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Politique of Wednesday, 30 December 2015

Source: La Météo

Massaga doit connaître l'exécution d'un État est pas aussi facile que les affaires Maquis

Le politologue répond point par point à l’opposant. Ce dernier a récemment déposé une plainte contre le président de la République pour non-respect de la Constitution.

Ngouo Woungly-Massaga, dans une récente sortie, condamne avec vigueur la non-application de l’article 66 de la Constitution de 1996. Votre réaction ?

Cette critique que l’on peut comprendre est, néanmoins, devenue le lieu commun d’une certaine opposition vermoulue réduite uniquement à être grincheuse. En effet, à lire la sortie que vous évoquez, il est difficile de pouvoir penser que l’ancien maquisard maîtrise grand-chose au fonctionnement des institutions étatiques, à la Constitution dont il se prévaut, à la lutte contre la corruption…

C’est ainsi qu’il déplore la non-application de l’article 66, sans savoir que la Constitution de 1996 a inscrit la mise en place des nouvelles institutions prévues par la nouvelle loi fondamentale dans la durée. Une durée non déterminée pendant laquelle l’ancienne Constitution demeure fonctionnelle (article (1) et (2). Par conséquent, l’application quelque peu retardée au goût des esprits peu aigus dudit article n’implique, sous cet éclairage constitutionnel, aucune violation de la norme suprême.

Toutefois, selon le grand maître Raymond Aaron : «l’action politique n’est rien, si elle n’est l’effort inlassable pour agir dans la clarté et n’être pas trahie par la suite des initiatives qu’elle a prises».

Il me semble bien que c’est dans cette quête de transparence en vue de contrecarrer ou de chercher à limiter le fait corruptif au Cameroun, qu’il faut situer les dynamiques réformatrices impulsées par le chef de l’État afin de renforcer le cadre normatif de lutte contre la corruption, notamment dans les dispositions constitutionnelles relatives à la déclaration des biens et avoirs avant toute prise de haute fonction impliquant la gestion de la chose publique.

Dans cette logique, la loi N°003/2006 du 15 avril 2006 relative à la déclaration des biens et avoirs vient s’imposer comme une avancée institutionnelle certaine. C’est l’expression de l’engagement des pouvoirs publics en faveur de la défense de la transparence financière dans la vie publique à travers la mise en place d’un nouvel ordre institutionnel fondé sur la gestion saine du bien public. Il importe de le reconnaître.

De ce point de vue, l’étendue des pouvoirs de la commission de réception et de vérification des biens et avoirs, l’élargissement de la liste des personnalités soumises à l’obligation de déclaration, la catégorisation législative assez large des biens à déclarer, illustrent de manière pertinente, non seulement la volonté d’assainissement de la vie publique affirmée du chef de l’État au travers de la loi sus-évoquée, mais aussi que depuis 1996, beaucoup a été fait, la loi étant de 2006, et que lentement, dans un contexte d’apprentissage, l’on avance sûrement vers l’application efficace de l’article 66 de la Constitution de 1996.

Mais, il importe de savoir qu’en matière de corruption, le risque zéro n’existe pas. Dans le temps et dans l’espace, le virus de la corruption ne meurt, ni ne disparaît, pour paraphraser Albert Camus. Et l’application de l’article 66 ne changerait rien, à cette donne. Du reste, si l’on considère la loi de 2006 qui charrie de nombreux problèmes quant à son efficacité, à l’instar de celui de la sincérité des déclarations, l’on peut aisément s’apercevoir que ladite loi ignore certains biens de valeur et nécessite des réglages. Ainsi par exemple en sont soustraits : les effets personnels et les articles ménagers. Alors qu’on sait parfaitement que certains effets personnels, à l’instar des bijoux, peuvent coûter des fortunes colossales.

On le voit bien, les réformes révolutionnaires impulsées par le chef de l’État, Paul Biya, méritent mieux que des critiques vulgaires, l’assistance et le soutien de tous les Camerounais de bonne volonté.

Le nommé commandant Kissamba soutient que «le propre de cette lutte contre la corruption est qu’elle n’a jamais ramené vers les caisses de l’État les milliards dont elle avait révélé les détournements». Et que sa chimérique «conabina» aura pour mot d’ordre : « trouver l’argent volé et le ramener à l’État». «Le trouver dans les comptes secrets. Le trouver dans les plafonds des maisons cossues. Le trouver dans les caches des grandes plantations des riches. Le trouver partout.» On pourrait se demander : pourquoi pas chez les marabouts, les officines de communication, les églises et tous les lieux de manifestation de la générosité ostentatoire, les biens offerts par galanterie à des maîtresses innombrables… où l’argent a été dépensé sans laisser de trace ?

Non, le volet répressif, lequel peut entraîner : peines privatives de libertés, amendes, confiscations de biens et autres déchéances, constitue la dimension la plus dissuasive de la lutte contre la corruption. Car, comme le dit l’adage : «La sagesse commence avec la peur du gendarme.» Et «l’opération dite épervier» compte déjà de nombreux prisonniers. Pas seulement des lampistes. C’est plus efficace ainsi. Cela consiste d’abord à boucher les ouvertures de la calebasse avant de prétendre la remplir d’eau. Alors, plutôt que de considérer la lutte contre la corruption comme une ingénierie constitutionnelle pilotée par le seul chef de l’État, les esprits non ravagés par la vulgarité, la considèrent comme une interpellation au changement de comportements, à la poursuite d’un idéal humain, à la fois individuel et collectif.

Woungly Massaga estime que le président de la République viole la Constitution. Et que pour cela, la Cour suprême devrait «le juger et le condamner à 20 ans de prison avec confiscation de biens». Qu’en dites-vous ?

À ce qu’il croit percevoir comme étant le péril chaotique qui atteindrait le Cameroun dès «la mort du dictateur», celui qui, sans pudeur, n’hésite pas à faire le flambard, en s’autoproclamant «libérateur » par les armes de son continent et de son pays, pour se donner une carrure de nationaliste qu’on sait plutôt bien transparente, apporte une réponse vacharde.

Il demande à la Cour suprême de condamner celui qu’il qualifie outrageusement de «dictateur» à «20 ans de prison ferme et à la saisie de tous ses biens et de ceux de ses ayants-droits et affidés» (prenant le risque d’être poursuivi pour outrage à chef d’État). Il exprime aussi sa haine «du parti du dictateur» et du parlement camerounais dont il demande les dissolutions, parce que «truffés d’hommes de main du dictateur…»

Je ne sais pas si l’ancien maquisard connait vraiment lui-même le régime Juridique de son action devant la Cour suprême du Cameroun. Mais je crois néanmoins qu’il caresse, par aveuglement, l’espoir de prendre le pouvoir après «l’heureux aboutissement de celle-ci.

Dans la mesure où, s’installant dans une logique provocatrice d’incitation à la crise institutionnelle (qui du reste peut lui valoir, conformément aux lois de la République, des poursuites judiciaires), Woungly Massaga passant en revue» les stratégies possibles de sortie du régime Biya : diverses formes de coups d’État, de soulèvements populaires, d’insurrections politico-militaires, pense que sa «stratégie qu’ il propose à notre peuple, qui s’appuie sur l’action judiciaire contre le dictateur, est de loin la plus légaliste, la plus rapide, la plus pacifique, et celle qui comporte le moins de risques de dérapage vers les violences et la guerre civile».

Malheureusement pour lui, après ce cabotinage judiciaire auprès de la Haute Instance, il n’y aura, pour plusieurs motifs : la maturité politique du peuple camerounais qui n’a pas besoin d’un DEUS EX MACHINA et reste attaché à son leader charismatique qui rassure ; Woungly Massaga, par opportunisme politique, a saisi la Cour suprême en matière constitutionnelle, sans attendre la mise sur pied du Conseil constitutionnel et sans s’en plaindre, parce qu’il sait que celle-ci, en application de l’article 67 (4) de la Constitution, «exerce les attributions du Conseil constitutionnel jusqu’à la mise en place de celui-ci ».

Or, il n’a pas qualité pour saisir le Conseil constitutionnel. Lequel n’est saisi que par le «président de la République, le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat, un tiers des députés ou un tiers des sénateurs, les présidents des exécutifs régionaux, lorsque les intérêts de leurs régions sont en cause ». (art. 47 (2) de la Constitution)

De plus, le président de la République est justiciable de la Haute Cour de justice pour les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions. (art. 53 (1))

En outre, si la «Cour suprême est la plus Haute juridiction de l’État en matière judiciaire, administrative et de jugement des comptes » (art 38 (1)), en raison de la séparation des pouvoirs, elle ne saurait exercer de fonctions exécutives lui conférant par exemple, saisie par un acteur politique, les pouvoirs de dissoudre d’autorité un parti politique, sans d’autre motif que celui d’être « le parti du dictateur » ; de dissoudre les deux Chambres du parlement pour les mêmes raisons (cette prérogative est dévolue au chef de l’État, élu de la nation toute entière qui assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics) ; alors que d’après les dispositions préambulaires de la Constitution au respect de laquelle, il dit veiller : «Nul ne peut être inquiété en raison de ses origines, de ses opinions ou croyances, en matière religieuse, philosophique ou politique… ».

L’Upéciste demande à la Cour suprême de destituer Paul Biya, de le condamner à 20 ans de prison ferme, parce qu’il n’applique pas l’article 66 de la Constitution, de choisir un successeur avec «des pleins de pouvoirs », pour une transition de trois ans. Que répondez-vous ?

Suivant la Constitution : « Le président de la République est élu au suffrage universel direct, égal et secret à la majorité des suffrages exprimés pour un mandant de sept ans renouvelables. » Même en cas de vacance de présidence de la République pour cause de décès, de démission ou d’empêchement définitif constaté par le Conseil constitutionnel, ce n’est pas la Cour suprême qui assure l’intérim, mais le président du Sénat ou son suppléant.

Enfin, quant à la demande de condamnation du chef de l’État, comme dans le maquis, Ngouo Woungly Massaga, alias commandant Kissamba pour l’ennoblir, crée ses lois et ses peines, et somme la Cour suprême, juge de droit, de statuer dans l’illégalité absolue, ultrapétita. Alors que conformément à la Constitution censée fonder sa démarche politicienne, «nul ne peut être contraint de faire ce que la loi n’ordonne pas » et nul ne peut être poursuivi, arrêté ou détenu que dans les cas et selon les formes déterminés par la loi. (Nullum crimen, nulla puena, sine legue : principe de la légalité des infractions et des peines). C’est dire qu’on ne gère pas l’État, comme on gèrerait les petites affaires du maquis, entre maquisards, dont il ne s’est guère émancipé.

Jetant alors un regard psychanalytique sur le chef maquisard reconverti en politicard, nous nous retrouvons en face d’un aigri rongé par la soif inassouvie de conquérir le pouvoir dont le ciel couvert de gros nuages lourds met le feu à sa paillote intellectuelle. Ce qui l’empêche de trouver la moindre vertu au chef de l’État qui lui a pourtant permis de venir, en toute liberté, exercer ses activités politiques, non plus dans la clandestinité, mais officiellement au Cameroun. Et le pousse inexorablement à juger un homme qui, en bon Samaritain, lui a apporté une aide multiforme, englobant ses préoccupations de santé, non pas sur ce que cet homme est ou sur ce qu’il fait, mais sur ce qu’il déduit de lui, parce que sa présence à la tête de l’État garantie par le soutien de notre peuple, bouche à jamais, vu son âge avancé, ses horizons politiques.


C’est ainsi que, prétendant que «le régime Biya est incapable de mener la guerre contre Boko Haram», Kissamba, le grand stratège devant l’éternel, a été ravalé à ânonner une stratégie de lutte contre Boko Haram qui égrène au passage, des mesures arrêtées déjà par le président de la République. A l’instar de la mise en rangs de bataille des populations, de la réorganisation stratégique des armées, de la lutte contre la corruption dans les armées, laquelle a fait de nombreuses victimes…

Mais ce qu’il refuse de comprendre et de voir, c’est que la vision de la conduite de cette guerre déclinée par le chef de l’État sous l’algorithme : «A problème global, solution globale», fait aujourd’hui école à travers le monde. Justement parce que mieux que quiconque, le Cameroun sous le leadership de Paul Biya, fait montre d’une parfaite maîtrise de la lutte contre le terrorisme.

Et par voie de conséquence, vaincu par la redoutable stratégie de lutte mise en œuvre par le chef de l’État, Boko Haram a dû, depuis belle lurette, jeter l’éponge de la logique de guerre quasi conventionnelle visant à occuper le territoire camerounais. Pour des attaques kamikazes opérées par des adolescents, attaques devenues sporadiques. Elles le deviendront de plus en plus.

Au fur et à mesure que les forces de la coalition internationale poursuivront l’encerclement de Boko Haram, le coupant entre autres, de tout ravitaillement et de toute possibilité de communiquer avec l’extérieur. Et que les services de renseignements, aux premiers rangs desquels, les militaires américains, finiront par identifier toutes ses sources de financement pour les détruire.

Mais il faut le dire. En matière d’insécurité aussi, puisque c’est de ça qu’il s’agit désormais, et l’observation empirique le montre bien, il n’y a pas de risque zéro. Même si ici, la bête est en voie d’étouffement, nous devons apprendre à vivre avec ses escarmouches occasionnelles, pour un bon bout.