Actualités of Monday, 13 October 2025

Source: www.camerounweb.com

Arrestation du nouveau Président du Cameroun Issa Tchiroma: l'heure est très grave, Paul Atanga Nji met le pays à feu et à sang

Après un scrutin présidentiel tendu, le ministre de l'Administration territoriale a durci le ton dimanche lors d'une allocution sur la CRTV. Il menace de poursuites "sans la moindre complaisance" les candidats publiant des résultats via des "plateformes illégales", une mise en garde frontale contre l'opposition qui revendique déjà la victoire.


Le pouvoir passe à l'offensive. Dans une déclaration diffusée en direct sur la CRTV, la télévision nationale, ce dimanche 13 octobre, Paul Atanga Nji, ministre de l'Administration territoriale (MINAT), a haussé le ton face aux revendications de victoire de l'opposition. Son message est sans équivoque : toute publication de résultats en dehors des canaux officiels sera considérée comme une "activité criminelle".

"Jusqu'à hier soir, des autorités administratives ont présenté au MINAT des indices concordants faisant état de tentatives, par certains candidats, de publier les résultats de l'élection présidentielle en utilisant des plateformes et des applications illégales qui ne sont pas prévues par la réglementation en vigueur", a déclaré le ministre, connu pour son discours martial.
Paul Atanga Nji n'y va pas par quatre chemins : "Je profite de l'occasion pour réitérer ma mise en garde à l'endroit des candidats qui seraient tentés par cette activité criminelle, d'y mettre un terme avant qu'il ne soit trop tard. Car c'est la ligne rouge à ne pas franchir."

Cette sortie intervient quelques heures après la publication par "l'Union Pour le Changement 2025" d'une déclaration proclamant la victoire d'Issa Tchiroma Bakary avec des scores oscillant entre 60 et 80% dans plusieurs bureaux de vote. Le timing ne laisse aucun doute sur la cible de ces menaces.

Le ministre est allé plus loin en annonçant une riposte ferme du pouvoir. "L'administration passera à l'offensive pour mettre un terme à ce processus qui consiste à fabriquer de faux résultats des élections. Les contrevenants, quel que soit leur statut politique ou leur rang social, feront face à la rigueur de la loi, sans la moindre complaisance", a-t-il martelé.

Cette formulation est particulièrement lourde de sens. En évoquant "quel que soit leur statut politique", Atanga Nji vise explicitement les leaders de l'opposition, y compris Issa Tchiroma Bakary lui-même, ancien ministre et figure de proue de la contestation. La mention du "rang social" élargit potentiellement les poursuites aux personnalités influentes, avocats, activistes et membres de la société civile qui relaient ces résultats.

L'accusation de "fabriquer de faux résultats" est une attaque directe contre la crédibilité de l'opposition. En utilisant ce vocabulaire, le pouvoir tente de disqualifier par avance toute contestation des résultats officiels qui seront publiés par Elections Cameroon (Elecam).

"Cette déclaration est une tentative d'intimidation pure et simple", réagit sous anonymat un membre de l'équipe de campagne de Tchiroma Bakary. "Nous ne publions pas de faux résultats. Nous relayons les procès-verbaux authentiques que nous recevons de nos représentants dans les bureaux de vote. C'est notre droit."
La référence aux "plateformes et applications illégales" vise manifestement les réseaux sociaux et les applications de messagerie comme WhatsApp, utilisés massivement par l'opposition pour diffuser des photos de procès-verbaux et des décomptes de voix.

Cette offensive verbale rappelle les méthodes employées par le pouvoir camerounais lors de précédentes crises. En 2018, après la dernière présidentielle, plusieurs opposants avaient été arrêtés pour "atteinte à la sûreté de l'État" après avoir contesté les résultats.

Plus récemment, en 2020, lors des élections régionales, le pouvoir avait déjà menacé de poursuites les candidats publiant des résultats parallèles. Plusieurs activistes avaient alors été brièvement détenus.

"Quand Atanga Nji parle de 'rigueur de la loi sans complaisance', il faut le prendre au sérieux", prévient un avocat spécialisé dans les droits humains. "Cela peut signifier des arrestations, des poursuites judiciaires, voire pire. Le ministre n'a jamais caché sa détermination à mater toute contestation."

Le choix de la CRTV pour cette déclaration n'est pas anodin. La chaîne publique, entièrement contrôlée par le pouvoir, sert traditionnellement de caisse de résonance aux messages du régime. En s'exprimant en direct, Paul Atanga Nji s'assure d'une large diffusion auprès de la population camerounaise.
Cette prise de parole intervient alors qu'Elecam n'a toujours pas publié le moindre résultat officiel. Le patron de l'organisme électoral, Erik Essousse, devait s'exprimer dimanche mais son intervention a été une nouvelle fois reportée. Ce silence officiel contraste avec le flot de déclarations et de résultats partiels qui inondent les réseaux sociaux.

Les menaces d'Atanga Nji placent l'opposition dans une situation délicate. D'un côté, elle doit maintenir la pression en revendiquant sa victoire pour éviter que le pouvoir n'impose son propre narratif. De l'autre, elle s'expose à des poursuites judiciaires qui pourraient décapiter sa direction au moment le plus critique.

"Nous ne nous laisserons pas intimider", a réagi Alice Nkom, avocate et activiste proche de Tchiroma Bakary. "Si le pouvoir a peur de nos chiffres, c'est parce qu'ils reflètent la réalité du terrain. Qu'Elecam publie les vrais résultats et nous verrons bien qui ment."
Cabral Libii, autre candidat de l'opposition, a dénoncé sur les réseaux sociaux une "tentative de museler la vérité". Joshua Osih a évoqué un "climat de terreur" instauré par le pouvoir pour "voler la victoire du peuple".
Vers une escalade ?
Cette sortie musclée d'Atanga Nji intervient dans un contexte déjà explosif. À Garoua, des affrontements ont éclaté samedi entre forces de l'ordre et partisans de Tchiroma Bakary. L'opposant demeure sous étroite surveillance dans sa résidence, tandis que ses supporters refusent de se disperser.
Les menaces du ministre pourraient avoir l'effet inverse de celui escompté. Au lieu d'intimider l'opposition, elles pourraient la radicaliser et renforcer la mobilisation populaire. "Si le pouvoir arrête nos leaders pour avoir dit la vérité, le peuple descendra dans la rue", prévient un militant de l'Union Pour le Changement 2025 à Douala.

La communauté internationale suit avec inquiétude cette escalade verbale. "Les menaces de poursuites contre des candidats qui exercent leur droit de contester des résultats sont préoccupantes", a déclaré sous anonymat un diplomate occidental. "Cela crée un climat de peur qui n'est pas compatible avec un processus électoral libre et transparent."

Plusieurs organisations de défense des droits humains ont appelé le gouvernement camerounais à "garantir la liberté d'expression" et à "s'abstenir de toute intimidation" envers les acteurs politiques.

L'Union africaine, qui a déployé une mission d'observation électorale au Cameroun, n'a pas encore réagi officiellement. Mais en coulisses, les observateurs expriment leur malaise face à cette confrontation frontale entre le pouvoir et l'opposition.

Avec cette déclaration, Paul Atanga Nji a jeté un pavé dans la mare. Le ministre, réputé pour être l'un des hommes forts du régime, a clairement signifié que le pouvoir ne tolérera aucune contestation des résultats officiels à venir.
Mais en brandissant la menace de poursuites, il a aussi révélé la nervosité du régime face à une opposition plus déterminée et mieux organisée que par le passé. La bataille pour le contrôle du narratif post-électoral est engagée, et elle s'annonce féroce.

Les prochaines heures seront décisives. Si Elecam publie des résultats favorables à Paul Biya tandis que l'opposition maintient ses revendications de victoire, le Cameroun pourrait basculer dans une crise post-électorale majeure. Les menaces d'Atanga Nji auront-elles l'effet dissuasif escompté, ou serviront-elles au contraire de détonateur à une mobilisation plus large ?

Le compte à rebours est lancé. Et le ministre de l'Administration territoriale a clairement choisi son camp : celui de la fermeté, quitte à précipiter le pays dans la confrontation.