Cameroun. Elle gère les formalités douanières, le stockage, la sécurité et même l'hébergement.
· Procéder à des achats directs de denrées et de matériels pour les forces françaises.

· Avantages fiscaux : Ces achats et transits bénéficient d'exonérations de taxes, sauf pour les péages et services rendus.

· Installations : Le Cameroun met "gracieusement" à disposition de cette mission les installations nécessaires, en mentionnant spécifiquement la "Base Aérienne 201". La France peut les aménager avec l'accord du Cameroun.

Cette annexe confirme le rôle du Cameroun comme une plateforme logistique essentielle pour le soutien des opérations militaires françaises dans la région.

Chapitre 5 : Gestion des Crises et Avenir du Partenariat

· Dommages : En cas de dommages causés à des tiers par les forces françaises, le Cameroun se substitue à la France dans les procédures. Les deux pays prennent ensuite en charge les indemnités, selon la responsabilité établie.
· Différends : Tout litige sur l'accord doit être réglé par des consultations au sein d'un "comité de suivi" ou par des négociations diplomatiques.
· Durée et dénonciation : L'accord est conclu pour 5 ans et se renouvelle tacitement. Chaque pays peut le dénoncer avec un préavis de 6 mois.

Un Partenariat Stratégique et Pérenne
L'analyse de ces documents montre un accord de défense complet, sophistiqué et équilibré. Il offre à la France une base arrière logistique et un partenaire solide en Afrique centrale, avec un cadre juridique clair protégeant ses militaires.

Pour le Cameroun, il assure un accès privilégié à la formation, à l'expertise et potentiellement au matériel militaire français, renforçant ainsi ses capacités de défense et son statut régional.

Au-delà des mots sur l'amitié et la paix, cet accord est le reflet d'intérêts stratégiques convergents. Il institutionnalise une relation de défense qui, bien que moins médiatisée que d'autres, reste un pilier de la présence militaire française en Afrique. Sa nature renouvelable tacitement en fait un instrument de long terme, qui continue, sans doute encore aujourd'hui, de structurer en profondeur la coopération entre Paris et Yaoundé.