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Opinions of Friday, 10 December 2021

Auteur: Christelle Nadia Fotso

'Claude Yap et Françoise Faurie, les anges du Lycée Leclerc, berceau du njitapage'

'Ces femmes ont tenu, tiennent, je leur en sais gré et les aime pour toujours' 'Ces femmes ont tenu, tiennent, je leur en sais gré et les aime pour toujours'

La récente décision des responsables du Lycée Général Leclerc de Yaoundé, interdisant les relations sentimentales entre enseignants et élèves a inspiré la fille de l'ex millardaire Victor Fotso. Dans une tribune publiée ce vendredi, Christelle Nadia Fotso rend hommage Claude Yap et Françoise Faurie, anciennes responsables dudit établissement pour leur rigueur.

Comme Baudelaire, j'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans...j'ai une mémoire d'éléphant qui, avec mon éducation et mes exigences, m'interdit l'ignorantisme, l'obscurantisme, la médiocrité, en un mot le je la dis queisme. J'ai grandi avec des histoires que mes souffrances et mes humiliations ont secoué...pour moi, le temps ne déborde pas encore mais je pense à tous ces gens, toutes ces femmes surtout qui me permettent de me battre pour Fotso en comprenant que je suis Maptué.

Le Lycée Général Leclerc de Yaoundé avait lorsque j'étais môme une place à part dans mon imaginaire. Je pensais que j'y ferais mes études mais, j'ai atterri au Lycée de Biyem Assi. Ce fut une chance. J'ai échappé à l'apprentissage du vice car l'excellence camerounaise pourrit dans les salles de classe du Lycée Leclerc. Cet établissement n'est plus que le symbole de ce qui arrive à la qualité lorsque obsédée par la quantité, elle se laisse corrompre et finit infectée. Je ne comprends donc jamais la suffisance tapageuse des Anciens du Lycée Leclerc qui devraient s'excuser de nous avoir donné Je la dis que... ils devraient au moins avoir le courage de dénoncer sa médiocrité ou de déplorer le fait que leur lycée est le berceau du njitapage !

Cela dit, chers Anciens du Lycée Leclerc bien que vous soyez quasiment tous des lâches, j'éprouve pour vous une compassion chaleureuse grâce à trois des vôtres dont la nature exceptionnelle est rédemptrice : Sylvie Ngiamba Nzié, Claude Yap et Françoise Faurie. Je tiens à rendre hommage à deux d'entre elles en me contentant par respect de dire de la première que sans trop savoir pourquoi, j'ai toujours apprécié son caractère. Lorsque j'étais beaucoup jeune, certaines jeunes filles légères l'appelaient "chien méchant " en référence au personnage de Jimmy Biyong dans Quartier Mozart. Moi, je pensais que Sylvie Ngiamba Nzié avait raison d'être intraitable et savais déjà que les chiens méchants ont au moins une grande qualité : la loyauté !

Je n'ai le souvenir d'avoir rencontré Claude Yap que trois fois parce qu'elle a surtout été présente quand j'étais toute petite. Elle était la propriétaire de la Pharmacie le Crystallis à Etoa Meki. Elle était accessible, humaine et tout simplement agréable. Claude Yap adorait le Koki ! Cela peut sembler trivial mais c'est à ces détails qu'on sent les gens. Je l'ai sentie ! Tout le bien que je pensais d'elle a été confirmé lorsqu'elle est venue à la dédicace de l'Empreinte des Choses Brisées au Hilton avec son fils en 2011. Ce m'a touchée de la voir. Claude Yap avait ce pouvoir-là...elle ne disait pas le lourd mais son regard disait tout...ce qu'elle voyait, savait et ne devait pas dire...je n'étais pas toujours attentive pourtant je sentais. J'ai accueilli ce qu'elle m'offrait parce qu'elle était vraie. C'est avec les opérations, l'amputation et le reste que j'ai déchiffré.

Claude Yap est morte juillet 2018 comme ça... je ne l'ai pas revue. Sans le savoir, elle m'a fait le plus cadeau en faisant entrer dans ma vie : son neveu. Je pense à toi, Tata Claude. Il y a ces choses que tu disais sur votre satanée Lycée Leclerc. Ton jugement impitoyable était juste mais tu mettais l'amitié devant beaucoup.

Enfin, il y a Françoise Faurie...elle ne le sait pas mais j'ai toujours eu une affection particulière pour elle...Petite, je ne savais pas pourquoi mais je la trouvais sublime... elle avait cette grâce accueillante qu'ont les femmes qui ne savent pas combien elles sont magnifiques...la bonne personne ne le leur a pas dit...elles ne le voient donc pas. En plus, elles ont trop d'intelligence pour ne pas réaliser que la beauté ne fait pas le bonheur.

J'aimais et admirais Françoise Faurie instinctivement. Je devinais ce qu'elle portait. Son refus de laisser tout cela l'écraser m'éblouissait. Ma Tata Françoise n'est pas défigurée par ses blessures, ses douleurs, ses cicatrices mais sublimée ! Je m'en suis rendu compte lorsque comme Claude Yap, elle est venue à la dédicace de mon premier livre. Je ne crois pas lui avoir dit combien je la trouvais éclatante et le plaisir que j'avais de la voir vieillir si bien, elle qui avait toutes les raisons du monde de se laisser aller, tomber. Nous avons pris un verre et en discutant avec elle, j'ai compris pourquoi elle vieillissait si bien : Françoise Faurie n'a pas besoin d'avoir la bouche en forme de cœur.. son âme explique pourquoi, malgré le temps qui passe et la vie qui n'a jamais été aisée, elle demeure digne d'une hymne à la beauté.

Chère Tata Françoise, je pense à toi particulièrement lorsque je réalise que l'amour n'a pas d'ailes... Le fait que tu ne sois jamais devenue ni une ombre ni un monstre est pour moi une source d'espérance. Tu es un exemple ! Tu seras surprise en lisant ces mots ; je te prie de les accepter telle une offrande que je mets à tes pieds pour te remercier de t'être toujours relevée et de n'avoir jamais perdu ta dignité. Nous avons toi et moi une chose en commun que ta fidélité et ta fibre maternelle ne permettront pas de voir mais c'est notre lien et je le chéris.

Claude Yap, Françoise Faurie, deux anciennes du Lycée Général Leclerc qui représentent cette humanité et cette excellence camerounaises auxquelles le Cameroun a renoncé par oisiveté et lâcheté en embrassant le njitapage. Ces femmes ont tenu, tiennent, je leur en sais gré et les aime pour toujours.