Vous-êtes ici: AccueilActualitésRégional2015 07 18Article 328223

Actualités Régionales of Saturday, 18 July 2015

Source: L’Oeil du Sahel

Extrême-nord: Des chefs traditionnels toujours sans salaires

Chefs-Traditionnels Chefs-Traditionnels

Les autorités administratives sont accusées d’avoir favorisé moyennant de l'argent, la création des chefferies fictives. Un malaise règne en ce moment au sein des chefs traditionnels de la région de l’Extrême-Nord. Particulièrement dans les départements du Mayo-Kani et du Diamaré.

Selon nos sources, les gardiens de la tradition de ces départements n’ont encore perçu le moindre franc des allocations mensuelles que leur a accordées le président de la République par un décret signé le 13 septembre 2013. Pourtant, depuis près de deux ans, les chefs traditionnels des autres départements de la région dont les dossiers conformes ont été acheminés au ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, passent à la caisse.

A l’origine de leur situation, des sources évoquent un tripatouillage des listes envoyées à Yaoundé opéré par des autorités administratives. Comment ? En créant de nouvelles chefferies, en violation des dispositions en vigueur. «Conscientes de l’ancrage de l’autorité traditionnelle dans cette région, certaines autorités administratives se livrent à la création des chefferies traditionnelles au profit de leurs affidés, et ce moyennant de fortes sommes d’argent», avance une autorité administrative.

Dans cette entreprise d’éclatement des chefferies traditionnelles, le département du Mayo-Kani détient la palme d’or. Rien qu’en ce qui concerne les chefferies traditionnelles de 3e degré, le chiffre est d’environ 1400 pour la seule année 2014.

Depuis, ces chiffres ont encore connu une petite rallonge. Les sous-préfets, tels des bouchers, cisaillent à n’en plus finir les chefferies. Que ce soit dans le lawanat de Koré dans l’arrondissement de Moulvoudaye, dans le canton de Bizili dans l’arrondissement de Touloum, les chefs de terre ont le doigté fin pour «fabriquer» de nouveaux chefs. Tout ceci se passe alors que, comme nous le rappelions, la création de nouvelles chefferies traditionnelles est interdite depuis juillet 1994. Et même les rappels à l’ordre des plus hautes autorités ne semblent guère perturber les sous-préfets et les préfets.

«En ce qui concerne les chefferies traditionnelles, je tiens à réitérer haut et fort que leur création est suspendue par le président de la République depuis juillet 1994. Je voudrais saisir cette occasion pour mettre solennellement en garde toutes les autorités administratives qui continuent de jouer avec les affaires cheffales, tantôt en excellant dans la création des chefferies fictives, tantôt en violant impunément la réglementation notamment la procédure en matière de consultation des notabilités coutumières compétentes.

Il me plait de relever ici, que si la loi reconnaît au préfet de résoudre les contentieux nés des contestations inhérentes à la désignation des chefs traditionnels, cas des chefs de 3e degré, il n’en demeure pas moins que le gouverneur peut solliciter l’annulation et la reprise des consultations lorsque les preuves de corruption sont avérées», a ainsi indiqué le gouverneur de la région de l’Extrême-Nord, Midjiyawa Bakari, a l’occasion des travaux du comité régional de coordination administrative, tenus du 25 au 26 juin 2015 à Kaélé. La récréation est-elle pour autant terminée ? Wait and see.

Pour beaucoup, ce désordre observé sur le terrain est aussi le fait des préfets, qui laissent faire pour des raisons évidentes les sous-préfets. «Le désordre de création des chefferies traditionnelles se fait avec la complicité des préfets. Ce sont eux qui signent les arrêtés d’homologation portant désignation des chefs traditionnels. Si un préfet valide la désignation d’un chef, cela veut dire qu’il a d’abord validé la création de la chefferie où trône ce chef. Or, la création des chefferies traditionnelles est suspendue. Aucune autorité administrative ne l’ignore», regrette un chef traditionnel de Maroua. Et un autre chef traditionnel de deuxième degré de l’arrondissement de Gazawa, d'aller plus loin. «Chaque jour, je suis envahi par les chefs de 3e degré de ma circonscription de compétence. Ils s’étonnent que des collègues d’autres localités touchent leurs allocations alors que nous, nous sommes toujours dans l’incertitude à cause de la cupidité des sous-préfets qui ont créé des chefferies fictives», clame cet auxiliaire de l’administration.

CHEFFERIES VACANTES Au problème de création des chefferies fictives, s’ajoute celui de la vacance de pouvoir constatée dans plusieurs chefferies. C’est le cas à chefferie du canton de Seraoua, dans l’arrondissement de Tokombéré, où depuis le décès de Chetima Malloum Zaké le 15 novembre 2012, un nouveau chef n’a toujours pas été désigné. «Ce problème est complexe. Le politique a pris le pas sur l’administration», lâche un responsable en service à la sous-préfecture de Tokombéré. La vacance de pouvoir dans les chefferies préoccupe cependant au plus haut point le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, René Emmanuel Sadi. Cette problématique a d’ailleurs fait l’objet d’une recommandation à l’issue de la conférence des gouverneurs de région, tenue du 17 au 19 septembre 2014 à Yaoundé.

Le ministre a d’ailleurs donné des instructions allant dans le sens de la prise des mesures appropriées pour combler les vacances observées à la tête de certaines chefferies traditionnelles et de diligenter le règlement des conflits des successions pendantes.