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Opinions of Friday, 8 July 2016

Auteur: fr.africatime.com

Michel Thierry Atangana, le prêcheur de paix

Michel Thierry Atangana, ancien détenu au Cameroun Michel Thierry Atangana, ancien détenu au Cameroun

Michel Thierry Atangana, un Français détenu au Cameroun pendant 17 ans sans motif judiciaire valable, se réjouit de la libération de la franco-camerounaise Lydienne Yen-Eyoum pour laquelle il s'est battu depuis sa libération. Mais le combat est loin d'être terminé.

Michel Thierry Atangana, prêcheur de paix. Devenu par son histoire le premier ambassadeur de la lutte contre la détention arbitraire, ce Français à demi libre n’a qu’une obsession : lutter contre l’indifférence. Son Credo est l’empathie. Son leitmotiv, la liberté. Sa libération est un long chemin de croix, qui ne s’achèvera que lorsqu’il aura acquis la conviction que plus aucun citoyen ne sera abandonné par son Etat comme il l’a été. La certitude que les mécanismes sont là, efficaces et utilisés, pour lutter contre l’enfermement injuste de nos concitoyens.

Engagé dès les premiers instants en faveur de Lydienne Yen-Eyoum (épouse Loyse), cette avocate franco-camerounaise qui a passé plus de six ans et demi en prison au Cameroun avant d’être libérée lundi en vertu d’une grâce présidentielle, Michel Thierry Atangana ne peut que se réjouir de sa libération. Il salue «l’écoute du président de la République française», qui a plaidé sa cause auprès de son homologue Paul Biya notamment au cours de sa visite d’Etat qu’il a effectuée au Cameroun il y a un an.

Mais il ne s’agit que d’une victoire en demi-teinte. Car comme lui, Lydienne Yen-Eyoum n’a pas bénéficié d’une relaxe judiciaire, qui la blanchirait des charges qui pèsent contre elle –de corruption en l’occurrence. Ce qui signifie qu’aux yeux de la justice camerounaise, elle est toujours coupable. Qu’elle ne sera pas réhabilitée dans ses prérogatives de citoyenne –elle ne pourra donc plus exercer sa profession par exemple-, et qu’elle devra même rembourser les 1,6 million d'euros qu’elle est accusée d’avoir détournés. «Qu’est-ce que l’opinion retient : coupable ou innocente ?», lance dans une question rhétorique Michel Thierry Atangana. «Il n’y a jamais de fumée sans feu dit le dicton… Souvenez-vous de Florence Cassez –elle n’est pas claire, entendait-on-, d’Ingrid Betancourt –qu’est-ce qu’elle est allée faire là-bas? (en zone Farc, Ndlr)».

Il faut appliquer les avis du groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire

Le problème, selon M. Antangana, c’est que «quand un simple homme est accusé par un Etat, il doit apporter la preuve de son innocence». Or : «Qui a plus besoin de protection : l’individu ou l’Etat ? (…) L’Etat est immuable, il se renouvèle, alors que l’homme est mortel. Il a une espérance de vie de 45-50 ans en Afrique. Le condamner à 25 ans de prison c’est le condamner à mort.» Selon lui, il est primordial que lorsqu’un «citoyen français est injustement condamné (dans un pays étranger), il bénéficie de l’appui immédiat de son pays.» Ces victimes «ne doivent pas se retrouver seules face à cette machine infernale». C’est pourquoi il est urgent de se demander : «Comment faire en sorte que l’action soit plus rapide et l’accompagnement plus efficace, sans pour autant négliger les problématiques diplomatiques» ? Parmi ses éléments de réponse, il prône le renforcement des mécanismes de l'ONU contre la détention arbitraire et l'applicabilité de ses décisions.

En l’espèce, la justice camerounaise a reconnu Lydienne Yen-Eyoum coupable d'avoir gardé, dans un contentieux au début des années 2000, environ un milliard de francs CFA, sur les 2 milliards de créances récupérées au nom de l'Etat auprès d'une filiale de la banque française Société générale, la SGBC (devenue SG Cameroun), qu’elle devait remettre au Trésor. L'avocate a toujours clamé son innocence. Mais elle a été condamnée le 26 septembre 2014 (quatre ans après son arrestation) à 25 ans de prison, une peine confirmée le 9 juin 2015, malgré l’avis du groupe de travail de l'ONU sur la Détention Arbitraire, qui avait jugé en avril 2015 son arrestation et sa détention «arbitraires» et réclamé sa libération. Comme pour M. Atangana, ces experts des Nations unies avaient en outre appelé à sanctionner les responsables, et à indemniser la victime. Mais les justices nationales en font fi.