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Opinions of Thursday, 4 May 2023

Auteur: Viviane Ondoua Biwole

Fusion Gicam et E.cam : Un acte historique qui fera date

Viviane Ondoua Biwole Viviane Ondoua Biwole

La récente fusion entre le GICAM et E.CAM nous donne le privilège de revisiter succinctement un évènement qui bouscule les habitudes dans l’environnement des patronats africains. De même, le benchmark effectué révèle qu’il s’agit d’un évènement inédit. Mieux, aucun exemple de fusion de patronats n’est dévoilé, mais davantage, plusieurs patronats ont juste connu des réformes sur le changement de nom ou de structure institutionnelle. Ainsi, l’exemple de la fusion GICAM/E.CAM nous offre la possibilité d’une expérimentation dont l’analyse contribuera à terme, à enrichir le champ des connaissances scientifiques et à nourrir la pratique des dirigeants dans ce domaine. Cette perspective fusionnelle semble d’ailleurs susciter une convergence de vues entre les membres des deux patronats. Bien plus, l’exemplarité de cet évènement est une interpellation des politiques sur l’inefficacité de l’émiettement des partis politiques dont l’impact sur la gouvernance démocratique nous ramène à disposer d’instances et institutions monocolores, inaptes à assurer l’équilibre des pouvoirs. Pourtant cette dernière est gage d’une démocratie efficace et compétitive. Cette tribune se donne ainsi pour objectif d’évoquer la question de sa légitimation (1) et ses avantages pour l’économie camerounaise (2).

1. La légitimation du processus de la fusion

La fusion est l’aboutissement logique d’un processus historique et d’adhésion planifiée des parties prenantes des deux organisations patronales. L’aboutissement d’un processus historique Le 05 avril 2023, le plus grand patronat du Cameroun, le GICAM, signe avec le patronat des PME, E.CAM, un traité de fusion dans un grand hôtel de Douala. Effet de surprise pour certains, certes. Mais pour les observateurs avertis, ce processus de maturation était sur les rails depuis 2017, notamment évoqué dans le discours d’investiture du président Célestin Tawamba qui rêvait déjà de ramener à la maison ses compagnons de lutte syndicale restés à E.CAM au sein du GICAM. Trois moments marquent cette démarche : d’abord en 2017 avec une annonce expresse insérée dans le discours d’investiture du Président ; ensuite en 2019, avec la création de la Coordination patronale. Ce processus est ralenti avec la COVID-19 pendant deux ans avant de reprendre en 2022. Les Présidents du GICAM et d’E.CAM obtiennent alors de leurs Conseils d’Administration respectifs, une approbation les autorisant à engager le processus de fusion. Enfin, c’est sans surprise que le 05 avril 2023 cette annonce est faite en présence de l’ensemble des parties prenantes internes et externes ; sans doute pour acter les bénéfices de la fusion pour l’ensemble des membres des deux patronats. En effet, il n’échappe à personne que le GICAM a, depuis bientôt 3 ans suspendu son interaction avec le Gouvernement via la plateforme du Cameroon Business Forum, prétextant son inefficacité et créant ainsi un vide structurel dans le dialogue des secteurs public/privé. Si la fusion est d’abord une histoire entre deux structures jugées autonomes, celle concernant le GICAM et E.CAM a des impacts importants aussi bien pour ses membres (estimés à 1000 adhérents, dont 27 associations professionnelles pour le GICAM et 400 pour E.CAM) que pour ses parties prenantes nationales (le Gouvernement et les regroupements d’instances patronales) et internationales. Deux principales motivations semblent légitimer ainsi la fusion : les intérêts des deux parties et leurs affinités idéologiques. Le contexte des deux patronats explique en grande partie l’intérêt de la fusion. Pour les deux, il s’agit d’amplifier l’influence du secteur privé et de le rendre plus efficace lors des transactions avec l’ensemble des parties prenantes. C’est une évidence, et il convient de rappeler ici que la tendance est au regroupement, qu’il s’agisse des regroupements régionaux, d’essences économiques, politiques ou monétaires.

2- La légitimation par l’adhésion des parties prenantes

Le processus de légitimation s’inscrit ici comme une perspective de structuration interne des forces représentatives des adhérents et de l’entreprise, afin d’être en phase avec la fusion, voire l’après fusion. Pris dans ce sens, le GICAM dispose de 5 organes de gouvernance :
L’Assemblée Générale (qui peut se réunir en Assemblée générale ordinaire, extraordinaire ou élective), le Conseil d’Administration, la Présidence (le Président et les Vices- Présidents), le Secrétariat Exécutif et le Conseil des Sages. Dans cette configuration et au regard des missions de chaque organe, le Président du GICAM ne peut agir que sur orientation stratégique de l’Assemblée Générale ; le Comité des Sages n’ayant qu’un rôle de Conseil auprès de l’AG et du Président, et donc concerné indirectement par les questions stratégiques. Sur cette base, une Assemblée Générale extraordinaire ratifiera l’opportunité évidente de cette fusion. Dans son discours du 05 avril 2023, le Président Tawamba remercie l’Assemblée Générale, le Conseil d’Administration et le Conseil des Sages pour leur accompagnement constant. Si leur aval n’est pas un impératif juridique, leur silence et celui de tous les autres organes de gestion semble informer de leur adhésion à l’idée de la fusion. Il est clairement établi dans le discours du Président qu’il dispose de la résolution du Conseil d’Administration et c’est sur cette base que le processus a été engagé. Sachant que les membres du Conseil d’Administration constituent une partie des membres de l’Assemblée Générale, il s’agit d’un aval manifesté en faveur du processus de fusion. Le traité ne peut entrer en vigueur qu’après la validation de l’assemblée Générale prévue dans les prochains mois. Il s’agit alors d’une sorte d’adoubement collectif. Cette réalité laisse apparaître que, de manière implicite, du fait de la nature des membres du Conseil d’Administration constituée d’une partie de l’Assemblée Générale, une partie de celle-ci a donné son aval qui pourrait être entériné à l’occasion de la prochaine session de celle-ci. Par voie de conséquence, l’argument de l’illégitimité du processus de fusion ne se pose pas. Aucun organe de gouvernance ne s’est officiellement opposé à la fusion jusqu’à présent, c’est un silence assourdissant qui en dit suffisamment long sur une légitimation sociale incontestée.
En effet, les questions de modèle organisationnel, de conditions d’élections et de fonctionnement interne sont des prérogatives de l’Assemblée Générale et des comités spécialisés qui recevront des mandats d’elle, afin de proposer des textes qui devront être amendés par tous les membres. Le processus est donc à peine amorcé. La préoccupation de légitimation du processus de fusion entre le GICAM et l’E.CAM n’élude pas la question des avantages d’une telle fusion.

3. Les avantages de la fusion GICAM et E.CAM

De l’avis des deux Présidents la fusion présente des intérêts indéniables, en l’occurrence : plus d’intensité aux initiatives communes visà-vis des parties prenantes ; un environnement des affaires plus sain, plus productif et plus en phase avec son temps ; un champ d’intervention plus large, ce qui renforce l’influence du patronat ; pour les Entreprises et les Adhérents, leurs adhésions s’en trouveront revalorisées, par la désormais appartenance à une organisation plus forte, plus puissante et surtout plus représentative. Ils verront leurs intérêts défendus par une organisation fédérative des différentes composantes du secteur privé ; le secteur privé sera plus audible par cette unicité de ton et de contenus ; le personnel exécutif quant à lui servira au sein d’une nouvelle structure unifiée, plus performante. A cela, on pourrait ajouter : l’absence de concurrence qui confère plus de marge de manœuvre à la nouvelle structure. Le fait d’avoir des adhérents de nature différente est un atout en ce sens qu’ils sont plus complémentaires que concurrents ; la mutualisation des fragilités dans un contexte spécifique de déficit budgétaire nécessitant un nécessaire renforcement de l’influence se présentant en conséquence comme une aubaine.

En tout état de cause, la configuration organisationnelle actuelle du GICAM mérite de se réinventer comme plusieurs patronats l’ont fait par le passé. Aujourd’hui plus qu’hier c’est un impératif de survie au regard des nouveaux enjeux entrainant de nouvelles problématiques : le climat, l’agri-business, le digital, les conséquences géopolitiques de la guerre en Ukraine, la question de la monnaie, de l’endettement, des PME et de l’innovation, de la jeunesse. La fusion se présente donc comme une opportunité pour repenser un nouveau patronat plus unit, plus influent, plus fort et plus contributif à l’économie camerounaise. A l’évidence, la fusion E.CAM/GICAM est un acte historique qui fera inéluctablement date. Cet acte nous permet de monitorer à court ou moyen terme, les grandes étapes qui permettront de nous projeter dans l’avenir pour suivre la trajectoire institutionnelle de la future organisation syndicale unifiée. Il nous permettra de suivre le choix du nom que portera cette nouvelle organisation, la mise en place des futurs organes, l’identité des dirigeants, etc. Il permettra à l’histoire de s’écrire et de magnifier ou non, tous ceux qui auront contribué à l’écrire en lettres d’or. Rendez-vous pris donc pour l’avenir !