Opinions of Thursday, 4 September 2025
Auteur: Joe Berty
Paul ITEP, jeune Bassa de 25 ans, rêvait d’un avenir simple et heureux : fonder une famille avec Henriette Kamdem, son amour de jeunesse, une Bamiléké rencontrée sur les bancs du lycée. Mais au Cameroun, l’amour ne se vit pas toujours librement. Entre traditions, rancunes héritées du passé et préjugés tribaux, des destins continuent de se briser.
Un amour étouffé par les rancunes du passé
Maman Hermine ITEP, la mère de Paul, s’opposait farouchement à cette union. Pour elle, aucune Bamiléké ne devait entrer dans sa famille. Sa rancune s’enracinait dans les blessures des guerres d’indépendance, marquées par des accusations de trahison de la part de certains Bamilékés envers les Bassas et la mémoire du héros national Ruben Um Nyobé. Elle accusait notamment Anatole Kameni, figure connue de Douala, d’avoir dérobé des fonds destinés à l’achat d’armes pour les membres de l’UPC au Ghana, accusation qui, dans la mémoire populaire, a alimenté les rancunes.
Pourtant, l’histoire retient surtout d’Anatole Kameni son rôle de photographe, hôtelier, restaurateur, planteur et militant engagé aux côtés de l’UPC, accueillant ses dirigeants, organisant des réunions politiques et les soignant chez lui. Le lieu-dit « Carrefour Anatole » à New-Bell porte d’ailleurs son nom. Pour Maman Hermine, la douleur était d’autant plus vive qu’elle avait perdu son père et deux de ses oncles dans cette guerre. Sous sa pression, Paul finit par céder. Henriette fut écartée de sa vie, remplacée par Laétitia Nyemeck, une Bassa, comme le voulait sa mère.
Un mariage aux allures de piège
Très vite, le rêve tourna au cauchemar. Laétitia, passionnée de luxe, multipliait les relations extraconjugales avec des Sugar Daddies pour satisfaire ses désirs matériels. Deux ans après leur mariage, elle contracta le VIH et contamina Paul. Tandis qu’elle s’envolait pour la Belgique à la recherche de soins, Paul, lui, s’éteignit trois ans plus tard à Yaoundé, brisé dans sa chair et dans son cœur. Ironie du sort, Henriette, l’amour perdu, avait refait sa vie au Canada. Mais lorsqu’elle apprit la tragédie, elle prit sur elle d’accompagner Maman Hermine dans ses vieux jours. Celle-là même qui l’avait rejetée finit par recevoir le soutien de la jeune femme qu’elle avait méprisée au nom du tribalisme.
Une leçon pour le Cameroun
Au-delà du drame individuel, cette histoire illustre un mal persistant : le tribalisme. Hérité de blessures historiques et nourri par la méfiance entre communautés, il continue de détruire des vies, d’empêcher des unions et de semer la division. L’histoire de Paul et Henriette rappelle avec force que le Cameroun ne pourra avancer que si les générations présentes décident de rompre avec ces rancunes anciennes pour bâtir un avenir commun, basé sur l’amour, la solidarité et le pardon.
La chronique : "Briser les murs du tribalisme"
Cette chronique est conçue par CAMEROON FIRST THINK-TANK, qui regroupe en son sein des experts en stratégies de développement. Sa mission est d’informer et d’orienter le peuple camerounais, les décideurs et les bailleurs de fonds sur les approches de développement économique et social. Le Cameroun est riche de plus de 250 peuples, une mosaïque culturelle unique qui devrait être notre plus grande force. Pourtant, le tribalisme continue d’empoisonner notre vivre-ensemble, de briser des amitiés, des familles, des amours et parfois même des destins.
Cette chronique a pour objectif de sensibiliser, éveiller les consciences et donner la parole à chaque citoyen. Ici, chacun pourra venir raconter son histoire : une blessure, une injustice, un préjugé subi… mais aussi un geste d’unité, une expérience de fraternité ou un exemple de dépassement des clivages. Parce que le tribalisme n’est pas une fatalité, mais un combat de tous les jours, cette chronique se veut un espace de vérité, de partage et d’espoir. Ensemble, par nos témoignages et nos réflexions, nous pouvons déconstruire les barrières invisibles qui nous divisent et bâtir un Cameroun plus fort, uni et solidaire. Le Cameroun est un seul peuple, une seule nation : le tribalisme divise, l’unité bâtit.