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Actualités of Tuesday, 3 July 2018

Source: cameroonvoice.com

Ambazonie: regain de tensions, comprendre l’échec de la médiation française

La crise anglophone dure et continue de faire des victimes. La crise anglophone dure et continue de faire des victimes.

Quelque cinq bonnes heures de fusillade entre les séparatistes et les militaires camerounais ont émaillé la visite en "Ambazonie" (nom que les sécessionnistes donnent à leur Etat en projet- du membre du gouvernement français qui se rendait à Buea dans le cadre de la deuxième étape de sa visite de 48 heures au Cameroun, et une ambiance sécuritaire hautement précaire a prévalu tout ce temps au point où il a fallu un méga déploiement des forces de défense et de sécurité, pour que l'envoyé d'Emmanuel Macron au Cameroun ne fasse pas l'objet d'une mésaventure.

Bien plus, aussi bien pendant le séjour au Cameroun du Secrétaire d'Etat français Jean Baptiste Lemoyne qu'après, les armes ont parlé plus fort que jamais dans les régions anglophones où les forces gouvernementales et les groupes armés séparatistes se sont littéralement neutralisés, faisant une fois de plus de nombreux morts et blessés, ainsi que des destructions de biens estimés à des milliards de francs.

Les protagonistes de la guerre civile (qualifiée de moyenne intensité) qui sévit au Cameroun sous la dénomination très apaisée de "crise anglophone" ne pouvaient pas faire mieux pour démontrer à l'émissaire de la France que sa venue au pays de Paul Biya n'avait aucune espèce d'impact sur la folie meurtrière qui s'est emparé des uns et des autres.

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Emissaire de Emmanuel Macron auprès de son homologue camerounais, le Secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères français a été reçu jeudi par le président Paul Biya à qui il a porté la parole du chef de l'ancienne puissance coloniale, désormais désireux de s'intéresser à la tragédie qui se noue et se dénoue dans la partie anglophone du Cameroun depuis fin 2016, si l'on s'en tient à la déclaration du porte-parole du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères lors d'une conférence de presse à Paris le 14 juin 2018 : « Nous observons avec attention la situation au Cameroun, pays ami et partenaire, et sommes préoccupés par les tensions persistantes dans les régions anglophones. Nous réitérons notre appel à l'arrêt des violences et appelons l'ensemble des acteurs à la retenue. Comme nous l'avons déjà indiqué, nous sommes convaincus que seul le dialogue permettra de répondre, de manière pacifique et concertée, aux préoccupations de toutes les parties, dans le respect de l'unité et de l'intégrité du pays. C'est un message que nous passons aux autorités camerounaises et nous sommes prêts, en concertation avec nos partenaires internationaux, à soutenir tous les efforts qui pourront être menés en ce sens».

A en croire,

La France qui a toujours observé à distance respectable l'impasse sans précédent dans laquelle se trouve tout le Cameroun du fait de cette crise qui a complètement mis à mal l'unité du pays et son vivre ensemble, s'était jusque là contentée d'élever la voix de façon bien mièvre, visiblement à dessein d'être carrément inaudible, pour appeler les parties à privilégier le dialogue et le respect des lois. Les consignes visant à aviser ses ressortissants au Cameroun du danger mortel de leurs éventuels déplacements dans les zones affectées par la crise se faisaient quant à elles avec plus de résonnance par les bons soins du chef de la mission diplomatique hexagonale à Yaoundé, qui n'a plus de cesse de leur rappeler invariablement que «La situation sécuritaire dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest s'est dégradée depuis la fin de l'année 2017. Plusieurs enlèvements d'officiels et de civils ont eu lieu. Des étrangers présents dans ces régions ont également été ciblés».

Cette attitude toute de tartuferie, ajoutée à certains signes qui ne trompent pas, a amené les séparatistes anglophones et de nombreux observateurs à accuser l'Hexagone d'inciter en sous main le gouvernement camerounais, voire de le soutenir dans l'exercice d'une impitoyable et implacable répression sur les anglophones, qu'ils soient pro-séparatistes ou non.

Mais face à l'implication de plus en plus accrue des Etats-Unis qui ne font plus mystère de leur volonté de damer le pion à la France sur le terrain diplomatique et géostratégique, à travers des reproches parfois émis ouvertement contre le régime en place au Cameroun au sujet de l'option inappropriée de la seule répression par les armes du soulèvement anglophone, la France n'avait pas d'autre choix que celui de donner l'impression de prendre au sérieux ce qui se passe au Cameroun.

Malheureusement, le calendrier de l'émissaire de Macron révélé par le Quai d'Orsay a semblé une insulte, non seulement pour les anglophones qui s'attendaient à l'annonce d'une véritable médiation de cette France qui est à l'origine de ce qu'ils appellent leur « phagocytage par l'ancien Cameroun Français », mais aussi pour de nombreux observateurs qui ont de la peine à saisir la lisibilité de cette visite qui avait plutôt tout l'air d'une inspection de la colonie faisant fi du contexte trouble et troublant dans laquelle elle se trouve :
- audience avec le chef de l'Etat ;
- évocation de la situation dans les régions anglophones ;
- passage en revue des enjeux de sécurité régionale (la lutte contre Boko Haram et situation en République centrafricaine) ;
- tour d'horizon des relations économiques et de coopération entre la France et le Cameroun ;
- visite du musée national du Cameroun dans le cadre d'un projet de coopération culturelle ;
- rencontre à l'institut français de Yaoundé avec des étudiants et des jeunes créateurs d'entreprises ;
- entretien avec des Français établis au Cameroun ;
- Rencontre dans la région anglophone séparatiste du Sud-ouest des autorités locales et des représentants de la société civile et visite de l'institut africain d'études mathématiques…
Et, enfin, rencontre à Douala des représentants de la communauté d'affaires française.

Rien donc au final qui montrait, ne serait-ce que pour feindre, que la diplomatie française faisait aussi cas des préoccupations des partisans de la partition du Cameroun dont, quoique l'on en dise sont partie intégrante du problème que toutes les bonnes volontés veulent ou essaient de résoudre. Déduction, la France ferait chorus avec le gouvernement qui a toujours fait savoir qu'il ne négocie pas avec ceux qui ont pris les armes, alors que c'est justement avec eux qu'il faut négocier l'abandon de l'option armée.

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Voilà qui explique sans doute l'accueil mouvementé que les deux camps ont réservé vendredi à l'émissaire français, en ramenant au centre de Buea (principale ville de la région), notamment les quartiers Muea, Mile 16 et Mile 18 les combats qui étaient menés jusqu'ici à la périphérie ou dans les villes limitrophes de Kumba et Muyuka. cette situation qui a continué de prévaloir le lendemain samedi, puis le surlendemain, dimanche, aura eu pour résultats, outre les morts enregistrés dont nous n'avons pas encore les chiffres exacts, la destruction d'un commissariat de police et d'une essencerie (la station service Bokom appartenant à un milliardaire francophone, militant du parti au pouvoir au Cameroun, le Rdpc).