Opinions of Monday, 16 June 2025

Auteur: www.camerounweb.com

Présidentielle 2025 : oublier le passé, un message clair envoyé

L'avenir du pays L'avenir du pays

Pour l’élection présidentielle de 2025, l’analyste politique Christian Emvolo Emvolo explique pourquoi le Grand Nord ne peut plus se fonder sur un modèle nostalgique pour revendiquer l’autorité politique. Son opinion sur le sujet.

Dans le cadre du paysage politique actuel du Cameroun, les propos de Monsieur Guibai, affirmant que la seule force démographique du Grand Nord pourrait lui permettre de revendiquer le pouvoir central, nécessitent une réflexion approfondie. Bien que cette idée puisse sembler séduisante, elle repose sur une vision nostalgique du passé et ignore les réalités sociopolitiques complexes qui prévalent en 2025.

Il importe tout d’abord de souligner que la démographie, bien qu’elle soit un élément significatif, ne constitue pas à elle seule un facteur déterminant pour accéder au pouvoir. Le Grand Nord, qui englobe les régions de l’Extrême-Nord, du Nord et de l’Adamaoua, se caractérise par une diversité ethnique et culturelle marquée. Chaque région possède ses propres caractéristiques socioculturelles, ses traditions et ses intérêts politiques. Cette pluralité complique actuellement la formation d’un bloc uni capable de rivaliser avec d’autres forces politiques au niveau national. En 2025, les enjeux identitaires et les rivalités historiques entre les groupes ethniques pourraient exacerber les divisions internes au Grand Nord, rendant ainsi la constitution d’une coalition solide très difficile.

Par ailleurs, la dynamique politique au Cameroun a connu des transformations significatives ces dernières années. L’émergence de mouvements régionaux et les revendications autonomistes ont redéfini le paysage politique. Les populations locales, notamment les jeunes, sont de plus en plus conscientes des enjeux de gouvernance, de démocratie et de participation citoyenne. Elles ne se contentent plus de suivre des leaders politiques en raison de leur origine géographique. Cette prise de conscience démocratique remet en question le modèle traditionnel de mobilisation fondé sur l’appartenance régionale. Ainsi, même si le Grand Nord dispose d’une population conséquente, cela ne garantit pas une mobilisation collective en faveur d’un projet politique commun.

En outre, les questions religieuses jouent un rôle essentiel dans les relations sociales et politiques du pays. Le Grand Nord est marqué par une pluralité religieuse, avec une coexistence entre l’islam, le christianisme et les croyances traditionnelles. Ces diversités religieuses peuvent influencer les alliances politiques et les stratégies de mobilisation. En 2025, les clivages religieux pourraient devenir des éléments de fragmentation plutôt que d’unification, rendant difficile la création d’un bloc politique robuste.

Les enjeux économiques constituent également un élément clé. Le Grand Nord, souvent perçu comme une région marginalisée d’un point de vue économique, souffre de carences en infrastructures, d’un accès limité aux services de base et d’un faible développement. Les frustrations économiques peuvent éroder la loyauté des populations envers des dirigeants incapables d’apporter des solutions concrètes. Les promesses de changement politique basées uniquement sur la taille de la population risquent de ne pas satisfaire les attentes croissantes des citoyens.

Enfin, l’évolution des rapports de force à l’échelle nationale, marquée par une centralisation du pouvoir et des pratiques souvent jugées autoritaires, complique encore plus la situation. Les élites politiques en place ont su s’adapter aux différentes configurations sociales et géographiques, rendant plus difficile la contestation de leur autorité. Bien que le Grand Nord dispose d’une population significative, il doit naviguer dans un environnement politique où l’influence ne dépend pas uniquement du nombre, mais aussi de la stratégie, des ressources et des réseaux d’alliance.

Pour tout dire, l’affirmation de Monsieur Guibai, selon laquelle le Grand Nord pourrait revendiquer le pouvoir en raison de sa population, reflète une vision simpliste et nostalgique de la politique camerounaise.

Les réalités sociologiques, politiques et économiques de 2025 montrent qu’une telle perspective est non seulement réductrice, mais également déconnectée des aspirations contemporaines des citoyens. La véritable dynamique du pouvoir réside non pas dans la seule force démographique, mais dans la capacité à établir des alliances stratégiques, à répondre aux attentes des populations et à s'inscrire dans un projet politique inclusif et moderne. Les Camerounais doivent donc rester vigilants face à des discours qui évoquent des modèles du passé, car l'avenir exige une vision plus nuancée et adaptable.