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Politique of Saturday, 25 November 2017

Source: camer.be

Loi de Finances 2018: Paul Biya veut éviter les troubles

Paul Biya demande la suppression des dispositions susceptibles de créer un malaise social en 2018 Paul Biya demande la suppression des dispositions susceptibles de créer un malaise social en 2018

Les parlementaires vont devoir attendre un peu plus longtemps que d’habitude, avant de recevoir, pour examen, le projet de loi de Finances 2018, qui sera voté au cours de la session débutée le 14 novembre dernier. Et pour cause, dans une correspondance datée du 20 novembre, le secrétaire général de la présidence de la République (SG/PR), Ferdinand Ngoh Ngoh, répercutant les «hautes instructions du chef de l’Etat» à son homologue des services du Premier ministre, prescrit la suppression de certaines dispositions contenues dans le projet initial.

Concrètement, la présidence de la République enjoint le gouvernement de surseoir aux mesures consacrant «la collecte de la taxe sur la propriété foncière par les entreprises de distribution de l’électricité, à l’occasion de la facturation des consommations aux abonnés propriétaires ; la re-fiscalisation de l’importation du blé dur au taux de 5% ; le retrait d’agrément aux entreprises admises aux régimes fiscaux dérogatoires prévus par la loi de 2013 sur les incitations à l’investissement privé, lorsque les investissements qu’elles se sont engagées à réaliser n’ont pas connu de démarrage effectif au bout d’un an, à compter de la date d’octroi dudit agrément».

Quid de la taxe sur la propriété foncière ? A travers sa collecte via l’entreprise de distribution de l’électricité, l’administration fiscale, en quête perpétuelle de niches pour renflouer les caisses de l’Etat mises à mal par la chute des prix du brut, la lutte contre Boko Haram et l’entrée en vigueur des APE, ambitionnait de collecter plus de 5 milliards de FCfa supplémentaires en 2018, contre 3 milliards de FCfa en moyenne lors des derniers exercices fiscaux, sur un potentiel estimé à environ 20 milliards de FCfa, apprend-on de sources autorisées. Par ailleurs, dans un environnement dans lequel la majorité des contrats de bail ne sont pas enregistrés aux impôts, cette réforme, fait observer un fiscaliste, aurait également eu le don de booster les frais d’enregistrement des baux. Ceci dans la mesure où, d’après le mécanisme de collecte via les factures d’électricité, le locataire n’était exempté du payement de la taxe foncière, dont l’acquittement incombe exclusivement au propriétaire, que sur présentation d’un contrat de bail dûment enregistré dans les services des impôts. Autant d’avantages pour le Trésor public, qui n’ont visiblement pas pesé sur la balance à la présidence de la République, visiblement plus soucieuse de préserver la paix sociale au cours de l’année électorale 2018.

Remous Sociaux

En effet, selon le mécanisme de collecte de la taxe foncière par son incorporation mensuelle dans les factures d’électricité, tout défaut de payement devait automatiquement entraîner la suspension de l’approvisionnement en électricité du contribuable défaillant. Ce qui est susceptible de créer des remous sociaux, que redoutent généralement les pouvoirs publics camerounais, surtout à la veille et au cours des années électorales.

A l’observation, cette crainte d’installer un malaise social dans le pays en 2018 a également guidé la décision présidentielle de surseoir à la mesure visant à refiscaliser l’importation du blé dur au taux de 5%. En effet, cette matière première rentre dans la fabrication du pain (et bien d’autres délices de la pâtisserie), produit de première nécessité auquel sont attachés les Camerounais. Il va de soi qu’une hausse de la tarification du blé à l’import aurait inéluctablement été répercutée sur le prix final (ou alors le poids) de cette denrée dans les boulangeries ; avec le risque de catalyser des contestations sociales, dans un contexte déjà marqué par l’amaigrissement constant du panier de la ménagère.

Si la suppression des deux premières mesures sus-évoquées peut être comprise sous un prisme strictement politique, l’abandon de la possibilité de retirer l’agrément aux entreprises bénéficiaires de la loi de 2013 n’ayant pas démarré leur projet un an plus tard ; suscite au moins une interrogation. En effet, comment comprendre que l’on puisse surseoir à une disposition réglementaire visant plutôt à accélérer les investissements ?

Bien plus, confie un cadre de l’administration fiscale, les exonérations accordées aux entreprises bénéficiaires de la loi de 2013 font de plus en plus l’objet de détournements, pratique qu’aurait permis de réduire la menace du retrait de l’agrément, en cas de retard d’un an dans la matérialisation de l’investissement.

«Certains opérateurs économiques ayant bénéficié de cette loi dans le cadre d’un projet bien précis, usent souvent de subterfuge en utilisant les bénéfices que confère cette loi pour d’autres projets, déjouant ainsi l’administration fiscale», souffle une source autorisée, qui voit derrière la décision de supprimer cette possibilité de retrait d’agrément, le lobbying de l’Agence de promotion des investissements (API). Pour cette structure étatique chargée d’implémenter cette loi de 2013, qui a du reste été récemment rattachée à la présidence de la République, les frais d’agrément constituent une importante source de revenus.