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Politique of Tuesday, 21 August 2018

Source: camer.be

Election 2018: Paul Biya va gagner - Garga Haman Adji

Il est entré dans la course à la magistrature suprême en fâchant une partie de l’opinion Il est entré dans la course à la magistrature suprême en fâchant une partie de l’opinion

Mardi 14 août dans les studios de Canal 2 International à Yaoundé, l’invité de « La grande interview » feint la prudence : «je m’installe où ? Parce que je fais attention maintenant… », lance-t-il à Jean Bruno Tagne, le présentateur de l’émission. Conscient de sa boutade, Garga Haman Adji sourit et s’empresse d’ajouter: « vous commettez des bêtises et vous attribuez cela aux autres ». Le président national de l’Alliance pour la démocratie et le développement (ADD) se sait attendu. Un incident sur un autre plateau de télévision l’a propulsé au-devant de la scène une semaine plus tôt. Invité de « Le grand débat : 100% présidentielle » à la CRTV, la télévision publique, le candidat fait interdire de plateau un panéliste et éconduit sans ménagement, en direct, une chroniqueuse de la chaîne. C’est le tollé !

L’opinion vient de découvrir un homme politique au caractère d’« ours mal léché», selon les commentaires qui pleuvent sur les réseaux sociaux. Et alors que l’on s’attend à voir le candidat battre sa coulpe, le président national de l’ADD reste droit dans ses bottes. Une stratégie de défense dont les arguments laissent plus d’un observateur interloqué. Celui qui a pour crédo « vérité et justice » se défend sans reculer, se justifie sans s’excuser. Mais alors que la polémique ne désenfle pas, Garga Haman Adji, qui, le 07 octobre prochain, va challenger Paul Biya pour la troisième fois à une élection présidentielle, est convaincu que cette affaire va lui faire gagner l’élection: « à cause de la bêtise de la CRTV […] je serai élu […]. Cela a déjà fait monter ma cote ». « Moi, je ne m’alignerai derrière personne. D’ailleurs même si on se réunit ça ne change pas grand-chose, Paul Biya va gagner… », affirmait-t-il pourtant dans les colonnes du quotidien Mutations au lendemain de cet incident. On ne sait plus lequel des Garga croire…

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Chasseur désabusé

Mais c’est bien là Garga Haman Adji, aussi fier et mystérieux que le peulh qu’il est. Originaire de Maroua, dans la région de l’Extrême- nord, c’est cette fierté qui en avril 1992, le pousse à claquer la porte du gouvernement, un peu moins de deux ans seulement après avoir été nommé ministre de la Fonction publique et du Contrôle supérieur de l’Etat. Il s’insurge alors contre le « laxisme » du gouvernement qui, à l’en croire, ne lui permet pas de lutter avec efficacité contre la corruption. « Quand on dit que j’ai démissionné parce qu’on m’a retiré le Contrôle supérieur de l’Etat c’est faux. En décembre 1991, je propose que le Contrôle supérieur de l’Etat soit détaché de la Fonction publique ; et en avril 1992 on accepte et on remet le Contrôle supérieur de l’Etat à sa place », explique-t-il.

La chronique mondaine suppute encore sur les raisons de cette démission. Une théorie, largement répandue dans les salons feutrés de la République, veut que Garga Haman, qui se décrit comme « un homme prudent de nature », ait décidé, avec d’autres ministres, de démissionner pour s’assurer une place au soleil, convaincus que l’heure de l’alternance avait sonné! Mais celui-ci se serait retrouvé seul à le faire ; les autres s’étant ravisés à la dernière minute. En tout état de cause, le passage de cet ancien sous-préfet au ministère de la Fonction publique reste marqué par son désir de lutter contre les agents véreux de l’Etat. D’où la légende du « chasseur de baleines » née de ce séjour.

« Complicité »

Né le 27 janvier 1944 à Maroua, Garga Haman Adji est recruté très tôt dans l’administration publique. A l’âge de 17 ans, il est affecté comme administrateur adjoint auxiliaire à la préfecture de Yagoua (Extrême-Nord). Nous sommes le 26 novembre 1961. Une dizaine de mois plus tard, il est nommé au secrétariat du sous-préfet de Kar Hay comme chef de service, puis sous-préfet par intérim. « Il y avait un sous-préfet à Kar Hay qu’ils ont affecté comme sous-préfet de Poli. Mais ils avaient oublié de le remplacer. J’avais 18 ans et le préfet décide, non pas par décret présidentiel mais par arrêté préfectoral, de me nommer sous-préfet par intérim de Kar Hay », se souvient-il un brin vantard. S’en suit dès lors une ascension fulgurante dans l’appareil d’Etat jusqu’à sa démission du gouvernement.

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Un mois avant, rien ne présageait pourtant de cette issue. Bien qu’ayant créé l’ADD en 1991, Garga Haman Adji coordonne la campagne du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), le parti du président Paul Biya, dans l’ancienne province de l’Extrême-nord au cours des élections législatives de mars. Mais pour la présidentielle d’octobre, il fait alliance avec le pire ennemi du moment du régime Biya: le Social democratic front de Ni John Fru Ndi. Il devient même son directeur de campagne lors de cette élection. Le SDF échoue à conquérir le pouvoir. Le ministre démissionnaire se retrouve dans le décor.

Virage manqué

Malgré tout, le président de la République continue de garder une forme de « bienveillance » envers son ancien ministre. « Ce monsieur-là, je sais qu’il a de l’affection pour moi », croit savoir Garga qui revendique une relation particulière avec le chef de l’Etat. En mai dernier, il remercie Paul Biya pour l’avoir « ressuscité » : «je saisis l’occasion pour remercier Paul Biya et pour lui rester à jamais reconnaissant. Il s’était préoccupé de ma guérison au point de faire venir de Paris un avion médicalisé. Je l’ai déjà remercié par écrit et de vive voix pour m'avoir ressuscité », déclare-t-il alors devant les caméras. Plus tôt dans l’année, au sortir d’une cérémonie d’échange de vœux au palais de l’Unité, le challenger de Paul Biya à l’élection présidentielle de 2004 et 2011 déclare qu’il attend que le président lui permette de se présenter ou pas au prochain scrutin présidentiel.

Cette complicité, supposée ou réelle avec Paul Biya, Garga Haman Adji ne se prive pas de l’afficher. En 2006, le président de la République crée la Commission nationale anticorruption (Conac), comme une tentative d’endiguer le phénomène qui ronge l’Etat. Garga Haman y est nommé membre du Comité de coordination. Mais quelques années plus tard, le « chasseur de baleines » se montre dépité par la tâche et l’ampleur du fléau. L'information claire et nette. Il répète donc à l’envie que «la Conac ne vaut rien après 10 ans », car l’organisme a, selon lui, échoué à combattre la corruption. Cependant, celui qui, une vingtaine d’années plus tôt, avait démissionné avec fracas pour dénoncer les entraves à la lutte contre la corruption, se garde bien cette fois-ci, de rééditer l’exercice.

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« J’ai promis au président [de la République] que je ne vais pas démissionner », se défend-t-il. Garga, qui se présente comme un « homme de dimension plurielle », revendique la casquette d’écrivain. « J’écris beaucoup. Je suis à mon huitième livre », affirme-t-il. Alors qu’il part - pour la troisième fois - à l’assaut d’Etoudi, l’ancien ministre, qui rassure que c’est sa dernière tentative « sauf si le président n’achève pas son prochain septennat »; n’a pas changé son programme politique contenu dans son livre « Ainsi pourrait devenir le Cameroun », paru en 2004…