L’irruption de la police municipale dans la régulation du désordre urbain donne lieu, depuis presque deux décennies, à des scènes d’émeutes surtout à Yaoundé. Mon récit parle des faits et gestes de ces agents dans les premières années de leur règne, n’ayant plus séjourné de manière continue au Cameroun depuis dix ans.
Le scénario était presque toujours le même. Les agents de la communauté urbaine (aujourd'hui mairie de Yaoundé) juchés sur des camions de fortune faisaient un raid dans un lieu organisé de manière hasardeuse.
Qui décidait de leur descente ? Reste que des dizaines d’agents armés de matraque s’abattaient sur les commerçants avec une violence rarement documentée dans les rues de la capitale. Il était préférable de se faire cambrioler que d'avoir à faire à ces gens.
À l’avenue Kennedy, ils brisaient les étales et confisquaient, sans aucun inventaire, la marchandise des vendeurs de téléphones d’occasion. À tel carrefour, ils saisissaient les engins de moto taximens informels pour une fourrière d’où la plupart des motos ne revenaient jamais. À l’entrée du marché Etoudi, ils détruisaient le comptoir de cette maman et jetaient ses oranges au sol, en mangeaient une partie pendant qu'ils embarquaient la brouette de cet autre portefaix.
La panique qui s’emparait des gagne-petits à l’approche de la police municipale s’accompagnait alors d’une méprisante alerte : « Awara ! Awara ! »
Quelle était cette police qui se distinguait par des méthodes de bandits, de loubards et de brigands ? Quel était leur mode de rémunération ? Comment étaient formés ses agents et comment étaient-ils recrutés pour être mis au service de l’autorité municipale avec aussi peu de professionnalisme ?
Ce n'est en effet que depuis 2024 que l’École nationale d’administration locale offre une formation pour les agents de la police municipale.
Avant cette date, la trajectoire des agents de la police municipale était floue, ambiguë, problématique. Pourtant, ils exerçaient pleinement en tant que représentants de l’autorité de l’État.
La décision en 2019 de l'ancien préfet du Mfoundi Jean-Claude Tsila (paix à son âme) d’interdire pendant un mois ces agissements rend compte du constat de l’infiltration des méthodes des milices privées dans les logiques de défense de l’intérêt général que doivent poursuivre les collectivités territoriales décentralisées.
Il serait pourtant hasardeux de limiter la présence des awaras à la seule police municipale tant il est vrai que des gangs de même nature prolifèrent un peu partout dans l’appareil de l’État. C’est ce qu'il convient d’appeler l’awaratisation de l’État. Il s'agit de la loubardisation de toutes les portions de l’État sur des bases villageoises, claniques, violentes et cupides.
Des avocats aux banquiers en passant par les enseignants, des médecins aux magistrats en passant par les agents chargés de faciliter la création des entreprises ; les gangsters se sont imposés partout, aussi bien dans les institutions publiques que dans les appareils privés.
Les mafias obligent désormais les véritables agents de l’État à raser les murs puisque, comme on dit désormais chez nous, chacun gère son couloir (entendez son comptoir).
Dans le désordre ambiant les régulateurs désignés profitent de l’uniforme, du titre, du grade, de la qualité pour ponctionner tout ce qu'ils peuvent. C’est ce réflexe qui justifie par exemple l’expression « journaliste à gages ».
Fun fact. Si on me dit aujourd'hui Vision 4 ou Equinoxe ou encore Réalités Plus et CFoot, j'ai envie de crier Awara ! Awara !