Opinions of Wednesday, 25 June 2025

Auteur: Dr Claudel Noubissie

Réouverture de Sur Mesure: Claudel Noubissie explique pourquoi sa boutique a été fermée

Créée en 2016 dans un petit atelier du quartier Briqueterie à Yaoundé, SM, la Marque des Leaders est une maison camerounaise qui, depuis près de dix ans, façonne localement des vêtements, des chaussures, des accessoires et de la maroquinerie haut de gamme.

Notre vocation a toujours été claire: démontrer qu’un luxe imaginé et fabriqué au Cameroun peut rivaliser, par son raffinement et sa rigueur, avec les plus grandes maisons internationales.

Notre ambition s’appuie sur trois piliers indissociables : mettre en lumière les textiles Africains, structurer une chaîne de production entièrement locale et construire un modèle entrepreneurial qui conjugue excellence, identité culturelle et création d’emplois.

Après six premières années d’expérimentations et de formation d’artisans, la marque a été officiellement immatriculée en mai 2022 sous la dénomination SUR MESURE SARL (NIU M032217327897Z, RCCM RC/YAO/2022/B/598).

L’ouverture de notre premier showroom, en février 2023, dans le plus prestigieux centre commercial de la capitale du Cameroun (Playce, Warda) a marqué l’aboutissement de ce parcours : pour la première fois, un savoir-faire 100 % Made in 237 s’exposait au sein d’un espace commercial de portée internationale et offrait à la jeunesse camerounaise la preuve qu’il est possible de créer, produire et vendre localement sans complexe.

Ce showroom, dans lequel nous avons investi un peu plus de 100 millions FCFA, a permis de créer plus de cinquante emplois directs et indirects.

Cet investissement lourd nous a toutefois confrontés à un double défi : apprivoiser un nouvel environnement commercial exigeant, loyers élevés, charges fixes inédites, tout en installant nos procédures internes.

Les premiers mois ont donc servi d’apprentissage ; le temps de trouver le bon positionnement, un retard significatif de trésorerie s’est creusé, principalement sur les loyers.

Pour redresser la barre, nous avons remplacé l’équipe de direction et revu notre modèle opérationnel. Les ventes ont aussitôt progressé, mais ce regain de performance n’a pas suffi à résorber le passif hérité des débuts.

Faute d’un accord avec le bailleur sur l’échelonnement des arriérés, celui-ci a obtenu, le 23 octobre 2024, une ordonnance de saisie conservatoire qui a fini par entraîner la fermeture temporaire du point de vente.

Le 29 janvier 2025, un huissier a procédé à une saisie conservatoire : autrement dit, il a officiellement immobilisé tout le matériel se trouvant dans notre boutique pour garantir, au profit du bailleur, le paiement des loyers réclamés.
Les biens sont restés sur place, mais nous n’avions plus le droit de les déplacer ni de les vendre tant que la dette n’était pas régularisée.

Forts de résultats solides, 98,5 millions FCFA de chiffre d’affaires cumulé entre février 2023 et février 2025, dont 59,5 millions FCFA sur la seule année 2024, 29,7 millions FCFA reversés la même année à nos fournisseurs camerounais et une marge brute moyenne de 45 % (avec des pointes à 61 % sur les accessoires), nous avions la certitude de la robustesse de notre modèle.

Nous avons donc mobilisé nos ressources pour régler la créance sans délai : le 20 février 2025 (22 jours après la saisie du 29 janvier 2025), nous avons versé un premier acompte de 6 000 000 FCFA ; le 6 mars 2025 (14 jours plus tard), nous avons acquitté le solde de 8 000 000 FCFA.

Au total, 14 000 000 FCFA (quatorze millions de francs CFA) ont été réglés, soit 900 000 FCFA (neuf cent mille francs CFA) de plus que la somme initialement réclamée, preuve irréfutable de notre bonne foi.

Bien que nous ayons apuré immédiatement la créance, et versé un surplus à titre de bonne foi, la saisie conservatoire n’a jamais été levée.

L’accès au showroom nous est resté interdit et nos biens sont demeurés immobilisés, en dépit de démarches amiables répétées : transmission des preuves de paiement, courriers officiels, réunions avec la direction juridique et, en ultime recours, entretien direct avec le directeur général de PlaYce.

À chaque rencontre, nous avons formulé la même requête : qu’ils constatent le règlement intégral, se désistent de la procédure et nous rendent simplement la jouissance de nos locaux.

Après trois semaines de pourparlers, la réponse nous a été communiquée par téléphone : « Nous ne souhaitons plus accueillir votre enseigne au sein de notre centre commercial. »

Dans l’intervalle, des vidéos montrant la saisie, enregistrée après notre paiement intégral, ont continué à circuler sur les réseaux sociaux, alimentant des accusations d’arnaque et de faillite.

Par souci de sérénité, nous avons choisi de garder le silence : seule une décision de justice impartiale pouvait, pensions-nous, dissiper des rumeurs dénuées de fondement.

Après l’échec total de nos démarches amiables, présentation des justificatifs de paiement, échanges avec la direction juridique puis rencontre avec le directeur général de PlaYce, nous avons été contraints, contre notre gré, de saisir le Tribunal de Première Instance (TPI) de Yaoundé-Centre-Administratif afin d’obtenir la levée judiciaire de la saisie et la restauration de nos droits.
Le 12 juin 2025, le juge du contentieux de l’exécution du Tribunal de première instance de Yaoundé-Centre-Administratif a rendu l’ordonnance n° 0375/D/CE.
En clair :

- l’autorisation de saisie conservatoire signée le 23 octobre 2024 est rétractée ;
- la mainlevée immédiate de la saisie pratiquée le 29 janvier 2025 est ordonnée ;
- la demande reconventionnelle de Playce est jugée irrecevable ;
- Playce est condamnée aux dépens et l’ordonnance est exécutoire sur minute.
Concrètement, notre boutique doit rouvrir sans délai, toutes nos marchandises doivent nous être restituées et les frais supplémentaires réclamés n’ont aucune base légale.

Entre le 6 mars 2025, date du règlement intégral (surplus inclus), et le 12 juin 2025, notre boutique est demeurée close 99 jours (3,3 mois).
Rapporté à la moyenne mensuelle 2024, ce gel représente déjà un manque à gagner direct d’environ 16 millions FCFA.

À cette perte de recettes s’ajoutent :
- les coûts de départ et de remplacement de plusieurs collaborateurs ;
- la détérioration des conditions commerciales avec certains partenaires, désormais plus exigeants en garanties ;
- une atteinte durable à notre réputation, nourrie par des vidéos diffamatoires toujours en ligne.
La perte d’exploitation, les surcoûts salariaux et le dommage réputationnel forment désormais la base chiffrée du dossier indemnitaire que nous finalisons.
Nous tenons à souligner l’excellence du travail accompli par Maître Russell Cheumou.

Sa maîtrise technique, sa présence constante à chaque audience et son intégrité sans faille ont été décisives. Il ne s’est pas borné à plaider : il a collecté chaque pièce, anticipé chaque argument adverse et rappelé, avec élégance, que la loi reste la meilleure protection du juste.

À l’heure où le Barreau renouvelle son Conseil de l’Ordre, nous soutenons pleinement sa candidature. Défendre une PME locale face à un groupe international sans céder à la pression ni aux raccourcis : voilà l’« Avocature Autrement » que la profession mérite.

Si vous cherchez un conseil fiable, méthodique et fermement ancré dans la déontologie, vous trouverez en Me CHEUMOU un allié de premier ordre.
Notre gratitude va aussi à nos équipes, fournisseurs, clients et investisseurs, restés à nos côtés pendant ces mois d’incertitude.

Dès que l’huissier nous aura signifié la décision, nous rouvrirons la boutique, convaincus qu’au Cameroun la loi protège celles et ceux qui créent de la valeur.
Les collections mûries dans l’ombre de la procédure sont prêtes : elles magnifient le raphia, le bazin, le Faso Dan Fani et tout ce patrimoine textile qui forge notre identité.

À ceux qui ont douté ou relayé des accusations infondées, nous n’opposerons ni rancœur ni polémique.

ON NE PLEURE PAS !

Nous rouvrirons nos portes pour que chacun puisse constater, de visu, la vitalité retrouvée de notre entreprise.

Parfois, le silence domine le vacarme lorsqu’il est porté par la conviction d’être dans son droit. Le rideau se lève de nouveau, la lumière éclaire nos créations et une page neuve s’écrit, toujours cousue main, à l’image de chaque pièce signée Sur Mesure (SM).