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Players Abroad of Monday, 4 April 2016

Source: camfoot.com

Ibrahim Amadou, la montée en puissance d’une force tranquille

L'international camerounais, Ibrahim Amadou L'international camerounais, Ibrahim Amadou

Arrivé l’été dernier de Nancy, le jeune Ibrahim Amadou s’est enfin imposé dans l’entre-jeu lillois.

Né au Cameroun, Ibrahim découvre la France à l’âge de 4 ans. Il vit à Colombes, au nord-ouest de Paris, où il découvre ses premiers clubs, assez tardivement.

S’il a toujours aimé pratiquer le football “comme loisir, avec des potes”, ce n’est qu’à 10 ans qu’il fait ses débuts footballistiques avec l’AS Cheminots de l’Ouest, club de quartier, puis rejoint l’historique Racing Club de France Colombes 92, qui compte un championnat de D1 et 5 Coupes de France.

Sa fiche

Nom : Amadou
Prénom : Ibrahim
Club : Lille OSC
Date de naissance : 6 avril 1993 (22 ans)
Lieu de naissance : Douala (Cameroun)
Nationalité : Camerounaise / Française
Sélections : France U19 (2 matchs)
Poste : Milieu défensif / Défenseur central / Latéral droit
Numéro : 6

Sa jeunesse

Il y reste 4 ans, y côtoyant notamment Giannelli Imbula, avant de rejoindre en 2008 le centre de formation de l’AS Nancy-Lorraine, alors dans le Top 5 de l’élite française. Malgré l’objectif avoué de devenir professionnel, celui qui envisageait de travailler dans le milieu du commerce poursuit tranquillement et sûrement sa formation pendant 3 ans, tentant de ne pas griller les étapes malgré l’ambitieuse pression qu’il se fixe.

Faisant une brève apparition avec la réserve en décembre 2010, il enchaîne 3 matchs victorieux dont deux titularisations en CFA et signe dans la foulée un contrat stagiaire de deux ans. Jouant principalement en U19, il prend progressivement ses marques en équipe réserve, notamment entre mars et avril 2012, où s’étalent 5 de ses 7 titularisations.

Pleinement intégré à la “B” en 2012-2013, il fait même ses premiers pas dans le groupe professionnel. Discret, “Merca”, surnom dérivé de “Camer” faisant référence à ses origines, n’en devient pas moins un combattant sur les terrain, jouant avec son physique lors des phases de récupération, mais aussi avec une technique supérieure à la moyenne de son poste, alors celui de défenseur central, qui lui permet donc d’être un bon joueur de relance.

Après deux apparitions sur le banc de Marcel-Picot en août et janvier, il devient un habitué des remplaçants de Nancy en Ligue 1 à partir de mars, apparaissant 9 fois sur la feuille de match lors des 11 dernières journées.

Il vit même ses premiers instants en Ligue 1, lors de la dernière journée au stade Francis-Le Blé de Brest : “Le coach m’(a) fait entrer pour les dernières secondes. Vu qu’on était assurés de descendre, il avait voulu me faire goûter à l’élite”.

Une minute de temps de jeu qui vient s’ajouter à deux titularisations en Coupe de France, face à Vénissieux en 8èmes de finale et Troyes en quarts pour sa dernière année en tant que stagiaire. Il signe ainsi pendant l’été 2013 son premier contrat professionnel, pour une durée de 3 ans.

Sa carrière professionnelle

Entrant en jeu dès la première journée de Ligue 2 face à Auxerre, il se voit confirmé en tant que 3ème dans la hiérarchie des défenseurs centraux, derrière François Bellugou et Joel Sami.

Il dégage une sérénité naturelle sur le terrain, qu’il met sur le compte d’une “pression positive”, expliquant : “La saison dernière, c’était plus délicat. Je n’étais pas pro et je ne savais même pas si l’ASNL allait me proposer un contrat.

Le fait d’avoir signé professionnel pour trois ans à changé pas mal de choses. Il y a toujours la pression, mais elle n’est plus négative”, mais qui semble également provenir de la manière dont il voit le football, en relation avec la façon dont il a commencé avec ses amis : “Que je joue en Ligue 2 ou avec mes amis dehors, c’est pareil pour moi.

Quand je rentre sur le terrain, je fais abstraction du public et de l’engouement. Je veux juste m’amuser. Je suis conscient que j’ai énormément de chance de faire du football mon métier, j’essaie donc de profiter au maximum à chaque fois. J’essaie de toujours faire des choses simples et de ne pas me prendre la tête. On m’a toujours dit : “Le plus dur dans le football, c’est de faire des choses simples”.

Outre sa décontraction sur le terrain, il parvient à jouer régulièrement grâce à sa polyvalence, pouvant s’excentrer ou remonter sur le terrain. “Ma place préférée, c’est en charnière centrale, confirme-t-il. Mais je peux aussi être utilisé comme milieu défensif ou comme latéral. Pour un jeune joueur comme moi, je pense que c’est une bonne chose d’être polyvalent, ça permet de gagner du temps de jeu et de progresser”.

Du temps de jeu, il n’en manque pas trop, prenant part à 21 matchs dont 10 titularisations. D’autant plus qu’en octobre 2013, suite aux résultats décevants de Patrick Gabriel, l’entraîneur historique de Nancy Pablo Correa fait son retour en Lorraine, et trouve un potentiel intéressant à ce jeune apparu en équipe professionnelle pendant ses 2 ans d’absence.

Après la trêve estivale, à l’entame de la saison 2014-2015, le Franco-Uruguayen et ses adjoints décident de lui attribuer un rôle qu’ils considèrent comme plus adapté : il est repositionné comme milieu défensif, aux côtés d’Arnaud Lusamba.

“Ce nouveau poste me plait, constate-t-il. Il est vrai qu’au début de saison, je ne m’attendais pas du tout à jouer au milieu de terrain. Le staff m’a fait comprendre que je pouvais apporter à l’équipe à cette position et qu’il comptait sur moi… Je savais que j’en était capable. Le reste s’est fait naturellement”.

Soudainement, il est instauré titulaire indiscutable, enchaînant les titularisations et étant très rarement remplacé, son physique lui permettant de jouer l’intégralité des 90 minutes. “Je suis un joueur important de l’équipe et je suis fier. (…) comparé à la saison dernière, j’ai un rôle plus important. En plus de cela, je sens que mes coéquipiers sont derrière moi. Ils m’encouragent beaucoup et eux aussi ont remarqué qu’il y avait un changement. Je les remercie d’ailleurs car ils me poussent à devenir un grand joueur”.

Il remercie aussi son entraîneur, qui place en lui une confiance sans faille : “le coach m’a donné beaucoup de temps de jeu. Il me fait confiance et il me montre tous les jours qu’il veut tirer le meilleur de moi-même, m’emmener le plus haut possible. Même quand j’étais moins bien et que les résultats ne suivaient pas, le coach a continué à me faire confiance et ça m’a beaucoup touché.

J’essaie donc de lui rendre sur le terrain en donnant le maximum à chaque fois. Pour l’instant, ça marche. J’espère que ça va continuer jusqu’à la fin de la saison. J’aime quand on est derrière moi et que l’on me témoigne de l’attention, ça me stimule. Je suis en confiance et dans le football, la confiance c’est extrêmement important”.

Comme Ibrahim le souhaite, sa régularité se poursuit jusqu’à la fin de la saison, après la bagatelle de 36 matchs de Ligue 2 dont 34 titularisations, en plus de deux matchs de coupe. Il se paie même le luxe d’inscrire 2 buts, contre Orléans et Châteauroux. La saison de Nancy, dont il a le deuxième plus grand temps de jeu, s’achève avec la frustration de finir 4ème, après un début et une fin de saison canon mais un énorme passage à vide entre les deux.

Et pourtant, Amadou (re)découvrira bien la Ligue 1 en 2015-2016. Alors qu’il disait en février que “si un club de Ligue 1 arrive avec une proposition qui convient à tout le monde, pourquoi pas”, la presse évoque un intérêt de Lille, qui cherche à pallier le départ de Gueye pour l’Angleterre. Hervé Renard a flashé sur le Franco-Camerounais, et le transfert, après des négociations plus longues que prévues, se conclut courant juillet. “Quand on m’a annoncé l’intérêt de Lille, j’étais à la fois content et surpris.

J’avais aussi la possibilité de partir à l’étranger, mais à mon âge et n’ayant évolué qu’en Ligue 2, c’était trop tôt. Je n’ai donc pas vraiment hésité à m’engager ici, dans un club qui fait confiance aux jeunes, se réjouit-il. C’est idéal pour progresser. Je suis impatient, j’ai hâte de porter ce maillot”. Une réjouissance qui semble partagée car “Quand une équipe perd Idrissa Gueye, il faut un joueur à gros volume de jeu, capable d’imposer de l’impact physique et de jouer long. (…) Le plus important est que ce soit un jeune joueur.

Il faut qu’il bouscule la hiérarchie” déclare alors le nouvel entraîneur des Dogues. Alors que le LOSC cherche également un renfort défensif et que le transfert de Wilfried Kanon est avorté, il réalise la préparation en tant que défenseur central, polyvalence oblige. Ibrahim Amadou se félicite de pouvoir côtoyer au quotidien ceux qu’il considère comme les références à son poste : “Aujourd’hui, je franchis un nouveau palier.

Mon objectif est de jouer le plus possible, de gagner du temps de jeu. Après, je sais que ce sera très compliqué puisqu’il y a pas mal d’éléments d’expérience à mon poste, comme Rio Mavuba, Florent Balmont ou Moubir Obbadi. Ce sont de grands joueurs que j’étais habitué à regarder à la télé. J’ai très envie d’évoluer à leurs côtés. Je suis sûr que leur vécu va beaucoup me servir dans ma progression.”

S’il joue la première mi-temps lors du match d’ouverture de la Ligue 1 face à Paris, un rêve de gosse pour ce fan du PSG, il s’habitue plus au banc qu’au jeu du LOSC, Hervé Renard ne lui accordant pas la confiance qu’il montrait lors de sa présentation.

Comme toujours, avec discrétion et patience, “Merca” attend son tour dans une nouvelle équipe où il connaît déjà Julian Jeanvier, ancien coéquipier de la défense nancéienne. Il ne joue que 182 minute de Ligue 1 jusqu’à ce que Hervé Renard soit remercié après avoir déçu les fans lillois mais aussi Ibrahim : “L’ancien coach a fait en sorte que ça ne se passe pas comme (prévu)”.

Arrive donc Frédéric Antonetti, qui est beaucoup plus enclin à donner sa chance au jeune milieu de terrain. “Il m’a fait jouer, explique-t-il. Cela me permet d’exprimer ce que je sais faire, d’emmagasiner de la confiance et de faire mon trou. (…)

Depuis l’arrivée du nouveau coach, il y a plus d’écoute. Le groupe est très concerné. Avec lui, l’équipe a le troisième meilleur bilan de Ligue 1. Ce n’est pas un hasard”. Les “anciens” Mavuba, Béria, Civelli ou Balmont étaient bien à l’écoute d’Amadou, mais c’est bien le coach Antonetti qui change tout, d’abord en le titularisant en coupes.

Alors que Renard le faisait jouer principalement en défense, Antonetti préfère l’aligner dans l’entrejeu. Après un quart de finale de Coupe de France contre Guingamp où il joue à un poste inédit de milieu relayeur, c’est la demi-finale face à Bordeaux qui change la donne dans la hiérarchie que Renard voulait voir bousculée par Amadou.

Après cette large victoire à laquelle participe activement le jeune milieu, il voit Antonetti tenter pour la première fois contre Marseille un coup de neuf pour lui donner sa place au milieu de terrain : son modèle Rio Mavuba monte sur le terrain, alors que lui prend sa place, parfois au détriment des expérimentés Balmont ou Obbadi.

La troisième titularisation d’Ibrahim en Ligue 1 masquée par l’assurance mature qui le définit, il impressionne par un volume de jeu énorme, solidifiant le milieu de terrain et renforçant la défense.

Depuis ces 90 minutes impressionnantes, Amadou ne quitte plus les terrains. Il a pris part aux 900 dernières minutes de jeu de Lille et, surtout, s’est attribué un rôle majeur du dispositif de Frédéric Antonetti. Il a même inscrit son premier but en Ligue 1 samedi passé contre Bastia, offrant la victoire aux Dogues.

Après une formation régulière et faite plutôt sur le tard, Ibrahim Amadou suit une courbe exceptionnelle depuis 2 ans : devenu titulaire indiscutable en Lorraine, il est en passe de le devenir dans le Nord. Avec, pourtant, toujours cette même discrétion et cette simplicité qui l’aident à apprécier son métier.

Maintenant, Ibrahim peut se projeter vers son avenir. Un avenir qui semble voué à le voir devenir cadre aux côtés de Rio Mavuba et compères, mais pas seulement.

Déjà, “Merca” pourrait encore mieux porter son surnom : s’il n’a pas été approché par le staff des Lions Indomptables, sa fédération s’est intéressé à lui et il ne serait pas surprenant de le voir bientôt retourner dans son pays natal avec son ancien coéquipier Benjamin Moukandjo pour une trêve internationale.

S’il profite pour le moment du relatif anonymat qui correspond si bien à son caractère, Ibrahim pourrait bien se retrouver plus tard sur le devant de la scène du football européen. Pourquoi pas du côté du PSG, club où il rêvait de jouer étant gamin, et qu’il affrontera fin avril au Stade de France pour gagner son premier trophée, la Coupe de France.

Mais avant de voir le visage de ce jeune si discret sur tous les écrans européens, c’est Lille et Frédéric Antonetti qui peuvent profiter de son jeu physique mais calme, de la montée en puissance de cette force tranquille.