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Opinions of Jeudi, 13 Janvier 2022

Auteur: Jean de Dieu Momo

Société : Jean De Dieu Momo fait un procès à la démocratie

Analyse du docteur Analyse du docteur

Dans sa chronique intitulé « LA FACE HIDEUSE DE LA DÉMOCRATIE », le docteur en droit Jean De Dieu Momo est très amer avec le concept de démocratie qui selon lui a un envers du décor plus dangereux encore que ce qu’elle apporte de bien dans les sociétés qui l’ont adopté. Après avoir définit les valeurs démocratiques comme étant celle qui promeuvent le développement économique et technologique sous d’autres cieux, l’ancien avocat pense qu’en Afrique la démocratie semble présenter une face hideuse, criminelle, cruelle et divisionniste impropre. Il cite notamment la crise anglophone, l’assassinant du sénateur du SDF il y a quelques jours comme les effets pervers de la démocratie. Pour pallier ces effets néfastes, Jean De Dieu Momo conseille qu’on retourne à l’ordre ancestral africain qui consacrait son pouvoir entre les mains d’un souverain. Voici ce qu’il écrit.


La Démocratie est promue par le Colon comme une technique de gouvernance qui poursuit un double objectif, le développement du pays qui la pratique et le bien-être technologique, infrastructurel, économique etc. des populations qui y habitent. Comme philosophie de la gouvernance, elle est implémentée dans les pays d’Afrique depuis leur accession à l’indépendance où elle apparaît comme une importation à côté de l’ordre politique occidental également importé et placardé sur des réalités africaines ayant leurs propres us et coutumes. Il n’est point disputé que cette technique de gouvernance propre aux pays occidentaux n’est pas en partage dans les pays d’Asie ou du Moyen-Orient. Elle est plus en culture dans les pays occidentaux et dans ceux qui ont été colonisés par eux et notamment les pays d’Afrique et d’Amérique latine qui ont subi l’influence occidentale.

En Afrique elle produit des effets de réalités qui amènent à nous interroger sur son efficacité comme technologie de construction d’un pays et du bien-être des populations. Elle semble présenter une face hideuse, criminelle, cruelle et divisionniste impropre à conduire aux deux objectifs principaux qu’elle promettait, à savoir le développement multiforme du pays vers la puissance et le bien-être des populations à travers le partage étique des biens de la Nation.

A l’observation elle créé une dualité conflictuelle chez les populations qu’elle scinde en majorité politique et en minorité politique. La population ainsi divisée en opposants et en membres du parti au pouvoir (ce qui se traduit ici par tontinard et sardinard ou par La République contre Ambazoniens) s’affrontent au quotidien pour la conquête et le contrôle du pouvoir, autrement dit de la mangeoire selon la terminologie de la politique du ventre de Jean François Bayard.

Ainsi la démocratie électorale conduit à l’affrontement qui peut devenir criminelle lorsque l’on prend les armes au nom de la démocratie et pour revendiquer la démocratie en dehors des urnes.
De ce point de vue, le Cameroun accède par césarienne à la souveraineté, dans la douleur de l’enfantement, écartelé entre des Nationalistes extrémistes de l’UPC d’Um Nyobe (boycott, attentat et refus de compromis) et les nationalistes modérés ( acceptent le compromis et rejettent la violence armée) de l’UC d’Ahmadou Ahidjo. Ces deux Nationalistes se battaient pour le contrôle du pouvoir et ont fini par prendre les armes pour imposer leurs vues.

Aujourd’hui la même configuration violente et contestataire se donne à voir dans le Nord-Ouest et dans le Sud-Ouest entre les partisans de la République du Cameroun et ceux de la sécession qui prétendent créer l’État de l’Ambazonie. Comme en 1960, on y assiste à la même violence orchestrée par des jeunes qui revendiquent par les armes la création de leur État.

Le Sénateur SDF Henry Kemende Gamsey, un Avocat exerçant dans le Nord-Ouest, vient d’être assassiné à Bamenda, comme hier en 1966, le Député Wanko Samuel. Des jeunes qui ont pris les armes au nom de la démocratie foulent au pied les règles même de la démocratie par leur intolérance criminelle à choisir les armes plutôt que les urnes.

Et cela amène à s’intéresser à l’anthropologie de la gouvernance africaine avant la colonisation et donc avant l’importation de l’ordre politique occidental. La technologie de la gouvernance institutionnelle africaine ancestrale ne prévoyait pas de suffrage universel direct pour le choix de l’élite. La vie politique s’organisait autour d’un pouvoir central détenu par un souverain qui le décentralisait entre les mains des élites qui se distinguaient, comme les notables et les sous-chefs. Le développement du pays était communautaire et les populations solidaires autour du monarque n’étaient point divisées en deux ou plusieurs groupes comme c’est le cas aujourd’hui avec l’application des règles démocratiques importées. La démocratie africaine était une réalité qui profitait aussi bien à l’espace géographique, le terroir, qu’à la population. Jamais on n’a dénombré autant de morts comme aujourd’hui( Cameroun, Côte d’Ivoire, Soudan, Nigeria, etc)!

Aujourd’hui avec la démocratie occidentale que nous avons copié-collé, ceux qui l’emportent à une élection et qui travaillent à la construction du pays sont entravés par ceux qui ont échoué et qui mettent tout en œuvre pour faire échouer ceux qui ont gagné. Ce faisant ils entravent le développement du pays qu’ensemble ils auraient édifié plus rapidement et plus solidairement. Ils compromettent l’intérêt des populations au nom desquelles ils prétendent agir et dans l’intérêt desquelles ils osent revendiquer la démocratie.

Vu sous cet angle, la démocratie électorale apparaît comme un frein à l’émergence de notre pays plus qu’une technique devant conduire à son développement. Elle devient nuisible aux populations puisqu’elle conduit à la division, à la guerre, aux meurtres et aux malheurs des populations comme celles qui souffrent et meurent dans nos régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.

Peut-être devrions-nous envisager une technique de gouvernance propre à nos réalités africaines ? Nous n’avons que 60 ans d’empoisonnement démocratique occidental et le décompte macabre de nos morts depuis 1956 devrait peut-être nous inciter à orienter nos recherches vers une technique de gouvernance consensuelle qui fasse l’économie des assassinats et crimes auxquels nous sommes confrontés depuis la création de nos États.