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Opinions of Monday, 15 August 2016

Auteur: Darren Lambo Ebelle

Silence radio après les assassinats des femmes à Nkolbisson

Photo d'archives utilisée à titre d'illustration Photo d'archives utilisée à titre d'illustration

Alors que près de 11 femmes (selon les riverains) de ce quartier du 7è  arrondissement de Yaoundé ont été tuées, leurs organes génitaux ainsi que leurs seins disséqués, tout un gouvernement, avec en tête le Premier ministre Philemon Yang, n’a pas trouvé impudique  de s’offrir une joyeuse parade  jeudi  dernier à l’hôtel Hilton de Yaoundé, dans le cadre d’un évènement onéreux et pompeusement appelé « He for She » (Lui pour elle).

« Le Cameroun c’est le Cameroun ». Les tenants de ce dicton, ne savaient pas si bien le dire. Depuis une semaine, une tragique histoire de meurtre de femmes,  secoue la capitale. Au quartier Nkolbisson à Yaoundé, le phénomène de crimes rituels sévit. Selon des témoignages des riverains,  11 femmes (4 selon la police) ont déjà été assassinées, avant d’être dépouillées de leurs parties génitales.  Un chiffre qui de toute manière, n’émeut point l’Exécutif camerounais.

Bien plus, l’on a vu tout un gouvernement parader le 11 août dernier à Yaoundé au très onéreux hôtel Hilton de Yaoundé dans le cadre d’une cérémonie dénommée « He for She », une plateforme qu’on dit devoir inciter les hommes à œuvre pour l’émancipation des femmes. Au présidium de cette énième cérémonie vide de sens, le Premier ministre Philemon Yang qu’entourait une captivante brochette de ministres dont Marie-Thérèse Abena Ondoa de la Promotion de la Femme et de la Famille.   Du tragique théâtre des assassinats des femmes dont on dit promouvoir les droits, l’émancipation et le bien-être, aucune déclaration, aucune descente sur le terrain, aucune visite aux familles. Et pourtant, c’est tout un ministère qui est dédié aux femmes.

Côté ministère de l’Administration territoriale, silence de cimetière. Depuis des semaines que ce quartier de Yaoundé vit dans la phobie des crimes sacrificiels, aucune descente d’une autorité sécuritaire notable pour rassurer les populations. Paradoxal dans un pays qui compte mille et une Associations de défense des droits de la Femme. Des parlementaires aux maires, ainsi qu’à d’autres corps de métier, de ces innombrables regroupements de femmes, aucune réaction.

Très étonnant, lorsque  de  tous les discours de parade sont pourtant axés sur  « en vertu de la politique de promotion de la Femme de son Excellence Monsieur Paul Biya ». Fort  convaincu de bien s’exprimer, est commise  à loisir  cette exaction grammaticale qui consiste à employer côte à côte, « Son Excellence et Monsieur », deux mots de la même classe syntaxique.  Une corvée grammaticale  qu’on ne s’évite même pas  du côté de ce qui est  présenté comme élite académique et intellectuelle. Passons.

Côté ministre de la Communication, silence radio. Les médias camerounais n’étant pas assez « menaçants » pour le pouvoir de Yaoundé, pour  de pousser le ministre Tchiroma à donner une conférence de presse. Soyons patients, et attendons Amnesty international, Radio France Internationale (Rfi) et autres pour donner l’alerte.
 
Côté partis politiques, loi de l’Omerta. Plus de « Vendredi noir ». Faut-il commettre un crime de lèse-majesté en parlant du président Paul Biya !?  Commettre ce qu’on appelle en journalisme « Information zéro » ? Puisque l’information consisterait à dire quand, Monsieur Biya s’est-il déjà après  de telles « misérables » vies perdues de Camerounais. Après le carnage des jeunes par l’armée lors des émeutes de février 2008 (40 morts selon Marafa Hamidou Yaya, tout- puissant  ministre d’Etat, ministre  de l’Administration territoriale, 150 morts selon des sources indépendantes) n’avait-on pas suivi le discours du chef de l’Etat méprisant les vies prises des Camerounais  par les balles incestueuses de leur armée !? Un discours dans lequel Paul Biya  n’avait semblé ne faire cas que de son pouvoir « menacé », et pour lequel il avait réitéré aux militaires de tirer à vue sur les manifestants dits des  «émeutes de la faim ». L’on n’identifia dans ce discours s’apparentant davantage à celui d’un chef de clan qu’à celui d’un chef d’Etat, aucun  segment de phrase dans lequel Paul Biya  adressa ses condoléances aux jeunes Camerounais morts.

Même en subodorant qu’ils avaient été tués en voulant lui « arracher »  son pouvoir éternel, il n’en demeure pas moins qu’ils étaient morts.  Même le nombre officiel avancé par Marafa Hamidou Yaya (qui aujourd’hui reconnaît subitement le caractère monarchique du pouvoir de Paul Biya, alors que c’est lui qui cette année-là au parlement, défendit le projet de loi qui devait consacrer l’éternité de Paul Biya au pouvoir), est un nombre de trop, en comparaison de la vie humaine, et du postulat qu’on prend le pouvoir pour diriger les Hommes et non les morts ou les animaux.

En 2013, 29 femmes étaient sauvagement assassinées au quartier Mimboman à Yaoundé au titre des crimes rituels. Silence radio côté pouvoir exécutif. Aucune descente sur les lieux  d’un membre du gouvernement ne fut signalée, pas même des femmes. Ailleurs, des chefs d’Etat vont à l’aéroport accueillir un seul otage libéré, se rendent sur des lieux de crimes, convoquent des réunions de crise séance tenante, coupent des têtes couronnées, et des points de presse tenus en temps réel. Ecourtent  leurs séjours à l’étranger pour bien moins que ce qui arrive aux femmes au quartier Nkolbisson à Yaoundé. Voici donc un pays hors de la planète Terre, un pays extraordinaire où la vie des citoyens est moins importante que certains animaux domestiques des dignitaires du régime.

Et les femmes, elles, continueront à applaudir « Pau Biya, notre président », sans compte demander pour leurs congénères. Ils ont raison, ceux qui, narguent  effrontément  les  journalistes indépendants en disant : « Ecrivez ! Depuis que vous écrivez là, qu’est-ce qui a changé ? Paul Biya m’a-t-il démis de mes fonctions ? Ecrivez encore, dénoncez jour et nuit ! ».

Pour qui en était encore à demander à quoi renvoie le dicton diabolique « Le Cameroun c’est le Cameroun », doit ici, avoir été servi. Et ce Jésus de Nazareth qui disait dans les Evangiles qu’il y a plus de joie lorsque qu’on retrouve une seule  brebis perdue sur mille qu’on possède ! Et nos dirigeants que nous aimons par-dessus tout, parce que ce sont nos dirigeants, nous n’allons pas inventer un pays à nous, sont, je suppose, Chrétiens. Pourquoi être donc aussi insensibles !?