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Opinions of Jeudi, 6 Septembre 2018

Auteur: camer.be

Etoudi 2018: des proches de Biya torpillent la campagne de Akéré Muna

Le ministère public veut faire auditionner Me Akéré Muna Le ministère public veut faire auditionner Me Akéré Muna

Alors que ses réquisitions du parquet sur l’exception de prescription soulevée depuis le début du procès par le collectif des avocats de M. Akere Muna restent attendues, les représentants du ministère public veulent contourner le problème en demandant au tribunal de passer à une autre phase du procès pour faire auditionner l’ancien bâtonnier.

La dernière audience a été émaillée de nombreux incidents, notamment une interruption d’électricité uniquement dans la salle d’audience. Un incident dont s’est servi le tribunal pour renvoyer la suite des débats au 11 septembre 2018, à un mois de l’élection présidentielle, en dépit des protestations du candidat Muna.

Le Tribunal de première instance (TPI) de Yaoundé centre administratif est décidé à perturber la campagne électorale de M. Akere Tabeng Muna, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats, qui fait partie des neufs candidats retenus pour l’élection présidentielle du 7 octobre prochain. C’est ce qui ressort de la dernière audience de l’affaire qui oppose cet avocat à sa soeur cadette, Mme Ama Tutu Muna, ancien ministre de la Culture.

Il est poursuivi pour des faits supposés de déclarations mensongères, dissimulation de procédure, faux et usage de faux en écritures privées ou de commerce, des faits en rapport avec la gestion du patrimoine laissé par Solomon Tandeng Muna, leur défunt père. Après de longs et inutiles débats mardi dernier, 28 août 2018, le tribunal a décidé que les deux protagonistes se retrouvent encore dans deux semaines, le 11 septembre 2018, pour la suite du manège. Alors que les avocats du mis en cause avaient sollicité un renvoi après la date de la Présidentielle pour permettre à l’ancien bâtonnier de se concentrer comme ses concurrents sur la compétition électorale.

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Le rendez-vous de mardi dernier a été déroutant pour les observateurs avertis des affaires pénales. En effet, dès 14h le début des débats dans cette affaire, les avocats constitués pour la défense de M. Akere Muna avaient soulevé ce que les juristes appellent une «exception de nullité de la procédure ». Sans avoir besoin d’attendre que le tribunal examine les faits au centre de la discorde entre les enfants de l’ancien président de l’Assemblée nationale, la défense de l’ancien bâtonnier faisait observer au tribunal que le procès est tardif.

Pour cause : au regard du contenu de la plainte (citation directe) de Mme Ama Tutu Muna, les prétendus faits soumis au juge datent de plus de seize ans. La défense demandait au tribunal de sanctionner la violation de la loi. Pour les infractions visées par la plaignante, la loi exige que les faits soient vieux de trois ans au plus. Après l’intervention des parties, le procureur de la République était invité par les juges à donner sa position sur le problème de droit posé. La réponse du parquet était attendue à l’audience suivante, le 10 juillet 2018.

Plutôt que de répondre à l’attente du tribunal, le ministère public, qui se fait représenter dans ce procès par deux magistrats, demandait au tribunal de lui permettre d’écouter la plaignante avant de prendre ses réquisitions. La connaissance des faits, disaient ces magistrats, était nécessaire à la compréhension du problème de date posé. Mme Ama Tutu Muna était soumise au feu nourri des questions de toutes les parties. Le débat s’enlisait même, jusqu’à l’entrée surprise du président de la juridiction en personne par la porte arrière de la salle d’audience. Une présence aussitôt suivie de l’interruption des échanges. Sortis pour se concerter après avoir interrompu les débats, le collège des juges renvoyait la suite du procès au 28 août 2018 à la demande du parquet. La prochaine audience devrait démarrer, une fois de plus, par les réquisitions du ministère public.

Expertise contestée

La semaine dernière, les deux magistrats du ministère public sont arrivés dans la salle d’audience avec deux, voire trois nouvelles pirouettes dans leur escarcelle. Première pirouette : alors qu’il devrait s’exprimer sur le problème de date posé par la défense dès l’entame du procès, le ministère public va s’éclipser avec la complicité des trois juges, pour que Mme Ama Tutu Muna reprenne la parole. Cette dernière va alors brandir un rapport d’expertise graphologique qu’elle présente comme la pièce maitresse du procès en demandant au tribunal de l’admettre dans son dossier.

L’expertise en question a été sollicitée et obtenue en privé après la dernière audience, non pas auprès des magistrats chargés du procès, mais chez M. Timba Georges Théophile, le président de la juridiction, manifestement omniprésent dans cette procédure pourtant confiée à d’autres juges. Le coup n’était pas attendu en face. Les avocats de Me Akere Muna vont protester, avec véhémence pour empêcher que les juges reçoivent le document. «Nous sommes frustrés depuis le début de cette procédure. Cette pièce a été obtenue devant un juge civil. Elle a quel rapport avec le temps ? La procédure qui a abouti à l’obtention de ce fameux rapport d’expertise graphologique a été cachée au prévenu et à ses avocats que nous sommes. Elle a obtenu ce document en catimini.

L’accusation a manqué de loyauté. Les débats doivent continuer là où ils s’étaient arrêtés la dernière fois. Que le parquet nous dise s’il y a eu prescription ou pas. Nous ne savons plus à quelle phase de la procédure nous nous trouvons», réagit Me Monthé Patrice, l’ancien bâtonnier. «Ce rapport a été fabriqué alors que le procès était en cours. Ce qui prouve qu’Ama Tutu Muna a porté plainte contre notre client sans preuves, mais, sur la base de simples allégations. Cette pièce doit être écartée des débats», va renchérir Me Assira Engouté.

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Me Fotso, l’avocate de l’ancienne ministre n’est naturellement pas de cet avis : «On ne peut que s’appuyer sur une expertise graphologique pour prouver le faux qui est reproché au prévenu. Nous avons saisi le tribunal et nous avons obtenu une ordonnance gracieuse qui nous a permis de designer un expert. Monsieur le président, ne regardez pas la façon dont nous avons obtenu cette pièce, regardez là uniquement sur la forme et recevez là telle qu’elle est. Une pièce est une pièce», va-t-elle déclarer. Le parquet, qui veille en principe au respect de la loi, se rallie, on pourrait dire sans surprise, à cette position. A son tour, le collège des juges ne se fait pas prier davantage pour admettre le rapport d’expertise graphologique querellé dans le dossier de la procédure.

La seconde pirouette du parquet arrive lorsque le tribunal lui passe encore la parole pour ses réquisitions sur l’exception soulevée par la défense. Les représentants du ministère public réagissent sur toute autre chose. Ils demandent au tribunal de faire entendre M. Akere Muna avant qu’ils ne se prononcent sur le problème de date posé par la défense. «Nous devons aussi faire entendre le prévenu avant de se prononcer sur l’exception de prescription soulevée. L'information claire et nette.

Les débats doivent être contradictoires. Il est nécessaire que le prévenu réagisse sur les faits qui lui sont reprochés. Nous n’allons pas revenir sur les débats au fond puisque nous y sommes déjà», déclare l’un des deux magistrats du parquet, avant d’estimer que les éléments de preuves concernant la plainte de Mme Ama Tutu Muna sont suffisants pour que le tribunal invite M. Akere Muna à présenter sa défense. C’est de l’inédit pour les habitués du procès pénal au Cameroun.

Passage en force ?

En fait, le parquet contourne le problème qui a été posé dès l’entame du procès et veut embarquer le tribunal dans un raccourci. Jusqu’ici, les débats ont concerné «l’exception de nullité» soulevée par la défense du candidat à l’élection présidentielle, qui estime que le procès est tardif au regard de la loi. Le procureur de la République, qui a souhaité faire entendre Mme Ama Tutu Muna au départ pour se faire une idée sur la période précise des faits dont l’examen est soumis au tribunal, demande demande à prendre du temps pour réagir. «Nous devons répondre de manière formelle aux réquisitions que nous venons d’entendre. Nous sollicitons une remise de la cause, au lendemain du 7 octobre prochain, pour que tous les candidats à l’élection présidentielle soient au même niveau», dit Me Yondo Black, avocats de Me Akere Muna.

La tension dans la salle est telle que les juges décident de suspendre l’audience. La pause, la seconde au cours de cette audience, va durer de longues heures. Que cherchent-ils ? Sont-ils en concertation avec le président de la juridiction, qui a provoqué la suspension des débats lors de la précédente audience par son intrusion dans la salle ? Personne ne le sait. Toutefois, pendant ce temps, l’un des reporters de Kalara va apercevoir les deux magistrats du parquet sur le chemin qui mène au cabinet du procureur général de la cour d’appel du Centre. Probablement pour prendre de nouvelles instructions…

Coupure d’électricité

Lorsque l’audience reprend, le tribunal ouvre immédiatement de longs pourparlers avec les parties au procès pour décider de la date de la prochaine audience. Le prévenu et néanmoins candidat à l’élection présidentielle insiste pour que la suite des débats soit programmée après le scrutin du 7 octobre. L'information claire et nette. En face, on s’y oppose. Démarrée à 14h, l’audience a déjà mis plus de huit heures sur cette seule affaire. C’est à ce moment qu’une brusque suspension du courant électrique plonge la salle dans l’obscurité.

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Chose curieuse : les bâtiments alentours et les autres salles du palais de justice sont bien éclairées… Les juges vont en profiter pour décider de renvoyer la suite de l’affaire dans deux semaines, c’est-à dire le 11 septembre 2018. Un timing qui fait dire à l’un des avocats de M. Akere Muna que le procès de son client est un «référé pénal». Dans cette procédure, l’ancienne ministre soutient que les faits qui pèsent sur les épaules de son frère ont été commis à l’occasion du règlement jugé «peu orthodoxe» de la succession de leur père Solomon Tandeng Muna, par le TPI de Douala-Bonanjo en 2002, il y a 16 ans.

D’après elle, pour rendre le jugement d’hérédité du 18 juillet 2002 dont Kalara a obtenu copie, jugement par ailleurs annulé le 7 juin 2018, la juridiction s’est appuyée sur un procès-verbal de conseil de famille truqué. Elle dit n’avoir jamais été convoquée à un conseil de famille relatif à l’ouverture de la succession de son géniteur décédé le 22 janvier 2002 et allègue que la signature qui lui est attribuée sur le document a été contrefaite par Me Akere Muna.

Dans le même sens, elle décline les déclarations faites à la fois devant la justice et devant l’autorité publique chargée de légaliser ledit procès-verbal par le prévenu tendant à faire croire qu’il avait reçu mandat pour agir en sa faveur. Me Akere Muna, qui a rompu le silence peu avant l’ouverture du procès devant le TPI, avait affirmé que les procédures dont il est la cible depuis quelques mois relèvent d’une cabale organisée contre sa personne pour faire échec à ses ambitions présidentielles.

L’ancien bâtonnier désigne l’actuel ministre de la Justice comme le cerveau de ladite cabale. Par ailleurs, il avait remis à la presse quantités de documents, qui démontrent que non seulement sa cadette était au courant du jugement d’hérédité dont elle a désormais obtenu la nullité, mais aussi, elle s’en est parfois prévalue, plus que tout autre enfant Muna, notamment pour obtenir un crédit bancaire en hypothéquant même les biens du patrimoine laissé par leur père. Les révélations, dans cette affaire, ne sont sans doute pas achevées.